Égalité, diversité, santé mentale... Les JO de Tokyo ont marqué un pas en avant vers l’harmonie
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Des Jeux conformes à la volonté des athlètes
Les Jeux olympiques de Tokyo ont été un événement marquant. À de nombreuses occasions, les athlètes ont fait des déclarations d’une portée qui n’avait jamais été vue auparavant.
C’est tout d’abord l’équipe de Grande-Bretagne de football féminin qui a attiré l’attention.
Le 21 juillet, avant le coup d’envoi de leur premier match de groupe contre le Chili, les joueuses britanniques ont mis un genou en terre sur le terrain, dans un acte de protestation contre le racisme et autres formes de discrimination. Les Chiliennes ont alors fait de même en mettant un genou en terre, ce qui s’est reproduit lors du deuxième match entre l’Angleterre et le Japon, quand les joueuses japonaises ont répondu à la Grande-Bretagne en mettant elles aussi un genou en terre.
Kumagai Saki, capitaine de l’équipe japonaise, a déclaré :
« Nous étions au courant de ce qui s’était passé pendant le premier match. Après en avoir discuté entre nous, nous avons décidé à l’unanimité de le faire, car cela nous a fait réfléchir sur le racisme et les discriminations, et nous avons voulu marquer notre respect pour l’action des joueuses britanniques. »
Le 25 juillet, ce fut au tour de l’équipe allemande féminine de gymnastique de se trouver sous les feux de la rampe. Les quatre gymnastes qui ont participé aux épreuves de qualification portaient des « unitards », ou justaucorps longs jusqu’à la cheville, alors que le justaucorps court était la norme jusque-là en gymnastique féminine. Cette rupture avec les idées reçues fut largement couverte par les médias, nationaux et internationaux.
Elisabeth Seitz, autre membre de l’équipe allemande, a expliqué leurs intentions.
« Il s’agit de savoir dans quoi vous vous sentez à l’aise. Nous avons voulu montrer que chaque femme doit pouvoir décider elle-même ce qu’elle a envie de porter. »
Toutes les quatre ont continué à porter des unitards lors de la finale par équipe.
Plus de 180 athlètes ont déclaré être LGBTQ
Les athlètes transgenres, tel Laurel Hubbard (Nouvelle-Zélande) dans l’épreuve féminine d’haltérophilie, ont grandement attiré l’attention pendant les Jeux olympiques de Tokyo, et le nombre d’athlètes qui ont déclaré une appartenance à la communauté LGBTQ a dépassé le nombre de 180, un record.
Le Britannique Thomas Daly, qui a remporté l’or au tremplin de 10m synchronisé masculin, et le bronze en individuel, a déclaré après les Jeux :
« Je suis fier d’être gay et champion olympique. »
Les médias ont également beaucoup parlé de lui parce qu’on le voyait souvent dans les tribunes entre les épreuves en train de tricoter.
Ces scènes n’ont jamais été vues lors des précédents Jeux olympiques. Comment a pu se produire ce changement ?
« Diversité et harmonie » était le thème de ces Jeux olympiques. La diversité commence par le respect de l’individu, de son mode de pensée et de la personnalité de chacun. Dans le passé, les Jeux olympiques n’ont pas toujours été un environnement où les athlètes pouvaient dire ce qu’ils pensaient, ni se comporter librement.
L’une des raisons venait de la position du Comité International Olympique (CIO), qui interdit toute propagande politique, religieuse et raciale sur les lieux de compétition et de remise des prix. La conséquence était que les athlètes qui souhaitaient avoir un impact dans des questions politiques et sociales dans leur propre pays ne pouvaient pas le faire. Ce fut le cas par exemple lors des Jeux olympiques de Mexico en 1969, lorsque deux athlètes américains qui avaient levé le poing sur le podium pour protester contre le racisme avaient été expulsé des Jeux.
Les protestations des athlètes sont approuvées pour la première fois
Ces dernières années, les protestations qui prennent la forme d’un genou mis en terre pendant un match ou une épreuve sportive se sont multipliées dans de nombreux pays, comme ce fut le cas pour l’équipe britannique féminine de football. Au printemps, le CIO avait déclaré qu’il n’admettrait pas ce type de protestation, confirmant ainsi sa position antérieure. Or, début juillet, le CIO, dans un revirement complet de sa jurisprudence, a déclaré qu’il autoriserait les protestations pacifiques pendant les Jeux, sauf lors des remises de médailles, des cérémonies d’ouverture et de clôture, et à l’extérieur du village olympique.
Le CIO n’est pas le seul en cause dans l’interdit qui a longtemps prévalu de toute expression ouverte. Bien que les Jeux olympiques soient pour tous une fête du sport, ils ont souvent tendance à se transformer en compétition entre États, les anciens pays socialistes en particulier les ont souvent utilisés pour renforcer leur prestige national. Les athlètes étaient ainsi souvent privés de toute occasion d’expression individuelle.
Le Japon ne fait d’ailleurs pas exception, et les athlètes ont indéniablement été, directement ou indirectement, été contraints de donner l’image qu’ils se battaient avant tout pour leur pays.
Par exemple, dans les années 1990, un athlète japonais qui avait déclaré qu’il s’était bien amusé aux JO, avait été vertement critiqué, également dans les médias : « Comment pouvez-vous dire que vous vous amusez, alors que vous représentez votre pays ? Commencez donc par vous excuser de ne pas avoir ramener de médaille » C’est ainsi que les sportifs étaient pris à parti à l’époque. Dans une ambiance où les sportifs n’étaient pas censés se battre pour eux-mêmes, on comprend qu’ils hésitaient à exprimer sincèrement leurs pensées et leurs sentiments.
Mais cette ambiance est du passé. S’il est maintenant habituel de protester contre le racisme, il est tout autant acceptable pour les athlètes de s’exprimer sur l’égalité des sexes et d’autres questions sociales pertinentes dans le monde du sport. Les Jeux olympiques ne peuvent rester à l’écart de ce phénomène.
Un changement attendu dans la société japonaise
Le cas de Simone Biles (USA) en gymnastique féminine est également emblématique des Jeux de Tokyo. Biles, qui, de l’avis général, devait remporter l’or dans toutes les épreuves auxquelles elle était inscrite, s’est retirée de la finale par équipes en raison de problèmes de santé mentale au milieu du concours et n’a participé à aucune épreuve jusqu’à son retour pour la dernière épreuve, la poutre. Cela lui aurait certainement valu des critiques dans le passé, lorsque les athlètes étaient par défaut considérés comme représentant leur pays. Mais Biles, qui a agi en son nom propre, a été chaleureusement accueillie. C’est un autre exemple de changement, tant pour le joueur que pour le monde.
Il était très inspirant pour les athlètes de voir d’autres sportifs déterminés à défendre ce qu’ils sont et de montrer de quoi ils sont capables. Cela aura certainement aussi un impact sur le public, et si les Jeux olympiques de Tokyo ont été le déclencheur d’un changement dans la société japonaise, où les individus ont souvent tendance à hésiter à s’exprimer en leur nom propre, ce sera certainement l’un des résultats les plus formidables que les JO auront laissé derrière eux.
(Photo de titre : Thomas Daly [à gauche] et Matty Lee ont remporté la médaille d’or au saut en hauteur synchronisé de 10 m chez les hommes. Daly est une idole dans sa Grande-Bretagne natale. Photo prise à la Piscine olympique de Tokyo, le 26 juillet 2021. AFP/Jiji)
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