Les coulisses des Jeux olympiques de Tokyo vues par une journaliste vétéran
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Une épidémie bien gérée dans le village olympique
En fin de compte, ces Jeux olympiques de Tokyo se sont terminés sans tremblement de terre, sans typhon, sans cluster Covid. Les athlètes du monde entier ont donné le maximum de leur talent, et ont communiqué une fois de plus le pouvoir du sport.
Avant la cérémonie d’ouverture, j’étais surtout inquiète des éventuels effets du coronavirus pour moi-même. Si j’étais infectée, c’était la fin de ma couverture de l’événement. Alors que les familles et les maîtres des athlètes eux-mêmes n’étaient pas admis dans les stades et les gymnases, il n’était pas question de gaspiller mon précieux badge « presse ». J’étais prête à prendre toutes les précautions.
Tout d’abord, j’ai effectué mes deux doses de vaccin avant la mi-juillet, comme l’exigeait le programme établi d’urgence pour toutes les personnes impliquées dans les Jeux olympiques. Ensuite, j’ai téléchargé l’appli de contrôle individuel de condition physique sur mon smartphone, sur laquelle il fallait enregistrer ses données santé obligatoirement tous les jours. Température, poids, contact rapproché avec des personnes testées positives. Le contrôle était très strict. Si vous oubliez de rentrer vos données sur l’appli avant midi, vous recevez systématiquement un mail d’avertissement, et si vous n’avez pas le certificat que vos données sont à jour qui s’affiche sur votre écran, votre accréditation presse peut vous être retirée. C’est sûr, ça vous met la pression.
Ensuite, je me suis rendue au centre de presse principal à Tokyo Big Sight pour recevoir un kit de test PCR (type prélèvement de salive). Je devais en faire un tous les 4 jours.
Résultat des courses : alors que le nombre de nouveaux cas confirmés d’infection au coronavirus parmi la population générale a augmenté de plusieurs pourcents au-dessus de la même époque l’année précédente, atteignant un niveau record, seuls 430 personnes impliquées dans la tenue des Jeux olympiques ont été testés positifs durant les Jeux entre le 1er juillet et le 8 août, un nombre très faible. Ils se décomposent en 236 sous-traitants, 109 officiels, 29 athlètes, 25 journalistes et médias, 21 bénévoles et 10 membres du comité d’organisation. Jusqu’à la fin juillet, environ 400 000 tests PCR ont été effectués, et un taux de positivité se limitait à 0,02 %.
Merci aux mesures drastiques
Il est clair que les mesures drastiques qui ont été mises en place se sont avérées payantes.
À l’entrée de chacun des lieux où se déroulaient les compétitions, du gel hydroalcoolique pour les mains, des capteurs pour vérifier la température corporelle (et bien sûr reconnaissance faciale et scan des bagages). En outre, pour la première fois aux Jeux olympiques, le nombre de personnes accréditées sur chaque site était entièrement contrôlé. Chaque journaliste ou employé de média devait avoir fait la demande à l’avance pour chaque journée et chaque site et avoir reçu une accréditation détaillée par courrier électronique.
Port du masque obligatoire en permanence, tant à l’intérieur que lors des déplacements. Avant la cérémonie d’ouverture, un article avait dénoncé « des journalistes étrangers sans masque », ce qui a peut-être servi de signal d’alarme. De ce que j’ai pu voir personnellement, personne n’enlevait son masque, sauf dans les zones de restauration et les débits de boisson, et tout le monde se retenait de parler inutilement en mangeant et en buvant.
Pour vous donner une idée de ce que fait un journaliste pendant les Jeux olympiques, il travaille avant et après les épreuves dans une grande salle appelée Media Work Room, où chacun est séparé de son voisin par une chaise vide. Après avoir regardé l’épreuve ou le match depuis les tribunes, les interviews des athlètes ont lieu dans ce que l’on appelle la Zone Mixte.
Lors des JO précédents, la zone mixte était toujours un endroit bondé, mais cette fois, le nombre de personnes autorisées était limité et les distances à respecter entre chaque individu et avec les athlètes étaient de plusieurs mètres. Les interviews étaient réalisés grâce à des micros et haut-parleurs. En fait, on s’entendait beaucoup mieux qu’auparavant.
Les flacons de désinfectant à l’alcool étaient partout visibles, et les bénévoles essuyaient fréquemment à très consciencieusement. Je crois sincèrement que tous les points susceptibles d’être touchés par quelqu’un étaient systématiquement désinfectés.
Les athlètes, les officiels de chaque équipe et les médias étrangers se déplaçaient en bus spéciaux, mais les médias japonais utilisaient les transports en commun des réseaux normaux, sans confinement particulier. Je pense que les chiffres montrent l’efficacité de la désinfection à l’alcool.
Trop de confort devient un inconvénient !
En ce qui concerne la nourriture, j’ai eu pitié pour les médias étrangers. Tout d’abord, le calendrier des épreuves était si serré qu’il n’y avait pas le temps de prendre un repas tranquille, et ensuite, il devait être difficile de trouver un restaurant ouvert après le travail. Je comprends que la question de l’alimentation dans les supérettes (konbini) soit un sujet brûlant sur les réseaux sociaux.
Je n’ai utilisé qu’une seule fois le restaurant du centre de presse principal, très cher pour une qualité très relative. Mais disons que c’est la même chose à chaque Jeux olympiques, je ne ferai aucun commentaire spécifique à ce sujet.
En revanche, l’eau en bouteille, le café et le thé étaient mis à disposition gratuitement dans la salle de travail des médias, ainsi que, dans certains lieux, des « lunch pack » de Yamazaki Baking Co. (saveur beurre de cacahuètes, confiture de fraise ou beurre) ou des bananes. Et cela était hautement apprécié, je crois, par rapport à d’autres JO.
De nos jours, une grande partie du travail d’information est assuré par les multiples applis disponibles. L’inconvénient est que ces applis sont tellement nombreuses que cela prend un temps fou pour les maîtriser toutes. Ça commence avec les applis de contrôle de la condition physique, les applis sur les moyens de transport disponibles pour se rendre d’un site à un autre… il y avait même une appli de traduction simultanée lors des conférences de presse des médaillés. Mais à chaque conférence de presse, le temps que tout le monde ait lancé l’appli, scanné le code QR, choisi sa langue avant que la conférence de presse puisse commencer… Non, là, c’est trop.
C’est lors de la compétition de tennis de table que j’ai ressenti le plus durement l’absence de spectateurs. Dans d’autres épreuves, et en fonction du lieu, les rencontres étaient accompagnées généralement d’une sorte de musique ou une chanson d’entrée des athlètes, choisie par les athlètes eux-mêmes (en boxe, par exemple), ou un commentaire en direct en japonais et en anglais (basket-ball). Mais la salle de tennis de table était tellement silencieuse que l’on avait peur de faire du bruit !
S’il n’y avait aucun spectateur, il y avait tout de même les autres membres de chaque équipe et les officiels dans les tribunes, même si les images de la télé les ont rarement montrés. De fait, pour les athlètes des sports les moins populaires, qui doivent avoir l’habitude des compétitions sans foule en délire, il est probable que la situation n’ait pas été trop disruptive. Et pour les autres disciplines, par exemple en gymnastique, le dernier jour, lorsque Simone Biles, la star de l’équipe féminine américaine a concouru après s’être remise de ses problèmes de « santé mentale », des centaines de personnes, qui semblaient être des membres de la famille olympique (la plupart d’entre eux portaient des vêtements frappés du sigle USA) ont rempli un coin des tribunes et lui ont fait une ovation lorsqu’elle est entrée en lice. Le groupe avait quitté la salle quand l’épreuve suivante, la barre fixe, a commencé.
Le tout dernier jour des Jeux, la finale du basket-ball féminin, qui opposait le Japon contre les États-Unis fut suivie par un millier de spectateurs. Il s’agissait en fait de bénévoles dont le service pendant toute la durée des Jeux a été récompensée par cette autorisation d’assister au match dans les tribunes. Même avec 1 000 spectateurs, il y avait encore suffisamment de fauteuils libres pour respecter des distances tout à fait correctes.
Le Japon peut être fier d’une propreté sans failles pour les JO
Avant la cérémonie d’ouverture, les appels à l’annulation des Jeux étaient nombreux, et certains étaient anxieux à l’idée que les compétitions puissent être interrompues par des manifestants ou autres. Mais en arrivant sur les lieux le premier jour, ce que nous avons vu, c’est que les bénévoles étaient tous en place pour nous accueillir et que toutes les mesures étaient prises. De plus en plus de personnes prenaient des photos des sites depuis les fenêtres du quartier ou la station du monorail Yurikamome qui traverse le quartier d’Odaiba, et on voyait les habitants du quartier venir attendre les bus des athlètes avec des messages de soutien écrits à la main.
Parmi tout ce que j’ai vu, ce pour lequel je me suis dit : « Le Japon peut être fier de ça », c’est la propreté partout, et la sécurité de l’approvisionnement en eau. Les gares, les trains, les routes, tout est propre et aucun détritus ne traîne. Et parlons des toilettes. Lors de n’importe quels Jeux olympiques, ou de tout autre événement majeur, il finit toujours par y avoir des blocages et des pannes. Au Japon, je n’ai pas vu le moindre problème.
Ce n’est un secret pour personne que certains visiteurs étrangers s’émerveillent devant les toilettes multifonctionnelles japonaises. Le Japon est sans doute le pays où les toilettes sont les plus hygiéniques au monde, et le restent. La gare de Tokyo rénovée et la galerie marchande souterraine sont aussi parmi les plus belles du monde.
La consigne était de réduire au maximum les conversations dans les sites des compétitions et même si les circonstances l’imposaient, je regrette certainement de n’avoir eu quasiment aucune occasion de parler avec les médias étrangers ou avec les bénévoles. Néanmoins, maintenant que le rideau est baissé, comme de très nombreux athlètes, je ressens un sentiment de gratitude. Je ne discuterai pas la question de savoir si ce fut un succès ou pas.
(Photo de titre : la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Tokyo avec le mot « ARIGATO » et feux d’artifice le 8 août 2021 au Stade national, Tokyo, Japon. Jiji)
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