Exploration de l’histoire japonaise

L’abolition des domaines féodaux et la naissance des préfectures japonaises

Histoire

Le 29 août 1871, le Japon abolissait le système des domaines féodaux (han) en place depuis 700 ans. Ils sont remplacés par des préfectures (ken), elles-mêmes rattachées à un gouvernement central. Derrière cette réforme historique se cache en fait une lutte entre factions pour le pouvoir. À la fin de l’article, un tableau récapitulatif des événements majeurs.

Consolider le système préfectoral jusqu’au Japon d’aujourd’hui

Le gouvernement était parvenu à unifier l’État. Mais cette unification s’étant faite en grande partie grâce à la faction Satsuma-Chôshû, cette dernière avait acquis un pouvoir disproportionné au sein du gouvernement. En ce sens, il n’est pas erroné d’affirmer que l’abolition des domaines signifiait la prise de pouvoir par la faction Satsuma-Chôshû.

Cette annonce ne signifie pas que la prise de contrôle de l’administration préfectorale a été immédiat. Après l’abolition des 261 domaines et leur remplacement par des préfectures, il y en avait 305 au total, dont les anciens territoires du shogunat, 3 étant les fu (préfectures urbaines) de Tokyo, Osaka et Kyoto. C’est au ministère des Finances, alors dirigé par Ôkubo, à qui revint la tâche de superviser le travail administratif imposé par cette transformation. Les superficies des préfectures ayant été très hétérogènes à cette époque, le ministère décida de réformes pour harmoniser leurs tailles, sur la base d’une production de riz d’environ 300 000 à 400 000 koku (soit environ 180 litres de riz). Pour le gouvernement, c’était une taille raisonnable pour une administration régionale. Il fut même un temps question de diviser Chôshû en deux préfectures plus petites. En décembre, le plan de formation de 75 préfectures — plus le nouveau territoire de Hokkaidô — avait été en grande partie concrétisé.

Seulement 13 préfectures gardèrent leur nom. Katsuta Masaharu explique que ce changement de nom était loin d’être anodin ; le gouvernement cherchait en fait à couper tout lien avec les anciens domaines. Ce sont donc les noms de villes et de villages ou de rivières et de montagnes qui furent choisis pour les préfectures. C’est également pour cette raison que des personnes nées dans d’autres domaines furent envoyées comme nouveaux gouverneurs. Cependant, dans les préfectures qui avaient joué un rôle important dans la guerre civile, telles que Kagoshima, Kôchi ou encore Saga, ce sont des dirigeants locaux qui furent nommés, probablement en raison de leur influence au sein du gouvernement central.

Plus tard, en 1879, Okinawa devint une préfecture. En 1882, c’est au tour du territoire de Hokkaidô d’être divisé en trois préfectures : Sapporo, Hakodate et Nemuro. Jusqu’en 1888, le système préfectoral connaît une profonde réorganisation. Au terme de maintes suppressions et ajouts, le système devint celui que nous connaissons aujourd’hui, comptant 47 préfectures. (Voir notre article : « To-dô-fu-ken » : pourquoi donc le Japon est-il divisé en préfectures ?)

L’abolition des domaines en 1871 et la création des préfectures furent bénéfiques pour le nouveau gouvernement, qui grâce à son pouvoir unifié, parvint à mener des réformes de grande envergure dans les domaines de la fiscalité, de l’armée et de l’éducation. C’est notamment à ces réformes que le Japon doit son industrialisation et sa forte puissance économique et militaire.

Chronologie des événements liés à l’abolition des domaines

Mars 1869 Les chefs de Satsuma, Chôshû, Tosa et Hizen rédigent une pétition pour rendre les registres des domaines (territoires et citoyens) à l’État. L’initiative fait des émules, incitant d’autres chefs de domaine à faire de même.
Juin 1869 Fin de la guerre civile de Boshin avec la victoire des forces de Meiji et la défaite du shogunat.
Juillet 1869 Les domaines rendent leurs registres à l’État et les daimyô sont nommés gouverneurs.
Août 1869 Création de la Kaitakushi (Mission au défrichement de Hokkaidô)
Septembre 1869 Le territoire d’Ezochi change de nom pour devenir Hokkaidô.
Début 1870 Certains chefs de domaines commencent à rédiger des pétitions appelant à l’abolition des domaines.
Été 1870 Tenue des premiers débats politiques sur le système des domaines à l’assemblée législative
Début 1871 Le groupe d’Iwakura Tomomi se rend à Satsuma. Soumission de propositions de réformes par Saigô Takamori
Avril 1871 Formation d’une armée nationale comprenant des soldats de Satsuma, de Chôshû et de Tosa
Août 1871 Abolition des domaines féodaux et avènement d’un système préfectoral comprenant 305 préfectures
Janvier 1872 Consolidation du nouveau système autour de 75 préfectures

(Photos de titre : Saigô Takamori, Ôkubo Toshimichi et Kido Takayoshi, considérés comme les trois artisans de la Restauration de Meiji. Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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