Hashimuki Makoto, le photographe nouvelle génération qui sublime le mont Fuji
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[Note de la rédaction : Hashimuki Makoto est malheureusement décédé en novembre 2023 à l’âge de 46 ans.]
Capturer les différentes expressions du mont Fuji
Nous avions prévu de rencontrer Hashimuki Makoto à l’aube, près des Fujigoko (les cinq lacs entourant le mont Fuji) dans la préfecture de Yamanashi. Mais la veille, il nous a contactés pour modifier le point de rendez-vous au lac Tanuki (ville de Fujinomiya dans la préfecture de Shizuoka). Puis peu après 20 h, le photographe nous a envoyé une carte météorologique, proposant de reporter la rencontre car la montagne serait probablement cachée par les nuages. Cependant, un peu avant 1 h du matin, la situation avait de nouveau changé : « J’irai finalement à Nihondaira (ville de Shizuoka). Sûrement au lever du soleil », expliquait-il, images d’une webcam du mont Fuji à l’appui. Alors que nous partons à sa rencontre, nous recevons les coordonnées géographiques du lieu alors que nous roulons sur l’autoroute Tômei, et parvenons finalement à le rejoindre avant le lever du soleil.
On dit souvent qu’un photographe de paysage est comme un pêcheur. Plusieurs jours à l’avance, le pêcheur observe attentivement l’évolution de la météo, préparant minutieusement ses cannes et ses hameçons, puis le jour venu, il attend patiemment de faire une grosse prise. De même, le photographe de paysage prépare son équipement en se représentant mentalement l’image finale, utilisant pleinement ses connaissances et son expérience pour trouver le meilleur point de vue possible. Ce n’est pas en espérant prendre une bonne photo par hasard que le succès viendra. Le chemin de l’excellence commence bien plus tôt.
Hashimuki nous partage ses réflexions sur son travail de photographie du mont Fuji.
« Pour moi, le mont Fuji est un être vivant, alors je veux capturer ses “humeurs”, comme si je prenais le portrait d’une personne. Ses expressions changent en fonction de la météo, de l’heure, de la couverture nuageuse, de la position de la lune et des étoiles, ou encore des saisons. Mais pour moi, même si je prends une bonne photo, je ne suis pas satisfait. Ce n’est que lorsque je la partage tout de suite sur internet et que de nombreuses personnes la regardent que je suis vraiment content, comme si j’avais fait une belle prise. »
L’image du mont Fuji qui a fait le buzz
Hashimuki, auto-proclamé « le super photographe du Fuji », est actuellement actif sur Twitter et Instagram. Et ses clichés sont à la hauteur de son titre. Il reçoit une multitude de like et de commentaires élogieux en plusieurs langues
Impossible de ne pas parler de l’une de ses plus belles prises, celle du nuage lenticulaire flottant au dessus de la montagne sacrée. Immortalisée en février 2021, l’image est devenue tellement virale sur les réseaux sociaux qu’elle a terminé en couverture de magazines spécialisés en photographies. Sans compter qu’une équipe de télévision d’un programme populaire est même allée à sa rencontre pour un reportage « en immersion » dans sa passion. Pour couronner le tout, certains médias étrangers l’ont contacté et en ont fait l’un des sujets d’information.
« Je suis vraiment content que cette photo ait fait le buzz. Pour moi, les nuages sont l’élément le plus important. Jusqu’à présent, les représentations du mont Fuji étaient fortement influencées par les œuvres de Katsushika Hokusai. La plupart des photos le montrait seul et imposant, dans un ciel bleu. Mais les nuages changent de forme constamment et contrastent avec la montagne immobile. Je veux faire des photos différentes et nouvelles, plus proches de la réalité. »
Lorsqu’il part photographier le mont Fuji, il ne se contente pas de prendre des clichés, mais aussi de faire des directs ou des « time lapse » (vidéo accélérée) dans le but de transmettre le mouvement des nuages. Hashimuki est à ce point-là charmé par la beauté du mont Fuji.
Comment un boulanger a maîtrisé sa nouvelle passion
Dans la vie de tous les jours, Hashimuki Makoto est boulanger. Et jusqu’à il y a une dizaine d’années, il n’avait aucun intérêt pour le mont Fuji et encore moins pour la photographie. Originaire de la ville de Shizuoka, il était fatigué de voir le mont Fuji au quotidien. Il ne l’a escaladé qu’une seule et unique fois, quand il avait la vingtaine, et le mal aigu des montagnes dont il a souffert lui a fait promettre de ne jamais y retourner.
À partir de 2010, il commence à partager des photos prises lors d’un voyage avec mon smartphone sur Mixi, un réseau social japonais. Il reçoit de très bons retours, en particulier d’un ami amateur de photographie qui reconnaît son talent et lui recommande fortement d’acheter un bon appareil photo. Il débute ainsi avec un appareil photographique hybride entrée de gamme.
Puis un jour, il remarque un calendrier mural accroché sur son lieu de travail qui le fascine immédiatement : une photo du mont Fuji, flottant majestueusement dans une mer de nuages. Le lieu indiqué, Shimizu Yoshiwara (ville de Shizuoka), se trouve juste à quelques minutes en voiture, mais il n’avait jamais vu de sa vie une telle formation nuageuse. Afin d’assister à une scène semblable à celle du calendrier, il se rend plusieurs fois à Shimizu Yoshiwara, sans succès. Ne perdant pas espoir, il continue de retourner sur le même lieu, tout en effectuant des recherches sur les conditions climatiques et le moment du jour provoquant l’apparition de tels nuages. Quand Hashimuki parvient finalement à prendre une photo de la montagne enneigée et encerclée d’une mer de nuages, il se rend compte qu’il a été complètement ensorcelé par le mont Fuji.
Vers le même temps, en juin 2013, le mont Fuji est inscrit au patrimoine culturel mondial de l’Unesco, comme « lieu sacré et source d’inspiration artistique ». Il décide de se consacrer plus à la photographie, avec pour volonté de faire connaître le plus haut sommet du Japon, qui est la fierté des habitants locaux, aussi bien au reste du Japon qu’à l’étranger.
Hashimuki décide de changer de réseau social, passant de Mixi à Twitter afin de se connecter au monde entier. Il achète aussi un appareil photo reflex. Désormais bien équipé pour prendre des photos dans n’importe quelles conditions, il organise des séances photos du mont Fuji tous les weekends.
Un photographe nouvelle génération
Boulanger est un métier de lève-tôt, une habitude parfaite pour Hashimuki qui s’investit de plus en plus dans son activité de photographe spécialiste du mont Fuji. En effet, il n’a aucun problème à sortir de chez lui bien avant l’aube pour être prêt à prendre des photos au lever du soleil. Pendant ses pauses au travail, il consulte des applications météo et des webcams diffusant en direct des images de la montagne depuis plusieurs endroits. Ses horaires de travail lui permettent de prendre des photos du coucher de soleil même en semaine, donc si une formation nuageuse intéressante apparaît dans l’après-midi, il peut rapidement aller prendre des photos après le travail.
Trois ans seulement après qu’il a commencé à photographier le mont Fuji, une de ses photos a été élue dans le « Top 10 » du Tokyo Camera Club de 2016, qui opère le plus grand site de publication de photos au Japon. Figurer dans le « Top 10 » des meilleures œuvres de l’année est un moyen pour les photographes émergents de sortir du lot et de se faire connaître.
Grâce à cette récompense, un photographe peut être contacté par des magazines spécialisés ou des ouvrages de technique de photographie afin de fournir des clichés ou rédiger des articles, ou encore être invité à des événements organisés par des fabricants d’appareils photo. Le calendrier Mt. Fuji Calendar (publié par Impress) mis en vente en 2020 a été très bien reçu et son livre photo, dont il a longtemps rêvé, devrait sortir cette année. Cette progression fulgurante huit ans seulement après avoir acheté son premier appareil réflex est impressionnante, encore plus pour quelqu’un dont l’activité principale n’est pas la photographie.
Au fur et à mesure que sa carrière de photographe progresse, Hashimuki a de plus en plus d’occasions de présenter ses photos dans des expositions ou de publier des ouvrages, mais il affirme clairement qu’il ne peut pas imaginer son activité de création photographique sans les réseaux sociaux :
« Il y a beaucoup d’excellents photographes spécialistes du mont Fuji, comme Ohyama Yukio, que je ne pourrais pas surpasser. C’est pourquoi je veux me faire une réputation à ma manière, en prenant des photos que seul moi peut prendre. Je pense que c’est grâce aux réseaux sociaux que j’ai pu me faire connaître si rapidement et que mon champ d’activité a pu autant s’élargir. En outre, je peux partager en direct avec le monde entier ce que je ressens quand je prends une photo qui m’inspire, quelque chose que les gens ne peuvent pas expérimenter en visitant une exposition ou en feuilletant un livre photo. »
Le mont Fuji est un immense « réseau social »
Hashimuki explique que la chose la plus précieuse qu’il a obtenue grâce à la photographie est la connexion avec tous les autres admirateurs du mont Fuji, que ce soit les personnes qu’il a rencontrées à travers les réseaux sociaux ou directement pendant les séances photo et les différents événements photographiques. Comme ces personnes vivent dans différents endroits et sont de tous âges, ce sont des amis qu’il n’aurait jamais pu se faire sans internet.
« Je pense que le mont Fuji est, en lui-même, le meilleur réseau qui puisse exister : c’est lui qui a permis à mon monde de s’agrandir et de me connecter avec autant de gens. Cette imposante montagne a une présence sacrée, il est facile de voir pourquoi elle est autant vénérée depuis les temps anciens. Moi-même, je ne manque pas de visiter régulièrement le sanctuaire Sengen Taisha. »
Ce Nouvel an, Hashimuki s’est rendu au sanctuaire Sengen Taisha pour écrire son vœu le plus cher sur un ema (petite tablette en bois) : « Publier mon premier livre photo. » Immédiatement après, son vœu a été exaucé : une maison d’édition l’a contacté pour un projet de livre photo et il est actuellement sur le point de réaliser son rêve. Il est évident que Hashimuki Makoto aime le mont Fuji de tout son cœur, et il semble que la montagne l’aime aussi en retour.
Les comptes Instagram et Twitter de Hashimuki Makoto
Quelques-uns de nos articles sur le mont Fuji
- Les sept meilleurs lieux de Tokyo où contempler le mont Fuji
- Le mont Fuji et la culture japonaise
- [Galerie photos] Le mont Fuji, la montagne aux esprits
- La station de recherche du mont Fuji : une mine d’or pour la science
(Toutes les photos ont été prises par Hashimuki Makoto, sauf indication contraire.)