Les athlètes japonais en route vers la victoire olympique

« C’est grâce à la natation que j’existe » : Ikee Rikako aux JO après avoir vaincu la leucémie

Sport Tokyo 2020

Matsubara Takaomi [Profil]

Ikee Rikako est une jeune prodige qui, durant les championnats de natation du Japon début avril, a créé la sensation en remportant l’ensemble des quatre épreuves auxquelles elle s’était présentée. La nageuse japonaise, aujourd’hui âgée de 20 ans, revient de très loin : diagnostiquée d’une leucémie début 2019, elle a dû se retirer de la compétition pendant près de deux ans. Mais son retour exceptionnel à la compétition lui a permis de se qualifier pour les Jeux olympiques de Tokyo, une performance exceptionnelle qui a impressionné tout le Japon. Sa passion sans limite pour la natation, qu’elle porte en elle depuis sa plus tendre enfance, lui a permis de combattre pendant de longs mois son cancer et de revenir aujourd’hui au plus haut niveau.

Nager depuis ses trois ans

Nous sommes le 4 avril, deuxième jour des championnats de natation du Japon. Ikee Rikako vient juste de terminer sa première course, le 100 m papillon, et lève les yeux vers le chronomètre : elle est première. Pendant un moment, la nageuse ne peut pas bouger. Elle reste figée dans le bassin, le visage dans les mains. Même sortie de la piscine, ses larmes ne s’arrêtent pas. « Je suis si heureuse », glisse-t-elle devant les caméras.

Revenue de son long combat contre la leucémie, elle ne pensait pas qu’elle pourrait un jour retrouver les piscines des compétitions.

Nombreux aussi étaient les Japonais qui étaient résignés à l’idée de la revoir nager au plus haut niveau. C’est tout un peuple qui était anxieux à l’idée de la voir concourir aux championnats cette année et c’est pourquoi la surprise a été d’autant plus grande lorsqu’Ikee est allée plus vite que les autres pour remporter la victoire. Une performance incroyable, inspirante, qui lui a aussi permis de se qualifier pour le relais 4 x 100 m quatre nages à Tokyo.

Près de deux ans se sont écoulés depuis l’annonce de sa maladie. On comprend ses larmes, symboles du chemin ardu qu’elle a dû traverser.

Ikee Rikako lors du 100 m papillon, la première catégorie à laquelle elle a participé aux championnats du Japon, le 4 avril 2021. (Jiji Press)
Ikee Rikako lors du 100 m papillon, la première catégorie à laquelle elle a participé aux championnats du Japon, le 4 avril 2021. (Jiji Press)

Ikee est une athlète largement connue au-delà du monde de la natation pour ses performances hors du commun, mais sa vie de nageuse a débuté il y a bien longtemps, tout juste à l’âge de trois ans.

« Mon frère et ma sœur faisaient déjà de la natation et je m’y suis mise de moi-même. Même si je ne me rappelle pas ce qui m’avait attirée à l’époque ... »

Depuis son plus jeune âge, Ikee aime faire du sport et cela ne se limite pas à la natation.

Sa famille lui a toujours apporté un cadre propice pour les activités physiques. Par exemple, ses parents ont demandé à un menuisier de fixer une barre dans une des chambres de la maison pour qu’elle puisse jouer quand elle veut. Plus tard, une échelle horizontale a aussi été installée.

« J’aimais me suspendre ou faire des tractions. Personne ne m’obligeait, je faisais cela de moi-même, naturellement. »

Montrant des aptitudes pour la natation, Ikee commence à participer à des compétitions nationales dès le collège, et à 14 ans, ses excellents résultats aux championnats du Japon lui permettent de rejoindre l’équipe du relais pour les championnats du monde. C’était la première fois en 14 ans qu’une collégienne intégrait l’équipe nationale.

Pourquoi le Japon l’aime

C’est en 2016, lorsqu’elle rentre tout juste au lycée, que son nom se fait connaître du monde entier.

Ikee participe à plusieurs épreuves, dont le papillon et la nage libre aux championnats du Japon, à l’issue desquels sont qualifiés les participants pour les Jeux Olympiques de Rio de la même année. Elle enchaîne des chronos exceptionnels, battant sept records lycéens et un national et se sélectionne pour quatre épreuves olympiques.

Ses succès suivants aux tournois de mai et juin lui permettent de concourir dans trois catégories supplémentaires à Rio : jamais un nageur japonais ne s’était qualifié dans autant d’épreuves.

L’été venu, Ikee se rend à Rio et effectue un total de 12 courses dans sept catégories différentes, atteignant à plusieurs reprises les demi-finales et les finales. Pour le 100 m papillon, sa spécialité, elle établit un nouveau record du Japon lors des séries éliminatoires, qu’elle améliore en demi-finale puis une nouvelle fois en finale. Elle termine à la 5e place (6e le jour même, mais l’une des nageuses a plus tard été disqualifiée pour dopage).

Même si elle n’est pas parvenue à remporter de médaille, sa performance a indéniablement soulevé l’enthousiasme du public. Tout le monde ressentait la même excitation en voyant cette jeune nageuse d’à peine 16 ans : celle d’assister à la naissance d’une athlète hors normes.

Il y a bien eu des nageurs japonais de moins de 20 ans très performants par le passé. Mais ils se démarquaient dans des disciplines comme la brasse ou le dos, alors qu’Ikee se spécialise dans le papillon et la nage libre, des catégories où il est très difficile de briller au niveau mondial. Semblant capable de se mesurer aux meilleures nageuses du monde, elle portait les espoirs de toute une nation.

De plus, le fait qu’elle se soit qualifiée pour autant d’épreuves à Rio a également stimulé l’attention du public.

Parfois dans d’autres pays, on assiste à la naissance de superstars qui participent à de nombreuses compétitions, nageant plusieurs fois dans la même journée dans différentes catégories et terminant sur le podium sans difficulté. Mais le Japon n’avait jamais connu de tel prodige.

Ikee avait le potentiel de réécrire l’histoire de la natation japonaise et c’est pour cette raison qu’elle avait tout le pays derrière elle.

Aux JO de Rio, Ikee se hisse à la 5e place au 100 m papillon alors qu'elle n'a que 16 ans et montre un potentiel hors du commun dans six autres catégories, le 7 août 2016. (Jiji Press)
Aux JO de Rio, Ikee se hisse à la 5e place au 100 m papillon alors qu’elle n’a que 16 ans et montre un potentiel hors du commun dans six autres catégories, le 7 août 2016. (Jiji Press)

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Matsubara TakaomiArticles de l'auteur

Journaliste sportif. Né à Tokyo en 1967. Diplômé de l’université Waseda, Matsubara Takaomi commence sa carrière dans une maison d’édition puis travaille une dizaine d’années à la rédaction du magazine Sports Graphic Number avant de devenir journaliste indépendant. Il poursuit son activité de journaliste sportif en se concentrant sur les Jeux olympiques et se rend notamment à Salt Lake City en 2002 et Athènes en 2004 pour couvrir les compétitions sur place.

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