Au secours des enfants de la minorité aïnoue : Etekekampa, une association pleine d’espoir

Société Éducation

Asahara Hirohisa [Profil]Ikeda Hiroshi [Profil]

Sur l’île de Hokkaidô au nord du Japon, une association apporte son soutien pour l’éducation des enfants de la minorité indigène des Aïnous. Cette remarquable initiative tente de les sortir d’un quotidien souvent empreint de discrimination et de pauvreté. Certains Aïnous ont bien voulu nous raconter leurs expériences personnelles.

La réalité des « appartements aïnous »

Le complexe de logements sociaux d’Ôzora est composé de rangées de bâtiments bas, tous semblables les uns aux autres. Construits en 1970, ces bâtiments devaient accueillir la population toujours plus nombreuse de la ville d’Obihiro. Situés à environ huit kilomètres au sud-ouest du centre-ville, ils accueillent actuellement pas moins de 10 000 résidents. Encore aujourd’hui, parmi eux, de nombreux Aïnous qui y ont emménagé peu après son ouverture.

Le grand complexe de logements publics d’Ôzora a maintenant 50 ans. Des travaux de rénovation sont en cours pour rendre les bâtiments plus accessibles aux résidents âgés et handicapés.
Le grand complexe de logements publics d’Ôzora a maintenant 50 ans. Des travaux de rénovation sont en cours pour rendre les bâtiments plus accessibles aux résidents âgés et handicapés.

Sasamura Jirô a plus de 80 ans. De 1971 à 2018, il a présidé la branche d’Obihiro de l’association aïnoue, sur l’île de Hokkaidô. Il sait absolument tout sur la communauté aïnoue locale. Ses trois arrière-petits-enfants sont eux aussi scolarisés à Eteke. Il raconte qu’avant d’être relogés dans le complexe d’Ôzora, la plupart des résidents aïnous vivaient dans des kotan (hameaux) situés dans la banlieue d’Obihiro. Les conditions de vie dans les « appartements aïnous », comme on les appelait à l’époque, étaient loin d’être idéales.

« Forcer les Aïnous à habiter dans ces logements était déjà une mauvaise chose, dit-il, mais ils n’avaient même pas de salle de bain. » Il explique que pour les membres de la communauté non aïnoue, typiquement, les appartements étaient en bois, comportaient deux étages et avaient une salle de bain au rez-de-chaussée. « La discrimination à l’égard de la communauté aïnoue était flagrante. Certes, nous pouvions utiliser le bain public (sentô), mais les Aïnous sont très pudiques. »

Sasamura Jirô
Sasamura Jirô

Kimura Masae a elle aussi habité dans le complexe d’Ôzora. Jusqu’à son mariage, elle a travaillé comme gouvernante. Ensuite, elle est devenue cuisinière dans des dortoirs pour ouvriers du bâtiment, dans différents quartiers de Hokkaidô. Peu après la fin des travaux d’aménagement du complexe d’Ôzora, Masae, qui était enceinte et s’occupait de ses enfants en bas âge, y a emménagé avec sa famille.

« Le jour de notre déménagement, nous avons pris le bus », raconte-t-elle. « Cela a pris une éternité, et je me suis demandé pourquoi nous étions obligés de déménager si loin. »

Mais il y avait quand même de bonnes choses. « C’était neuf et propre, il avait des toilettes et l’eau courante, mais il n’y avait pas de salle de bain. Il y avait bien un bain public pas très loin de notre appartement, mais je n’aimais vraiment pas y aller. Il y avait beaucoup de gens qui se moquaient de nous. »

Arata Yûki raconte que lorsqu’il vivait au complexe d’Ôzora, les appartements avaient une mauvaise réputation. « Quand j’étais jeune, les résidents étaient soit des Aïnous, soit de mauvaises fréquentations », se souvient-il. « Beaucoup de gens, qu’ils appartiennent ou non à la communauté aïnoue, étaient nés du mauvais côté de la barrière. Le lotissement d’Ôzora était apparemment le premier endroit d’Obihiro à être raccordé au tout-à-l’égout. C’est pour cela que le complexe d’appartements était entouré de maisons modernes. À l’école, les enfants de la communauté aïnoue comme moi étaient sans cesse harcelés. Pendant toute notre enfance, nous avions juste le choix entre nous laisser faire ou apprendre à nous défendre. »

Mari, Manabu et Yûki sont toujours en contact avec Masae. « Elle parle toujours beaucoup, ironise Yûki, mais elle dit toujours la vérité. » Masae, elle aussi, est nostalgique de ces anciens élèves. En plongeant dans ses souvenirs, elle constate que beaucoup de choses ont changé. « Les enfants étaient mal éduqués dans le passé, ils avaient de mauvaises manières. Tous n’étaient pas voués à brillant avenir. Cela ne veut pas dire qu’ils étaient foncièrement mauvais. Oh ça non, ils étaient tous adorables. »

(Photo de titre : des écoliers de primaire avec leur tuteur, un étudiant de l’Université d’Agriculture et de Médecine vétérinaire d’Obihiro. Toutes les photos sont d’Ikeda Hiroshi)

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Asahara HirohisaArticles de l'auteur

Rédacteur et éditeur. Son travail principal consiste à donner des interviews à des magazines mensuels et à des médias en ligne. Il est l’éditeur du livre de photographies Aïnou.

Ikeda HiroshiArticles de l'auteur

Photographe. Né dans la préfecture de Saga en 1981. Titulaire d’un diplôme en swahili de l’Université des langues étrangères d’Osaka, il a travaillé au studio Fobos à Tokyo avant de devenir indépendant en 2009. En 2019, il a publié le livre de photographies Aïnou.

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