Les femmes d’Edo : portraits de Japonaises au XIXè siècle
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Une véritable passion pour les estampes
Kitagawa Morisada était un artiste prolifique, qui aimait à représenter des scènes de la vie quotidienne du XIXe au Japon. Son style semble avoir été inspiré de l’art des estampes japonaises ukiyo-e. Son pseudonyme, Kitagawa (喜田川), se prononce de la même manière que le nom de famille (北川) qu’il a pris lorsqu’il a été adopté par une famille de marchands de sucre. Mais ce choix d’idéogramme n’est pas sans rappeler le nom même du grand artiste de ukiyo-e, Kitagawa (喜多川) Utamaro.
L’admiration qu’il voue aux artistes, ou même le désir d’en devenir un lui-même, est palpable. Cependant, les affaires ont raison de lui, le forçant à abandonner ses rêves. Il ne lui reste alors que peu de temps pour s’adonner à ses deux passions : l’écriture et le dessin.
Les illustrations ci-dessous sont marquées par l’influence des estampes japonaises, si chères à l’auteur. Même si les illustrations de Kitagawa Morisada n’étaient pas en couleur, on ne peut que faire le rapprochement.
Toutes les illustrations suivantes sont tirées de l'œuvre de Kitagawa Morisada, le Morisada Mankô (« Manuscrit Morisada »).
Vers le XIXe siècle, époque des œuvres de Morisada, les belles femmes portaient le nom de ada no onna. Le terme « ada » avait une connotation sensuelle, évoquant la séduction. L’auteur fait lui-même remarquer que ce terme pouvait être utilisé pour décrire des femmes quelque soit leur classe sociale, à la seule condition qu’elles ne soient pas vulgaires.
Les femmes d’Edo
Morisada avait, semble-t-il, un faible pour les ada na onna de la ville d’Edo (aujourd’hui Tokyo). En témoignent les nombreuses illustrations qu’il laisse derrière lui. Il a notamment représenté de nombreuses chônin (femmes ordinaires de la ville).
Les deux illustrations suivantes montrent de jeunes femmes habillées simplement et une femme d’un âge mûr, mariée.
La jeune femme porte un kimono rehaussé d’une ceinture obi de satin noir avec une doublure en crêpe de soie de couleur violette. Dans la capitale Edo, ces ceintures réversibles auraient été connues sous le nom de kujira obi (littéralement « ceinture baleine »), évoquant le fait que comme l’animal, les deux côtés, la peau comme la viande, pouvaient être utilisés. À l’époque de Morisada, cette tenue était communément portée par les jeunes femmes.
Cette femme, d’un âge plus mûr, porte un kimono de coton, ou meisen (un tissu obtenu à partir de fils de soie). Par-dessus, un manteau court, ou hanten, de crêpe de soie. Morisada explique que cela était dû au fait que ces femmes ne portaient pas de sous-vêtements, même en hiver.
Sur l’illustration, la ceinture obi portée par cette femme est celle d’un homme, chose plutôt inhabituelle, comme le fait remarquer Morisada. En revanche, il n’était pas rare que des femmes qui peinaient à joindre les deux bouts empruntent les ceintures de leurs époux. Cette illustration traduit une vie modeste.
Des représentations très intimes
Chez elles, les femmes pouvaient porter des tenues plus décontractées comme un vieux kimono de coton ou tama tsumugi (soie de type doupion). Cependant, comme l’écrit Morisada, ces femmes préféraient des tenues plus raffinées pour sortir, même pour une simple promenade dans le voisinage ou pour aller au sentô (bain public). Aujourd’hui, c’est un peu comme porter un vieux survêtement chez soi mais tout de même prendre la peine de mette un jean et un t-shirt pour sortir ses déchets. Même si les femmes d’Edo n’avaient que peu de moyens, cela ne les empêchait pas de faire attention à leur apparence.
On ne peut que se demander comment Morisada réalisait des dessins aussi intimes du quotidien des femmes d’Edo. Il habitait et vivait à Osaka, où il était marchand de sucre. Il n’écrivait jamais à propos de sa famille, mais il aurait eu une femme et des enfants. Cependant, lorsqu’il se rendait à Edo, il avait l’occasion de dessiner de nombreuses scènes domestiques de la vie de ces femmes.
Par exemple, l’illustration ci-dessous représente une femme après le bain.
Au-delà du sensuel, l’érotisme est présent. Morisada ose même jusqu’à donner des détails de la vie de ces femmes, comme le fait qu’elles se lavaient les cheveux une ou deux fois par mois, et que ces dernières années, elles n’utilisaient plus d’huile aromatique.
L’artiste s’est probablement retrouvé en étroite compagnie avec une femme, sans quoi il n’aurait pas fourni de détails aussi précis. À cette époque, il n’y avait pas de chemin de fer. Les allers et retours entre Osaka et Edo devaient être épuisants. Toutefois, Morisada semble avoir eu le loisir de profiter de sa vie de célibataire dans la capitale Edo.
(Photo de titre : une femme de la ville d’Edo. Illustration tirée du Morisada Mankô)