L’histoire des 47 « rônin », un fait réel et épique qui a traversé le temps

Histoire Culture

Lorsqu’au début du XVIIe siècle au Japon, des guerriers unis se sont donnés pour mission de venger leur seigneur et ont fini par être contraints au suicide, cela donne l’histoire éminemment célèbre des 47 rônin (samouraïs sans chef), connue sous le nom Chûshingura. Ce fait réel et récit épique a été la source d’inspiration de nombreuses pièces de théâtre traditionnelles, comme le kabuki ou le théâtre de marionnettes.

D’autres versions à partir d’une seule histoire

Le domaine d’Akô comptait environ 300 samouraïs, mais seulement 47 d’entre eux ont participé au complot. Qu’est-il arrivé aux 250 autres ? Leurs histoires contribuent également à expliquer le succès intemporel des 47 rônin au Japon.

La pièce « Chûshingura : le trésor des loyaux serviteurs » est composé de 11 actes, les 4 premiers étant une sorte de prologue menant au suicide par seppuku d’Asano (sous le nom de En’ya dans l'œuvre).

Dans les actes 5 et 6, le spectateur fait la connaissance de Hayano Kanpei, un samouraï qui ne faisait pas partie du groupe de 47 rônin. Bien qu’au service d’Asano, il n’était pas présent lors de l’incident qui a conduit au suicide de son maître. Il était alors en compagnie d’Okaru, sa maîtresse. Se reprochant de ne pas avoir été loyal envers son maître, il s’enfuit chez les parents de sa bien-aimée. Il devient alors chasseur.

Comprenant que Kanpei veut se joindre aux autres rônin pour laver l’honneur de leur seigneur Asano, Okaru se vend à un bordel pour réunir les fonds pour son bien-aimé. Un soir, alors qu’il rentre chez lui en possession de l’argent, son père se fait attaquer par le bandit Ono Sadakurô. Ce dernier poignarde le pauvre homme et s’empare du butin.

Ensuite, c’est au tour d’Ono Sadakurô. Il meurt d’une balle perdue alors que Kanpei est en train de chasser le sanglier. Dans l’obscurité, il ne voit pas la victime. En fouillant l’individu, Kanpei trouve un sac rempli d’argent. Il décide de donner l’argent au groupe de rônin, et rentre chez lui en courant. Mais n’ayant pas vu le visage de la victime, il se demande si ce n’était pas son beau-père qu’il a abattu par accident. Ne pouvant supporter cette idée, il se donne la mort par seppuku. Voilà qui clôt les actes 5 et 6.

L’acte 7 est consacré à la vie d’Okaru, dans le quartier des divertissements de Gion à Kyoto, et à Ôboshi Yuranosuke.

Kanpei meurt avant de pouvoir venger son maître. Quant à Ôno Sadakurô, le brigand qu’il a tué, lui aussi était l’un des serviteurs d’Asano. Mais il a été déshérité par son père Ono Kudayû (Ôno Kurobei), un conseiller d’Asano, n’ayant d’autre choix que de se tourner vers le banditisme pour survivre. Dans l’acte 7, on découvre qu’Ôno Kudayû était en fait un espion de Kira Yoshinaka (sous le nom de Kô no Moronao dans la pièce). Ôboshi Yuranosuke le tue.

Sur les 11 actes de la pièce, trois, soit environ un quart de l'œuvre, sont centrés sur des personnes comme Kanpei, Sadakurô ou encore Kudayû, des personnages qui ne participent pas directement à l’attaque de la résidence.

Notons également d’autres personnages, notamment ceux qui meurent, tombent malades, trouvent de nouveaux emplois pour soutenir leur famille ou leurs amants, ou ceux qui s’enfuient, tout simplement. Il y a même un serviteur qui ne s’est pas réveillé le jour du meurtre. Dans la vraie vie, Ôboshi Ôishi aurait mis sur pied une force à part, au cas où l’attaque échouerait. Des épisodes aussi variés ont tous les ingrédients pour imaginer de nouvelles œuvres. Les 47 rônin ne sont pas simplement des récits d’un seul et unique héros vertueux, animé par l’esprit du bushidô. Les histoires de ceux qui ne se vengent pas, et qui pourraient communément être considérés comme déloyaux, sont également intéressantes.

C’est ainsi qu’un événement qui a eu lieu il y a trois siècles continue de délier les plumes, en raison des mille et une péripéties qui composent son récit. On le retrouve dans diverses formes d’art du divertissement, sur le grand écran comme le petit. Au temps où le Japon était un pays militariste, il a notamment été utilisé pour louer l’esprit d’altruisme désintéressé qui se sacrifie pour le bien de la justice. Au-delà des frontières du pays, cet épisode de l’histoire a permis de faire connaître le bushidô et l’esthétique japonaise.

L’histoire des 47 rônin n’a pas pris une ride puisqu’elle continue encore de fasciner plus de 300 ans plus tard, au XXIe siècle.

(Photo de titre : estampe intitulée Chûshingura, par Utagawa Kuniyoshi. Aflo)

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