Les grandes figures historiques du Japon

Morita Akio, fondateur de Sony : le centenaire de la naissance d’une légende du monde des affaires

Économie Histoire

Morita Akio, surnommé « Mr. Sony », est né il y a 100 ans. Un journaliste économique chevronné revient sur le parcours épique de cet illustre personnage et de son esprit d’entreprise.

Un emblème du miracle économique du Japon d’après-guerre

En décembre 2020, Ezra Vogel, éminent japonologue et professeur émérite à l’Université Harvard, est décédé. Un an plus tôt, dans un entretien accordé à la revue Economist (du quotidien Mainichi), il regrettait la « perte d’appétit » du Japon contemporain. Il parlait de la disparition des grands entrepreneurs du Japon d’après-guerre, dont Morita Akio (Sony), Honda Sôichirô (Honda) et Matshushita Kônosuke (Panasonic).

Vogel devait notamment sa célébrité à son livre Japan As Number One (« Le Japon médaille d’or »), sorti en 1979, qui proposait une analyse de la croissance économique miraculeuse du Japon d’après-guerre. Morita était indubitablement l’un des emblèmes les plus forts du miracle dont parlait Vogel.

Cette année est celle du centenaire de la naissance de feu Morita Akio, né le 26 janvier 1921. En mai 1946, un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il venait d’avoir 25 ans, il s’associa avec Ibuka Masaru, âgé de 38 ans, pour fonder la Société d’ingénierie des télécommunications de Tokyo (« Tôkyô Tsûshin Kôgyô Kabushiki Kaisha »), l’ancêtre de Sony. Sous leur conduite, la petite entreprise, rebaptisée Sony, s’est métamorphosée en un géant mondial.

À l’origine, Morita était responsable de la commercialisation et de l’administration, tandis qu’Ibuka, chargé de la production, concevait les produits en séries que Sony vendait sur les marchés japonais, puis internationaux. En 1971, Morita fit la une de la revue américaine Time. Sous le surnom « Mr. Sony », il en vint à incarner le succès économique du Japon d’après-guerre.

« Sony », un nom en avance sur l’époque

Le nom « Sony » est l’invention personnelle de Morita, qui était fermement convaincu que le nom de l’entreprise devait être facile à prononcer pour les non-Japonais. Il savait que ni « Tôkyô Tsûshin Kôgyô », ni « Tôtsûkô », son abréviation japonaise, ne feraient l’affaire.

Ibuka et lui, qui cherchaient désespérément un nom approprié, ont fini par se mettre d’accord sur « Sony » en 1955. Le nom, déposé en katakana (l’un des deux syllabaires japonais), a été officiellement adopté trois ans plus tard. Aujourd’hui, il n’est pas rare que des entreprises japonaises se dotent de noms composés en katakana plutôt qu’en idéogramme kanji, et qu’elles utilisent des caractères romains pour leurs logos, mais à l’époque, ce choix suscitait des réticences au sein même des entreprises. Les fondateurs de Sony étaient vraiment en avance sur leur époque.

En 1999, alors que je me trouvais à New York, j’ai eu l’occasion de voir une émission de télévision consacrée aux réussites industrielles du XXe siècle. Au sein d’une longue liste de produits américains ayant contribué à façonner l’économie mondiale des temps modernes, j’eu la surprise de voir figurer le magnétoscope Sony. C’était le seul produit non américain mentionné.

Répondre « non merci » à une proposition américaine

À l’arrière-plan de l’émergence de Sony sur la scène mondiale des marques, figure un épisode marquant, qui fait désormais partie de la culture de l’entreprise. En 1955, celle-ci a mis au point une radio à transistors, la deuxième au monde, et un fabricant de montres américain a proposé d’en acheter 100 000 exemplaires. Morita a tout d’abord été impressionné par cette offre, compte tenu de leur niveau d’activité, mais son enthousiasme s’est refroidi quand il a pris connaissance des conditions assorties à la transaction : les postes ne seraient pas commercialisés sous le nom de Sony, une marque inconnue ; ils devaient impérativement être étiquetés au nom du fabricant. En gros, il s’agissait d’une offre de sous-traitance (OEM)

Ibuka et la direction de Tokyo estimaient que Morita devait donner son accord. Mais il refusa de transiger et déclina la commande. L’entreprise américaine se moqua ouvertement de cette décision, en faisant valoir les cinquante années d’histoire qu’elle avait à son actif. « D’ici cinquante ans » rétorqua Morita, « nous aurons rendu le nom Sony aussi célèbre que le vôtre. La réponse est donc non merci. »

S’il avait accepté la commande, c’est une toute autre histoire que nous serions en train de raconter. Peut-être Sony serait-elle devenue un sous-traitant de premier plan dans le domaine de la technologie, mais elle ne serait pas le titan que nous connaissons aujourd’hui. Malgré la taille encore petite de son entreprise, Morita était animé d’une détermination inflexible à faire de la marque Sony un succès.

Suite > Un simple jouet qui devient le Walkman

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