Les « botefuri », les vendeurs ambulants de l’époque d’Edo

Culture Histoire Gastronomie

Parmi les scènes typiques de la société à l’époque d’Edo (1603-1868), penchons-nous sur les vendeurs de rue, appelés « botefuri », qui étaient nombreux dans les grandes villes japonaises. Que proposaient-ils dans leur commerce ? De précieuses illustrations de l’époque témoignent de produits parfois insolites.

De précieuses illustrations des botefuri

Le « Manuscrit Morisada » ne compte pas moins de 90 illustrations de vendeurs botefuri. S’ils se sont modernisés par la suite, se déplaçant à bicyclette ou à bord de petits véhicules, la profession de botefuri perdurera une bonne partie du XXe siècle. L’image au début de cet article représente un poissonnier, par ailleurs souvent un personnage de base dans les feuilletons télévisés et les romans historiques. Les représentations de vendeurs de légumes montrent par ailleurs à quel point les courges et les aubergines étaient prisées des clients à cette époque.

Une autre spécialité fréquente des botefuri était les coquillages comme les asari, les shijimi et les hamaguri. Une reconstitution de la maison d’un vendeur de coquillages avec son matériel est exposée au musée Fukagawa Edo, à Tokyo.

Reconstitution d’une pièce au musée Fukagawa Edo, avec au premier plan le joug et les paniers du vendeur de coquillages.
Reconstitution d’une pièce au musée Fukagawa Edo, avec au premier plan le joug et les paniers du vendeur de coquillages.

Si les vendeurs de produits de la mer ou de légumes étaient les plus nombreux, il n’était pas rare de rencontrer des marchands de tofu ou encore de nouilles d’agar-agar (tokoroten).

Un vendeur de tôfu. Extrait de Morisada mankô (Le « Manuscrit de Morisada ») (avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Un vendeur de tofu. Extrait du « Manuscrit Morisada ») (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Un vendeur de tokoroten (nouilles d’agar-agar) Extrait de Morisada mankô (Le « Manuscrit de Morisada »).(avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Un vendeur de nouilles d’agar-agar (tokoroten). Extrait du « Manuscrit Morisada » (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Les botefuri vendaient également de la nourriture sucrée (les artistes amezaiku proposaient par exemple des bonbons artisanaux) ou encore des animaux, comme des poissons rouges. Ces vendeurs de poissons rouges sont, encore aujourd’hui, souvent de la fête lors de festivals traditionnels.

Vendeurs de poissons rouges. Extrait de Morisada mankô (Le « Manuscrit de Morisada ») (avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Vendeurs de poissons rouges. Extrait du « Manuscrit Morisada » (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Les artisans amezaiku façonnaient, pour le plaisir des grands et des petits, le sirop de mizuame chauffé pour créer parfois des formes complexes. Extrait de Morisada mankô (Le « Manuscrit de Morisada »). (avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Les artisans de fraindises (amezaiku) façonnaient, pour le plaisir des grands et des petits, le sirop de mizuame (un édulcorant) chauffé pour créer parfois des formes complexes. Extrait du « Manuscrit Morisada ». (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Des approvisionnements au gré des saisons

Certains vendeurs proposaient des produits différents en fonction des saisons mais ce n’était pas le cas pour tous. Il est peu probable qu’un grand nombre de botefuri aient dans l’ensemble eu un sens si développé du commerce. Mais même sans capital initial, chacun pouvait espérer faire fructifier ses affaires grâce à son savoir-faire et à son amabilité.

Assortiments de saison

Printemps Warabi (fougère), champignons shiitake, pousses de bambou, ayu (poisson d’eau douce), bonite de première prise, truite
Été Poissons rouges, fleurs d’ipomée (asagao), moustiquaires, tokoroten (nouilles d’agar-agar), hiyamizu (eau de source froide sucrée avec des boulettes de farine de riz shiratama), biwa yôtô (boisson à base de feuilles de néflier séchées pour prévenir la fatigue estivale et les intoxications alimentaires)
Automne Saumon, raisins, aubergines, canard, faisan, champignons matsutake
Hiver Patates douces chaudes, mandarines, morue

(Tableau créé par l’auteur à partir de différentes sources)

Une image à caractère unique montre un botefuri de l’époque d’Edo portant sur son dos un piment rouge géant en papier mâché long de 1,8 mètre.

Avec ce piment géant sur le dos, le vendeur cherchait à attirer l'attention des enfants. afin que, lorsqu'ils viendraient le voir, leurs mères les suivent et achètent les fameux piments (extrait de Kinsei ryûkô akindo kyôka ezu (« Poèmes illustrés en bande dessinée sur les marchands populaires modernes ») (avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Avec ce piment géant sur le dos, le vendeur cherchait à attirer l’attention des enfants. afin que, lorsqu’ils viendraient le voir, leurs mères les suivent et achètent les fameux piments. Illustration extraite de « Poèmes illustrés en bande dessinée sur les marchands populaires modernes » (Kinsei ryûkô akindo kyôka ezu, avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète).

À l’ère Kan’ei (1624-1644), un magasin d’Edo s’est fait connaître grâce son mélange nanairo tôgarashi, du piment moulu avec six autres épices. Encore aujourd’hui, on trouve des mélanges de ce type dans le commerce. Ils sont également appelés shichimi tôgarashi (piment aux sept saveurs) ou simplement shichimi.

Les vendeurs de piment étaient une véritable attraction dans la capitale Edo. Une chanson vantait les vertus des différents ingrédients ; en somme un bon exemple d’ingéniosité commerciale. Au fil du temps, cette ingéniosité n’a pas disparu ; au contraire, elle a évolué. Aujourd’hui, elle prend la forme de mascottes promotionnelles yuru kyara. Par ailleurs, des écrits sur ces vendeurs apparaissent dans le « Manuscrit Morisada », même si aucune photo de vendeurs harnachés d’un piment rouge géant n’y est visible.

Notons par ailleurs que les vendeurs botefuri n’étaient pas tous de bonne foi. Certains auraient essayé de faire passer de l’okara (pulpe de soja) pour de la viande de poulet (extrait du « Manuscrit Morisada »). Si ces imposteurs ont probablement bien vite quitté la profession, cela montre que tous les vendeurs botefuri ne respectaient pas nécessairement les règles.

(Photo de titre : un vendeur ambulant proposant la première prise de bonites à la fin de la période printanière. Photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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