
Les « botefuri », les vendeurs ambulants de l’époque d’Edo
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N’importe qui pouvait devenir vendeur ambulant
À l’époque d’Edo (1603-1868), dans des villes comme Edo (aujourd’hui Tokyo) et Osaka, ces vendeurs ambulants étaient connus sous le nom de botefuri. Typiquement, ils transportaient sur leurs épaules des boîtes posées sur un joug. Ils vendaient absolument de tout ; du poisson, des légumes et d’autres aliments aux produits de la vie quotidienne comme de la vaisselle et même des balais. Kitagawa Morisada, un écrivain du XIXe siècle, s’est intéressé à la vie urbaine japonaise au XIXe siècle dans son ouvrage intitulé le « Manuscrit Morisada » (Morisada Mankô). Il a écrit de nombreux articles sur ces botefuri, jusqu’à même les dessiner.
C’était une profession facile à exercer pour des gens ordinaires. En 1659, le shogunat a commencé à délivrer les premières licences, dans le but d’imposer des taxes, et pas moins de 5 900 vendeurs officiels sillonnaient déjà la seule ville d’Edo. Il est toutefois probable que de nombreux vendeurs clandestins exerçaient sans licence et sans payer de taxes.
Les botefuri vendaient presque de tout. Toute la nourriture et les produits nécessaires à la vie quotidienne, bien sûr, mais pas que. Certains proposaient aussi du papier brouillon, de la cendre pour le feu dans les maisons japonaises, et même, plus étrange encore, des insectes comme des lucioles et des criquets.
Au départ, le shogunat fournissait des licences aux habitants de la ville, âgés de 50 ans et plus, aux enfants jusqu’à 15 ans et aux personnes handicapées. À cette époque-là, les incendies étaient fréquents et faisaient de nombreuses victimes. Il n’était pas rare que des enfants se retrouvent ainsi orphelins sans qui que ce soit pour subvenir à leurs besoins. Ces licences étaient en quelque sorte une forme de soutien aux personnes vulnérables dans la société.
Un botefuri vendant des radis blancs (daikon). Les paniers au premier plan sont dans le style de Kyoto et Osaka. Leur forme est légèrement différente de ceux d’Edo (à l’arrière-plan). Extrait du « Manuscrit Morisada » (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète).
Mais peu à peu, des personnes de tous âges aspirèrent à devenir botefuri. La raison : aucune compétence ou connaissance particulière n’était requise. Ce n’était par exemple pas le cas pour les charpentiers et autres travailleurs qualifiés. Et il n’était pas nécessaire non plus d’acheter un terrain ou d’adhérer à une quelconque corporation pour avoir le droit d’exercer. La profession attira donc un grand nombre de personnes, qui se seraient autrement retrouvées sans activité professionnelle.
Des activités à la journée
Typiquement, les botefuri se rendaient d’abord chez un propriétaire d’entreprise, pour le prêt de leur joug et de leurs paniers, ainsi que pour l’argent nécessaire à l’achat de marchandises, soit à l’époque environ 600 mon à 700 mon (entre 7 200 yens et 8 400 yens aujourd’hui, avec 1 mon équivalant à 12 yens). Les novices recevaient aussi généralement les informations de base comme l’endroit où ils devaient aller vendre leurs marchandises et les prix pratiqués sur le marché pour l’achat de nouveaux stocks, avant de partir travailler le jour même.
À la fin de leur journée de travail, les botefuri remboursaient le prêt au propriétaire de l’entreprise avec un taux d’intérêt de 2 % à 3 % et gardait l’argent restant pour eux. Par exemple, des ventes entre 1 200 mon à 1 300 mon leur permettaient de gagner environ 580 mon (soit 7 000 yens). (Ces chiffres sont basés sur les ventes de légumes enregistrées dans le Bunsei nenkan manroku, les « Registres de l’ère Bunsei », qui couvrait la période de 1818 à 1830).
Ceux qui pouvaient mettre suffisamment d’argent de côté pour acheter leur propre stock pour la journée, ou qui avaient de véritables talents de commerçant, pouvaient monter leur propre affaire. Par ailleurs, il arrivait que certains vendeurs prennent leur journée si, par exemple, il pleuvait ou s’ils n’avaient tout simplement pas envie de travailler. Mais les botefuri, qui avaient femme et enfants à charge, eux, devaient continuer à œuvrer à la tâche, au jour le jour, À Edo, de nombreux hommes célibataires n’avaient pas besoin de travailler si dur pour mener une vie descente.