Prochainement au studio Ghibli…

« Aya et la sorcière » : le grand retour du Studio Ghibli avec son premier film en 3D/images de synthèse

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Yanagibashi Kan [Profil]

Un nouveau film d’animation du Studio Ghibli vient de sortir, réalisé par Miyazaki Gorô : il s’intitule Aya et la sorcière, et pour la première fois dans l’histoire du Studio Ghibli il est réalisé en 3D numérique. De son côté, le père de Gorô, le grand Miyazaki Hayao, prépare lui aussi un nouveau film. Et avec un parc Ghibli qui devrait ouvrir ses portes en 2022, nous pouvons le dire : le Studio Ghibli a manifestement trouvé un nouvel élan ! Nous nous sommes entretenus avec Miyazaki Gorô et Suzuki Toshio, le producteur en chef du studio.

De nouveaux défis pour survivre chez Ghibli

Bien entendu, cela ne veut pas dire que les films précédents de Miyazaki Gorô n’aient pas été de très grande qualité. Il avait été incorporé à Ghibli du fait de son précédent métier, consultant en architecture, pour le projet de construction du Musée Ghibli, et de là il a été propulsé réalisateur sur Les Contes de Terremer en 2006 alors qu’il n’avait aucune expérience dans la production cinématographique. Et néanmoins, le film est devenu le plus gros succès de cette année-là (7,69 milliards de yens au box-office). Idem pour son second film, La Colline aux coquelicots, qui a rapporté 4,46 milliards de yens en 2011.

Ce n’est pas un résultat qu’il aurait été possible d’obtenir sans l’excellence du personnel du Studio Ghibli pris comme un tout. Mais malgré ses indéniables succès, aujourd’hui encore, du fait du nom et des attentes qu’il porte, les films de Miyazaki Gorô traînent encore une sorte de sècheresse avec eux. Comme s’il se sentait jusqu’à maintenant forcé de « faire du Ghibli ».

Ce n’est plus du tout le cas dans Aya et la sorcière. L’évidence saute aux yeux dès la première scène d’action qui ouvre le film. La 3D de Pixar, les mouvements des personnages se meuvent avec une grande aisance et beaucoup de vivacité. La musique, c’est celle qu’il préfère, c’est celle du rock britannique des années ’70, y compris lors de la scène du groupe qui joue dans l’histoire.

Aya et la sorcière © 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli
Aya et la sorcière © 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli

Du point de vue de l’histoire, elle est conforme à l’œuvre originale, dans le genre « orthodoxe » de la littérature jeunesse. Mais à partir de là, Miyazaki Gorô a réussi à créer un univers qui renouvelle totalement l’image du Studio Ghibli, par une profonde recherche sur l’image et la musique.

Miyazaki Gorô : Il m’a semblé que faire quelque chose de nouveau était une nécessité, pour le Studio Ghibli. Parce que, quand même, le Studio Ghibli, c’est la structure que Suzuki Toshio a créée pour produire les films de Miyazaki Hayao. À la base, c’est leur truc à tous les deux. Mais mon père aura bientôt 80 ans, Suzuki Toshio en a 72. Ils ne seront pas actifs indéfiniment. Bien sûr, l’univers Ghibli tel que l’ont créé Takahata Isao, Miyazaki Hayao et Suzuki Toshio est toujours debout, mais se poser en défenseur de cet univers est peut-être une cause perdue. Ce ne serait qu’une production en modèle réduit d’une esthétique qu’eux ont construit pas à pas. Si le Studio doit perdurer, je me suis dit qu’il fallait introduire un esprit de défi quelque part.

Miyazaki Gorô parle en choisissant méticuleusement ses mots. Et s’il ne l’affirme pas explicitement, on sent bien qu’il est parfaitement motivé pour prendre la succession du Studio. Et son désir d’une œuvre nouvelle est clairement perceptible.

Miyazaki Gorô : Personnellement, j’espère que ce sur quoi j’ai travaillé pour Aya et la sorcière aura une continuité. Je pense qu’un certain nombre de créateurs qui ont le désir de travailler sur une animation numérique 3D totale, mais n’ont pas encore trouvé l’occasion de le faire, existent. S’ils découvrent maintenant que chez Ghibli, ils font aussi du 3D, alors on devrait pouvoir réunir encore plus de monde sur de nouveaux projets. Et grâce aux compétences de chacun, on pourra peut-être engager des projets encore plus ambitieux ! Voilà pourquoi je pense qu’il est important de poursuivre parallèlement l’animation manuelle et l’animation numérique.

Pourquoi une diffusion à la télé ?

Cet esprit d’ouvrir de nouvelles voies pour le Studio s’exprime aussi dans le choix du mode de distribution. Ghibli avait maintenu avec fermeté la ligne d’une diffusion pour le grand écran. Eh bien, le nouvel opus du Studio a été diffusé tout d’abord à la télé (pour la première fois le 30 décembre). Suzuki Toshio explique la raison de ce choix, difficilement compréhensible selon un mode de réflexion conventionnel.

Suzuki Toshio : L’industrie cinématographique a opéré une mutation ces dernières années. Des projets se sont trouvés annulés, et trop d’œuvres similaires étaient sorties. Le secteur se recroquevillait. Et je me suis fait la réflexion que même un film comme Aya et la sorcière aurait du mal à être mis en valeur dans ce contexte. Un film, ça se voit dans une salle de cinéma. C’est l’habitude qu’ont longtemps eu les gens, mais aujourd’hui, les moyens de diffusion se sont multipliés. La télé, le DVD, le câble. Et cette multiplicité des fenêtres sur les films n’est pas une mauvaise chose en soi. J’ai réfléchi à la situation réelle et je me suis demandé : quelle serait la réaction si le film sortait d’abord à la télé ? La question valait au moins de tenter l’expérience.

Aya et la sorcière © 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli
Aya et la sorcière © 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli

Miyazaki Gorô : Pour moi qui ai fait le film, c’est aussi une occasion que je donne à plus de gens de pouvoir le visionner. Le projet ne se termine pas une fois que nous avons fini de faire le film, nous le faisons de même parce que nous avons envie d’entendre les gens dire « Ça m’a plu ! »  Et de ce point de vue, je pense que la diffusion à la télé est une excellente opportunité.

Suite > Où en est le prochain film de Miyazaki Hayao ?

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Yanagibashi KanArticles de l'auteur

Rédacteur indépendant. Né en 1971. Diplômé de la Faculté des Lettres de l’Université de Tokyo, il rejoint tout d’abord l’éditeur Bungeishunjû. Après avoir travaillé comme journaliste pour l’hebdomadaire Shûkan Bunshun, puis comme rédacteur en chef du magazine sportif Number, il passe free-lance. Il publie quantité de reportages sur diverses figures du monde du sport, des affaires, de la culture, etc. En particulier, il a effectué de nombreux reportages et signé de nombreux textes sur le Studio Ghibli.

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