La Liberdade de São Paulo : le plus grand quartier japonais se trouve à l’autre bout de la planète

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Negawa Sachio [Profil]

São Paulo, la plus grande ville du Brésil et des Amériques, abrite un quartier appelé la Liberdade où vit la communauté japonaise la plus importante du monde, en dehors de l’Archipel. Les descendants d’émigrés d’ascendance nippone ont développé sur place une culture originale née de la fusion de leurs traditions avec celles de leur pays d’adoption. Toutefois depuis l’arrivée plus récente de vagues de migrants venus de Chine et de Corée, la Liberdade a pris un visage plus cosmopolite.

Les débuts du Bairro oriental

En avril 1964, un immeuble de trois étages, d’une superficie de 3 734 mètres carrés, a fait son apparition dans la partie sud de la rue Galvão Bueno, au croisement de la rue São Joaquim. Il a dès lors abrité les activités de l’Association socioculturelle japonaise de São Paulo (« São Paulo Nihon bunka fukushi kyôkai ») devenue par la suite l’Association socioculturelle japonaise du Brésil (« Brazil Nihon bunka fukushi kyôkai »). À l’époque, ce bâtiment moderne, qui s’est encore agrandi depuis, ne passait pas inaperçu contrairement à aujourd’hui où il est dominé par des tours. Il se trouvait en effet au milieu des vieilles bâtisses d’un étage dont se composait pour l’essentiel le quartier de la Liberdade. Le cœur de ce qui est devenu par la suite le Bairro oriental de São Paulo s’est donc constitué autour de la zone des cinémas et des commerces, et du Centre socioculturel japonais.

Les locaux de l’Association socioculturelle japonaise du Brésil (Burajiru Nihon bunka fukushi kyôkai) tels qu’ils se présentent aujourd’hui dans le quartier de la Liberdade, en plein cœur de São Paulo.
Les locaux de l’Association socioculturelle japonaise du Brésil tels qu’ils se présentent aujourd’hui dans le quartier de la Liberdade, en plein cœur de São Paulo.

Pendant les années 1960-1970, la rue Galvão Bueno de São Paulo que les expatriés avaient investie après la guerre a été complètement chamboulée par le réaménagement du centre de la ville et la construction du métro. C’est ainsi que le Cine Niterói a été transféré sur l’avenue de la Liberdade, une autoroute étant prévue à son emplacement. Mais au lieu de se laisser abattre, les responsables de la communauté japonaise – en particulier Tanaka Yoshikazu et l’homme d’affaires Mizumoto Tsuyoshi (1920-1989) –, en ont profité pour développer la Liberdade.

En novembre 1974, le quartier japonais de São Paulo a commencé une nouvelle vie et c’est alors qu’il a pris le nom de Bairro oriental. Il s’est doté entre autres d’un portique shintô (torii) rouge vermillon de neuf mètres de haut placé à son entrée, ainsi que de multiples lanternes traditionnelles et d’un jardin japonais. Et il a organisé toutes sortes de manifestations à commencer par un marché asiatique et différentes festivités. Festival des fleurs (hana matsuri) célébré le 8 avril, jour anniversaire de la naissance du Bouddha. Fête des étoiles (Tanabata), le 7 juillet. Confection de gâteaux par pilage du riz (mochitsuki), en particulier lors du Nouvel An. Toutes ces célébrations reposaient sur des traditions japonaises adaptées à la culture locale.

Le Bairro oriental de São Paulo contient un jardin japonais créé en 1974, qui donne sur la rue Galvão Bueno.
Le Bairro oriental de São Paulo contient un jardin japonais créé en 1974, qui donne sur la rue Galvão Bueno.

À l’occasion de la fête des étoiles du Bouvier et de la Tisserande (Tanabata) célébrée le 7 juillet, les habitants du district de la Liberdade installent de longues cannes de bambous dans les rues, comme au Japon. Ils les décorent avec entre autres des languettes de papier décoré (tanzaku) sur lesquelles ils ont au préalable calligraphié un vœu ou un court poème.
À l’occasion de la Fête des étoiles (Tanabata) célébrée le 7 juillet, les habitants du district de la Liberdade installent de longues cannes de bambous dans les rues, comme au Japon. Ils les décorent avec entre autres des languettes de papier décoré (tanzaku) sur lesquelles ils ont au préalable calligraphié un vœu ou un court poème.

En fin de semaine, la place de la Liberdade de São Paulo devient particulièrement animée. Elle accueille en effet un « marché oriental » très fréquenté.
En fin de semaine, la place de la Liberdade de São Paulo devient particulièrement animée. Elle accueille en effet un « marché oriental » très fréquenté.

Des nouveaux venus chinois et coréens

Dans les années 1960, des émigrés en provenance de Taïwan et de Corée ont commencé à arriver au Brésil. Beaucoup d’entre eux parlaient le japonais en raison du passé colonial de l’Archipel. Ils sont donc allés se renseigner au Bairro oriental où l’on s’exprimait dans une langue qu’ils connaissaient. Et ils ont joué un rôle important dans le quartier dès les années 1970-1980. Dans les années 1990, ils ont été rejoints par des émigrés originaires de Chine continentale qui ont ouvert des boutiques dans les parages.

La rue Conselheiro Furtado délimite le Bairro oriental du côté de l’Est. C’est là que se trouvent à présent les infrastructures de la communauté chinoise en particulier le Centre culturel chinois de São Paulo, l’Association cantonaise du Brésil et le temple bouddhique Kwan Yin du Kôdô-in. La rue compte aussi quantité de boutiques et de restaurants taïwanais et chinois. Les magasins japonais sont environnés de supermarchés, hôtels, bars, restos, établissements de karaoké, salons de coiffure et de beauté, cabinets médicaux, agences de voyages et autres écoles. Et tous ces établissements sont chinois au point que l’on pourrait se croire dans un mini Chinatown.

Le Centre culturel chinois de São Paulo se trouve rue Conselheiro Furtado, dans le Bairro oriental de São Paulo.
Le Centre culturel chinois de São Paulo se trouve rue Conselheiro Furtado, dans le Bairro oriental de São Paulo.

La rue Conselheiro Furtado abrite aussi un temple bouddhique chinois.
La rue Conselheiro Furtado abrite aussi un temple bouddhique chinois.

Suite > Un point d’ancrage pour les fans de culture pop japonaise

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Negawa SachioArticles de l'auteur

Né en 1963 à Osaka. Chargé de recherches au Centre international de recherches pour les études japonaises (Kokusai Nihon bunka kenkyû senta) de Kyoto. Donne également des cours à l’Université Dôshisha de Kyoto et à l’Université préfectorale de Shiga, dans la ville de Hikone. Spécialiste de l’histoire de l’immigration. Passionné par la samba, il est parti en 1996 pour le Brésil où il a obtenu une maitrise, puis un doctorat en sciences humaines à l’Université de São Paulo. A enseigné en tant que maitre de conférences à la Faculté des lettres de l’Université de Brasilia jusqu’en 2020 où il a accédé au poste qu’il occupe à l’heure actuelle. Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bairro oriental de São Paulo : un quartier créé à l’époque moderne par des émigrés japonais, à l’autre bout de la planète » (Imin ga tsukutta machi san paulo tôyôgai : chikyû no hantaigawa no Nihon kindai, paru en 2020 aux éditions Tôkyô daigaku shuppankai).

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