La Liberdade de São Paulo : le plus grand quartier japonais se trouve à l’autre bout de la planète

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Negawa Sachio [Profil]

São Paulo, la plus grande ville du Brésil et des Amériques, abrite un quartier appelé la Liberdade où vit la communauté japonaise la plus importante du monde, en dehors de l’Archipel. Les descendants d’émigrés d’ascendance nippone ont développé sur place une culture originale née de la fusion de leurs traditions avec celles de leur pays d’adoption. Toutefois depuis l’arrivée plus récente de vagues de migrants venus de Chine et de Corée, la Liberdade a pris un visage plus cosmopolite.

Le plus grand « quartier japonais » du monde

Il existe quantité de « quartiers japonais » un peu partout dans le monde, entre autres ceux de Little Tokyo à Los Angeles (USA) ou de Powell Street à Vancouver (Canada). Mais le plus vaste est sans doute celui de São Paulo, appelé Bairro oriental (« quartier oriental ») en portugais, situé dans le district de Liberdade.

Le livre ci-dessus a été publié par Negawa Sachio en 2020 (aux éditions Tôkyô daigaku shuppankai). Il est consacré à l’histoire du quartier de la Liberdade, comme l’indique son titre : « Le Bairro oriental de São Paulo : un quartier créé à l’époque moderne par des émigrés japonais, à l’autre bout de la planète » (Imin ga tsukutta machi san pauro tôyôgai : chikyû no hantaigawa no Nihon kindai).
Cet ouvrage a été publié par par l’auteur de l’article en 2020 (aux éditions Tôkyô daigaku shuppankai). Il est consacré à l’histoire du quartier de la Liberdade, comme l’indique son titre : « Le Bairro oriental de São Paulo : un quartier créé à l’époque moderne par des émigrés japonais, à l’autre bout de la planète » (Imin ga tsukutta machi San paulo Tôyôgai : chikyû no hantaigawa no Nihon kindai).

Le Bairro oriental se trouve en plein centre de São Paulo. Il mesure quelque 500 mètres d’est en ouest sur 1 500 mètres du nord au sud et couvre une superficie de 3,7 kilomètres carrés. C’est l’une des attractions touristiques majeures de la ville, desservie par la station de métro Liberdade. Les Japonais ont commencé à quitter l’Archipel pour le Brésil au tout début du XXe siècle et au fil du temps, ce mouvement migratoire a pris de plus en plus d’ampleur. Après avoir connu bien des hauts et des bas, le district de la Liberdade regroupe à présent 1,9 million d’expatriés, ce qui en fait la plus grande communauté japonaise de la planète, exception faite de l’Archipel.

La première fois que je suis allé au Brésil, c’est en 1992. À peine sorti de l’aéroport de São Paulo, on m’a emmené directement au Bairro oriental. Après avoir vécu 17 ans dans ce pays, j’ai publié un livre sur le quartier de la Liberdade, paru en 2020. Il relate l’histoire de Japonais partis s’installer dans un pays situé de l’autre côté de la Terre et de la communauté qu’ils ont fondée sur place au cours du siècle dernier.

Une émigration de masse de l’Archipel vers le Brésil

L’émigration de masse de Japonais vers le Brésil a débuté en 1908, quand le navire Kasatomaru a quitté le port de Kobe en direction de l’Amérique. Il avait à son bord 800 passagers dont la plupart avaient été recrutés pour travailler dans des plantations de café situées à l’intérieur des terres, dans l’Etat de São Paulo. Une dizaine d’entre eux n’étaient pas dans ce cas et ils se sont installés dans la ville même de São Paulo.

Dans les années 1910, un grand nombre d’ouvriers agricoles de l’État de São Paulo ont quitté leur exploitation pour la ville du même nom. Beaucoup se sont établis le long de la rue en pente Conde de Salzedas où ils ont formé une première communauté japonaise. Quand leur situation économique s’est améliorée, ils se sont déplacés un peu plus haut dans la rue, et le quartier japonais s’est étendu. Dans les années 1930, le mouvement migratoire s’est intensifié et la Liberdade est devenue de plus en plus prospère. Toutefois après le déclenchement de la guerre du Pacifique (1941-1945), les Brésiliens ont considéré les expatriés d’origine japonaise comme des « étrangers hostiles ».

Le rôle surprenant du cinéma dans l’essor du quartier japonais de São Paulo

Après la Seconde Guerre mondiale, le quartier japonais de São Paulo s’est développé autour de la rue Galvão Bueno. Curieusement, ce phénomène s’explique surtout par l’ouverture en juillet 1953 du premier cinéma japonais du Brésil, le « Ciné Niterói », à l’initiative de Tanaka Yoshikazu (1909-1979), un expatrié (nikkeijin) de première génération, courtier en céréales de son état.

Le Cine Niterói se trouvait dans un bâtiment de quatre étages de la rue Galvão Bueno, un peu plus bas que la place de la Liberdade, à l’emplacement de l’actuel pont Osaka. Il faisait office d’espace culturel et de spectacle de la communauté d’origine japonaise. Le cinéma proprement dit, situé au rez-de-chaussée, pouvait accueillir 1 500 spectateurs et au-dessus, il y avait un restaurant, une grande salle et un hôtel. Le weekend, les alentours du Cine Niterói étaient envahis par une foule de gens en quête de distractions. Par la suite, trois autres cinémas ont fait leur apparition à proximité. Le Nanbei gekijô (« théâtre de l’Amérique du Sud »), le Cine Tokyo et le Cine Nippon. La Liberdade comptait donc quatre cinémas différents qui se faisaient concurrence. Dans le même temps, des restaurants et des boutiques ont ouvert leurs portes à l’intention du nombreux public attiré par les films. C’est ainsi qu’est né un quartier commerçant « qui donnait un peu la sensation d’être de retour au Japon ».

L’entrée du cinéma Niterói. Photo tirée de l’ « Histoire des arts du spectacle dans le quartier japonais » (Colonia geinôshi), publiée par le Comité éditorial de l’histoire des arts du spectacle dans le quartier japonais (Colonia geinôshi hensan iinkaihen), 1986, São Paulo.
L’entrée du cinéma Niterói. Photo tirée de l’ « Histoire des arts du spectacle dans le quartier japonais » (Colonia geinôshi)

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Negawa SachioArticles de l'auteur

Né en 1963 à Osaka. Chargé de recherches au Centre international de recherches pour les études japonaises (Kokusai Nihon bunka kenkyû senta) de Kyoto. Donne également des cours à l’Université Dôshisha de Kyoto et à l’Université préfectorale de Shiga, dans la ville de Hikone. Spécialiste de l’histoire de l’immigration. Passionné par la samba, il est parti en 1996 pour le Brésil où il a obtenu une maitrise, puis un doctorat en sciences humaines à l’Université de São Paulo. A enseigné en tant que maitre de conférences à la Faculté des lettres de l’Université de Brasilia jusqu’en 2020 où il a accédé au poste qu’il occupe à l’heure actuelle. Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bairro oriental de São Paulo : un quartier créé à l’époque moderne par des émigrés japonais, à l’autre bout de la planète » (Imin ga tsukutta machi san paulo tôyôgai : chikyû no hantaigawa no Nihon kindai, paru en 2020 aux éditions Tôkyô daigaku shuppankai).

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