Quand les sushis étaient des mets de restauration rapide au XIXe siècle à Edo

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Kobayashi Akira [Profil]

Au début du XIXe siècle, les habitants d’Edo (aujourd’hui Tokyo) découvrent un nouveau type de sushi, à consommer dans les restaurants ou même livrés. En clair, ces mets étaient de véritables précurseurs des modes alimentaires à venir.

Les sushis : le nouveau fast-food de l’époque

Pour les habitants d’Edo de l’époque, les chefs sushi, avec leurs gestes mystérieux, ressemblaient à de véritables sorciers ou à des chamans occupés à jeter quelque sort.

Le chef Hanaya Yohei était une sorte de visionnaire pour son époque puisqu’il a ouvert la voie aux restaurants de sushis et même à leur livraison. De plus, avec ses stands yatai, il a également fait du sushi un aliment de restauration rapide. Son yatai pourrait être considéré comme un précurseur des restaurants de sushis sur tapis roulant (kaiten-zushi) d’aujourd’hui.

Arrêtons-nous sur l’aspect fast-food des sushis ; leur consommation se fait debout dans un yatai. Kitagawa Morisada a décrit comment, à la faveur de la nuit, de nombreux étals faisaient leur apparition, proposant sushis et tempura. Si le succès du restaurant Yohei-zushi a fait bien des émules, les yatai se sont également multipliés dans les quartiers très peuplés d’Edo, les espaces y étant restreints.

Dès 1786, on trouve des photos de stands de sushis yatai dans les rues du quartier de Ryôgoku, d’Asakusa et ailleurs dans l’ouvrage « Livre illustré : les passereaux d’Edo » (Ehon Edo suzume) de Kitagawa Utamaro. À l’instar des restaurants de sushis sur tapis roulant, les clients avaient la possibilité de commander un sushi en précisant la garniture souhaitée.

Un stand de sushi dans les rues d'Edo. Les clients peuvent commander des sushis avec la garniture de leur choix. Illustration extraite de l'ouvrage Ehon Edo suzume (« Livre illustré : les passereaux d’Edo), reproduction avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète).
Un stand de sushi dans les rues d’Edo. Les clients peuvent commander des sushis avec la garniture de leur choix. Illustration extraite de l’ouvrage « Livre illustré : les passereaux d’Edo » (Ehon Edo suzume) de Kitagawa Utamaro. (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Les yatai étaient souvent présents lors des événements saisonniers en plein air. Par exemple, leTsukimi (contemplation de la pleine lune) avait lieu la vingt-sixième nuit des premier et septième mois du calendrier luni-solaire. Nombreux étaient ceux qui attendaient le passage à la vingt-sixième nuit, au bord de la mer, dans le quartier de Takanawa, à l’occasion du festival nijûrokuya-machi (« l’attente de la vingt-sixième nuit »). Et s’ils avaient un petit creux, ils pouvaient bien sûr toujours compter sur les sushis des yatai.

Le festival nijûrokuya-machi à Takanawa. Juste à droite du centre, sous le toit de couleur claire, un étal arbore un panneau avec le mot sushi écrit en hiragana (すし). Illustration extraite de Tôto meisho no uchi : Takanawa nijûrokuya no zu (« Lieux célèbres de la capitale de l’Est : vingt-sixième nuit de Takanawa » ) par Utagawa Hiroshige, reproduite avec l'aimable autorisation de la Fondation Ajinomoto pour la culture diététique)
Le festival nijûrokuya-machi (« l’attente de la vingt-sixième nuit ») à Takanawa. Juste à droite du centre, sous le toit de couleur claire, un étal arbore un panneau avec le mot « sushi » écrit en hiragana (すし). Illustration extraite de « Lieux célèbres de la capitale de l’Est : vingt-sixième nuit de Takanawa » (Tôto meisho no uchi : Takanawa nijûrokuya no zu) par Utagawa Hiroshige. (Avec l’aimable autorisation de la Fondation Ajinomoto pour la culture diététique)

Dans le « Manuscrit Morisada » figure une image présentant un livreur qui transporte des boîtes de nigiri-zushi. Les jours où des événements se déroulaient, les stands allaient jusqu’à envoyer leurs sushis directement sur la table des clients, un peu à la manière dont les pizzas sont livrées lors des fêtes des cerisiers aujourd’hui.

Un livreur de sushis. Illustration extraite du Morisada mankô (« Encyclopédie de Morisada »), reproduite avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète.
Un livreur de sushis. Illustration extraite du « Manuscrit Morisada » (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Ainsi, il y a deux siècles, les sushis étaient déjà des aliments de restauration rapide et étaient déjà livrés aux clients de l’époque lors d’événements spéciaux. En clair, ces mets étaient de véritables précurseurs des modes alimentaires à venir !

(Photo de titre : illustration extraite du « Manuscrit Morisada ». Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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Kobayashi AkiraArticles de l'auteur

Né en 1964 à Tokyo. Après avoir travaillé comme éditeur dans une maison d’édition, il devient indépendant en 2011. Il dirige actuellement Diranadachi, un bureau de production éditoriale, où il mène des projets de magazines de voyages ou d’histoire, des mooks, et écrit lui-même des articles.

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