Déguster les nouilles dans le Japon de l’époque d’Edo : « soba » à l’est, « udon » à l’ouest

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Les nouilles rencontraient un grand succès dans les grandes villes japonaises du XIXe siècle. Dans l’ancienne Tokyo, les échoppes de soba (nouilles de sarrasin) étaient particulièrement répandues, pour le grand bonheur de nombreux hommes célibataires. À l’ouest par contre, les udon (nouilles de froment) semblaient être les plus populaires. En voici un précieux témoignage.

Les échoppes de soba d’hier prisés par les hommes seuls

Les restaurants qui servaient des nouilles étaient trois à quatre fois plus nombreux dans les rues commerçantes à Edo qu’à Kyoto et Osaka. La demande était donc nettement plus importante à l’est de l’Archipel.

Ceci est dû à la population majoritairement masculine de la capitale. Bien que les données soient imprécises, avec un rapport de 1,8 contre 1, les hommes auraient été plus nombreux que les femmes. Parmi ces hommes, de nombreux célibataires venus des provinces pour chercher du travail, et les vassaux de samouraïs contraints de passer une année sur deux dans la ville avec leur seigneur daimyô. Il s’agit du système sankin kôtai, système de la « résidence alternée » institué par Tokugawa Ieyasu. Les épouses, qui étaient généralement responsables de la cuisine, restaient aux domaines.

De nombreux hommes affamés étaient ainsi des clients fidèles des restaurants de soba. Nombre de ces enseignes fonctionnaient comme des stands de nourriture yatai. Elles étaient connues sous le nom de vendeurs de soba yotaka.

Yotaka était un mot désignant une sorte de prostituée. Contrairement aux travailleuses du sexe des quartiers des plaisirs de Yoshiwara, approuvées par le shogunat, les yotaka n’étaient pas autorisées par la loi et devaient donc attirer leurs clients à l’abri des regards, à la sauvette.

Ces vendeurs de soba yotaka tiennent leur nom du fait que ces prostituées faisaient partie de leurs clients. Les yatai furent souvent le théâtre de grands incendies à l’image de celui de Meireki en 1657, si bien que le shogunat y interdit l’utilisation du feu en 1686. Même s’ils n’étaient pas légaux, ces échoppes de soba yotaka faisaient de bonnes affaires.

Au vu de leur succès, vers 1716, un magasin de soba décida de demander une licence officielle pour exploiter un yatai, ce qui entraîna une nette augmentation de l’activité des échoppes de soba « légitimes ».

Une échoppe de soba à Edo
Une échoppe de soba à Edo

Tous les yatai n’ont vraisemblablement pas effectué les démarches pour obtenir une licence. Mais cela ne les empêchaient pas d’être nombreux dans la ville. Ouverts jusque tard dans la nuit, ils accueillaient notamment de nombreux hommes vivant seuls, un peu comme le font des supérettes konbini aujourd’hui.

Les échoppes de soba sont devenues un élément familier du paysage d’Edo. Alors que se définissait la cuisine japonaise moderne, les stands de nourriture proposaient également des sushis, des anguilles et des tempura. Kitagawa Morisada note dans son ouvrage la présence à chaque échoppe de carillons à vent fûrin suspendus. Né dans l’ouest du Japon, il a dû trouver ces échoppes de soba et le tintement de leur musique, fascinantes.

(Voir également notre article du même auteur : Quand les sushis étaient des mets de restauration rapide au XIXe siècle à Edo)

(Photo de titre : un restaurant d’udon du Kansai. Toutes les photos ont été fournies avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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