L’étonnante reconversion de Nakata Hidetoshi, ex-star du foootball japonais

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Kaneko Tatsuhito [Profil]

Personne ne peut oublier Nakata Hidetoshi, qui jouait milieu de terrain pour des clubs italiens prestigieux de serie A, AS Rome et Parme entre autres. Après la victoire du « miracle de Miami » contre le Brésil aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996, il a compté 78 sélections en équipe nationale japonaise, jusqu’à sa retraite en 2006, à 31 ans. Il n’a jamais connu de graves blessures, et pourtant, il avait totalement disparu des radars du football japonais. En réalité, pendant ce temps, il a beaucoup voyagé, au Japon et à l’étranger, avant de devenir « un apôtre de la culture japonaise ».

Nakata Hidetoshi NAKATA Hidetoshi

Ancien footballeur international japonais. Né dans la préfecture de Yamanashi en 1977. Depuis sa retraite, après avoir voyagé dans une centaine de pays, il visite depuis 2009 de nombreuses régions du Japon. En particulier, il se rend dans plus de 400 brasseries de saké et fonde la Japan Craft Saké Company en 2015, un bureau de conseil spécialisé dans le saké, mais aussi le développement de produits et l’événementiel. Il participe également à la diffusion d’informations généralistes relatives à la culture japonaise sur les médias Web, livres et émissions de radio.

Un voyageur avec une idée en tête

Après la Coupe du Monde 2006 en Allemagne, Nakata avait quitté le monde du football. Il était devenu « Le voyageur ».

Il avait joué dans les clubs les plus prestigieux de la serie A italienne, AS Roma et Parme entre autres, ce qui l’avait amené à vivre huit ans en Italie. Amateur de vins, il avait découvert les visites de vignobles, les histoires de vignerons, de viticulteurs, fasciné par la fierté des hommes quand ils parlent de leurs traditions. Il s’était essayé à l’importation de Lambrusco Bacio, un vin pétillant de la région de Parme, ce qui avait mis à jour chez lui un certain talent pour les affaires.

Nakata a alors eu l’idée de transférer son expérience au Japon. En faisant connaissance avec les hommes de terroir japonais, ceux qui travaillent dans les industries traditionnelles, il a alors compris quelque chose.

« Les artisans japonais produisent des objets vraiment formidables, mais nombreux sont ceux qui se débattent pour leur survie. Ils disparaissent non pas parce qu’ils sont mauvais, au contraire, ils sont excellents et pourtant ils sont au bord de la faillite. »

Mission : faire connaitre les produits authentiquement japonais

Nakata a vu que les industries traditionnelles pouvaient survivre solidement en étendant leurs marchés à l’étranger. La plupart des industries traditionnelles japonaises, elles, sont toujours fortes par leur savoir-faire technologique et leur esprit. C’est leur situation commerciale qui est à bout de souffle.

Pour Nakata, c’est dans les situations de crise qu’on aperçoit la lumière.

Interview de Nakata Hidetoshi dans les locaux de J-WAVE NIHONMONO LOUNGE (photo : Uwadaira Tsunefumi)
Interview de Nakata Hidetoshi dans les locaux de J-Wave Nihonmono Lounge (photo : Uwadaira Tsunebumi)

« Au lieu de dire qu’il existe un certain potentiel, il faut plutôt dire qu’il n’y a que le potentiel, et rien d’autre. Pour dire les choses brutalement : les industries traditionnelles japonaises n’ont rien fait de ce qu’il aurait fallu faire pour vendre. Les industries traditionnelles se sont toujours appuyées sur le commerce local. Et comme localement, tout le monde les connaît, elles n’ont jamais vu la nécessité du marketing ou de la publicité. Mais aujourd’hui, le marché, c’est le pays entier et le monde. Si on garde la même façon de procéder qu’autrefois, ça ne mènera nulle part. Moi, ce que je veux mettre en place, c’est une structure qui change cela. »

Nakata a réfléchi à ce qu’il pouvait faire pour briser les barrières actuelles, c’est dans cet esprit qu’il a créé un site web de découverte d’objets japonais intitulé Nihonmono (« Les choses du Japon »)

« On dit toujours que les jeunes n’achètent plus de choses traditionnelles. C’est normal, personne ne sait que ça existe, ni où les trouver. Sans information sur ce qui existe, comment voulez-vous choisir la qualité ? Alors on choisit le meilleur marché, parce que c’est la seule chose qu’on a sous les yeux. »

Construire la confiance avec les producteurs locaux

Nakata s’est donné pour mission d’aider les industries traditionnelles en transmettant les informations et connaissances que le producteur voudrait communiquer aux consommateurs, sous une forme facile à comprendre.

« Par exemple, sur l’étiquette d’un délicieux thé japonais, il est indiqué : “Thé grillé à la marmite à vapeur fine”. En admettant que vous lisiez ce label, comment voulez-vous deviner que ça veut dire que c’est excellent ? En fait, il n’y a que les professionnels qui comprennent ce qui est écrit sur les emballages... Nous, ce que nous voulons faire, c’est apporter une connaissance et un intérêt pour ces produits, à des gens qui n’ont aucune information. Nous voulons leur expliquer d’abord pourquoi c’est bon. »

Nakata Hidetoshi (à gauche), discute avec un responsable de la production de thé (photo NIHONMONO)
Nakata Hidetoshi (à gauche), discute avec un responsable de la production de thé (photo fournie par Nihonmono)

Évidemment, quand quelqu’un qui n’est pas du sérail affirme qu’il veut régénérer les industries traditionnelles, il ne suffit pas qu’il le dise. Si les producteurs n’embrayent pas, il ne se passera rien. Nakata pouvait s’attendre à se faire traiter de « type venu d’on ne sait où » ou de « mouche du coche » ou de « type célèbre qui vient s’amuser sur notre dos »…

Et pourtant, l’idée de l’ancienne star de football a trouvé un bel écho de la part de nombreux maîtres artisans.

« Ce que je fais depuis plusieurs années, c’est construire la confiance en parlant face à face avec les gens. Pour le saké, en premier lieu, j’ai pris le temps qu’il fallait pour faire le tour du pays pour visiter le maximum de brasseries. Ensuite, depuis plusieurs années, nous avons organisé la Craft Sake Week, autour de plus d’une centaine de brasseries. L’important est d’y passer du temps. Passer du temps avec les producteurs, approfondir les amitiés, construire la confiance.

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Kaneko TatsuhitoArticles de l'auteur

Rédacteur sportif. Né dans la préfecture de Kanagawa en 1966. Après un diplôme de sociologie de l’Université Hôsei, il travaille comme journaliste pour le magazine Soccer Digest, avant de devenir freelance en 1995. Auteur de nombreux ouvrages de non-fiction autour du sport. Nombreux articles pour divers médias tels Number et Sports Nippon.

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