Le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, compositeur préféré des Japonais, gâché par le Covid-19

Culture Musique

En dehors de l’Allemagne, sa patrie, sans doute Beethoven n’est-il aussi aimé dans aucun autre pays que le Japon. Dans l’Archipel, où il est considéré comme un génie, sa Neuvième symphonie est traditionnellement jouée en fin d’année. Pour le 250e anniversaire de sa naissance, de nombreux concerts et événements étaient prévus, mais la crise du coronavirus a conduit à l’annulation d’une grande partie d’entre eux. La directrice du Cercle Beethoven (Beethovenkreis) au Japon nous en parle.

Faire de la musique après le coronavirus

Malgré tout, de nombreuses expériences voient le jour afin de continuer à faire de la musique. La diffusion de concerts en streaming en est un exemple.

Le Suntory Hall, à la mi-juin, a ainsi proposé sept concerts en diffusion payante, dans une tentative de reprendre le travail. Une initiative saluée par de nombreux musiciens et acteurs du secteur, semble-t-il.

Ces concerts, véritables « marathons Beethoven », s’ouvraient sur une Sonate pour violoncelle avant de se refermer, le dernier jour, sur un programme de six morceaux de musique de chambre. L’année Beethoven a ainsi été célébrée, bien que de façon plus modeste que prévu, se réjouit M. Nodaira.

Ces concerts en ligne, bien entendu inimaginables à l’époque de Beethoven, deviendront-ils une norme à l’avenir ?

En décembre 2018, une chorale interprète la Neuvième symphonie dans le grand magasin Mitsukoshi de Nihombashi à Tokyo. Cette tradition perdurera-t-elle cette année encore ? (Jiji)
En décembre 2018, une chorale interprète la Neuvième symphonie dans le grand magasin Mitsukoshi de Nihombashi à Tokyo. Cette tradition perdurera-t-elle cette année encore ? (Jiji)

Les concerts en public devraient bientôt pouvoir reprendre progressivement. La Conférence pour la gestion et la promotion des concerts de musique classique a publié des directives et les salles de concert comme le Suntory Hall étudient également les mesures à adopter pour la réouverture.

Les difficultés sont sans doute les plus grandes pour les orchestres. À la différence du solo de piano et des orchestres de chambre à effectifs réduits, la distanciation physique sera difficile à assurer non seulement dans la salle, mais aussi sur la scène. Comment faire ?

L’orchestre de Francfort a donné dès le mois de mai un concerto pour violon de Beethoven dans le respect des gestes barrière. À Tokyo, l’Orchestre philharmonique de Tokyo a été le premier, à la mi-juin, à adopter le même type de protocole, avec succès.

Cette initiative a été saluée par ceux qui attendaient de retrouver la musique, mais certains musiciens se demandent néanmoins si le jeu en vaut la chandelle. En effet, comme le souligne M. Nodaira, ce « nouveau style imposé », avec une disposition plus aérée des musiciens, altère profondément la façon dont la musique sonne.

En ce qui concerne la Neuvième qui, avec un orchestre et un grand nombre de chanteurs, est par essence étrangère à toute distanciation physique, il sera sans doute assez difficile de la jouer normalement. La municipalité où j’habite a d’ailleurs déprogrammé l’habituel concert de fin d’année composé d’un chœur d’habitants et d’un orchestre professionnel.

« Avec la Neuvième, Beethoven a renforcé la solidarité humaine. C’était la première fois dans l’histoire de la musique qu’un texte comme celui de Schiller servait à une symphonie. Mais elle sera hélas difficile à jouer dans la situation actuelle. Ironiquement, elle prête le flanc au virus », d’après M. Nodaira.

La situation reste en effet critique. Malgré tout, comme le disent tous les musiciens, la marche de la musique, de la culture, ne doit pas être stoppée. De quel message la musique de Beethoven est-elle porteuse aujourd’hui ?

« Tes charmes assemblent/Ce que, sévèrement, les coutumes divisent… » Espérons que bientôt, nous pourrons de nouveau chanter sans crainte ces vers de l’Ode à la joie.

(Voir également notre article : L’hymne à la joie, toujours renouvelé)

Nodaira Ichirô

Nodaira Ichirô

Né en 1953, diplômé de troisième cycle de l’Université des arts de Tokyo, élève du Conservatoire de Paris. Pianiste soliste pour divers orchestres japonais et étrangers, il se produit également avec des artistes de renommée internationale et dans des orchestres de musique de chambre. Récipiendaire de nombreux prix, à commencer par le Prix de l’Académie japonaise des arts. Médaille au ruban pourpre. Directeur artistique de la salle de concert Shizuoka AOI et professeur de composition musicale à l’université des arts de Tokyo. Directeur du Beethovenkreis Japan (Cerce Beethoven).

(Photo de titre : le panneau BTHVN 2020 à l’entrée de la salle de musique de chambre de la Maison Beethoven à Bonn. Toutes les photos sont de l’auteure, sauf mention contraire)

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