Découvrir la culture aïnoue : une régénération culturelle et personnelle

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Né à Tokyo, Kitahara Jirôta Mokottunas s’intéresse depuis son plus jeune âge à ses racines aïnoues. Ses conversations avec sa grand-mère, qui a grandi sur l’île de Sakhaline, sont à l’origine de la curiosité qu’il éprouve pour cette culture dans toute sa diversité.

La régénération pour tous

Les légendes, les croyances, l’artisanat et la musique aïnous ont un attrait qui leur est propre. On dit que les Aïnous ont toujours vécu « en harmonie avec la nature », mais les traditions orales dénonçant les abus de la pêche et de la chasse, l’accaparement des biens et le gaspillage alimentaire montrent que, dans le passé, notre société comptait aussi des individus préoccupés avant tout par la richesse matérielle. Peut-être l’expérience vécue de l’épuisement des ressources nous a-t-elle amenés, via la littérature et la religion, à prendre conscience que chacun doit se satisfaire de ce qu’il a. Connaître la pensée de mes ancêtres et l’intégrer dans ma propre réflexion me procure de la satisfaction.

Il existe un certain nombre d’histoires comiques aïnoues mettant en scène des personnages appelés Pananpe et Penanpe. Dans celle-ci, la divinité de la mer leur enseigne comment lui rendre un culte.
Il existe un certain nombre d’histoires comiques aïnoues mettant en scène des personnages appelés Pananpe et Penanpe. Dans celle-ci, la divinité de la mer leur enseigne comment lui rendre un culte.

Outre le plaisir intellectuel qu’elle me procure, j’ai le sentiment que cette étude m’aide dans ma démarche de régénération. Certains disent que la construction de l’identité passe par la connaissance de la culture traditionnelle, mais en ce qui me concerne, je ne suis pas devenu un Aïnou à travers l’apprentissage de la langue. J’étais un Aïnou avant de savoir quoi que ce soit. Ce qui s’est passé, c’est qu’en étudiant la langue, la culture et l’histoire, je me suis forgé ma propre perspective sur les ancêtres qui les ont façonnées et en étaient partie intégrante. Cela ne m’a pas conduit à cultiver une vision romantique des Aïnous, mais à comprendre que le dédain dont ils font l’objet est sans fondement ni justification. Et c’est en prenant conscience de cela et en parlant des Aïnous autour de moi que j’ai éprouvé un sentiment de régénération identique à celui de la chercheuse dont j’ai parlé plus haut

En avril 2020, le Musée et le Parc nationaux aïnous Upopoy vont ouvrir. [En raison de la pandémie de coronavirus, l’ouverture a été remise à plus tard—NDLR.] J’espère vivement que cela aidera un grand nombre d’Utari à mener à bien leur régénération. Dans la société japonaise contemporaine, les Aïnous ne sont pas les seuls à être coupés de leurs racines. Il y a des Wajin qui se sentent étouffés par les discours à propos d’un peuple homogène, et d’autres qui sont intolérants à la différence à cause de leur vanité. En ce sens, la majorité doit, elle aussi, accomplir sa régénération. En prenant acte du renouveau culturel et en l’utilisant comme un miroir dans lequel se regarder, ces gens se rendront compte que leurs pensées ne reflètent nullement les valeurs standard de la société. Le respect de la diversité est lié à l’appréciation de l’importance des valeurs qui nous sont propres et nous distinguent d’autrui.

(Photo de titre : ces bâtons rituels inau décorés de copeaux de bois constituent l’objet des recherches de l’auteur ; il a fait de ses propres mains ceux qu’on voit sur la photo. Photo et illustrations avec l’aimable autorisation de l’auteur)

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