Voyage à travers les cerisiers du Japon

Le « hanami » : comment est née l’admiration des fleurs de printemps au Japon

Culture Environnement

Penchons-nous sur les origines de la culture du hanami, littéralement « la contemplation des fleurs ». Comment cette pratique s’est-elle développée pour devenir un rite incontournable de la saison printanière au Japon ? Pour nous aider à comprendre, un spécialiste nous parle d’histoire et nous emmène à la découverte des différentes variétés de cerisiers de l’Archipel, notamment le Somei Yoshino.

La naissance du fameux Somei Yoshino

Beaucoup de variétés de sakura ornementaux pour les jardins ont été développées pendant l’époque d’Edo, notamment en raison de l’utilisation de la variété Ôshima-zakura (Cerasus Speciosa) ainsi que l’Edo-higan et le Yama-zakura. Le cerisier Ôshima-zakura est une variété sauvage qui pousse dans l’archipel d’Izu, un groupe d’îles éparpillées au sud de Tokyo. Cette variété était inconnue pendant l’époque Heian, et elle a été beaucoup cultivée après l’époque de Kamakura (1185-1333). L’Ôshima-zakura a de grandes fleurs blanches et bien que l’arbre reste assez petit, même à maturité, sa floraison est abondante. Il existe même des mutations à fleur double, faisant de cette variété l’idéal pour planter dans un jardin.

Les grandes fleurs blanches de l’ôshima-zakura sont spectaculaires
Les grandes fleurs blanches impressionnantes de la variété Ôshima-zakura

Durant l’époque d’Edo, la capitale devint le centre de ce qu’on appelait « l’horticulture d’Edo » : beaucoup de variétés de chrysanthèmes, azalées et autres furent développées. Il était de même pour le sakura, et c’est les horticulteurs d’Edo qui se servirent du cerisier Ôshima-zakura pour créer les variétés à fleurs doubles. La variété Somei Yoshino, celle que l’on associe toujours avec le hanami, en est sans doute le résultat le plus connu.

Les grandes fleurs blanches de l’ôshima-zakura sont spectaculaires
Le rose pâle des fleurs du Somei Yoshino lui a permis de devenir l’un des cerisiers préférés des Jappnais.

Le Somei Yoshino a fait ses débuts au XIXe dans le village de Somei, à Edo. À l’époque, les cerisiers à fleur simple de plus de dix mètres de haut à maturité étaient considérés comme des Yama-zakura et reçurent le nom de Yoshino-zakura, un clin d’œil à la région de Yoshino, terre d’origine de cette variété. Il n’existe plus de documents sur la naissance du Somei Yoshino, mais des recherches ADN ont indiqué que l’arbre mère était l’Edo-higan et l’arbre père l’Ôshima-zakura. Le Somei Yoshino marie les meilleurs caractéristiques de chaque, une couleur rose pâle pendant la floraison, comme dans l’Edo-higan, et une croissance rapide comme l’Ôshima-zakura. Très vite, le Somei Yoshino devint le cerisier favori des habitants d’Edo, l’idéal pour le hanami.

Pendant l’ère Meiji (1868-1912), au moment de la modernisation rapide du Japon, cette variété a été souvent plantée dans les espaces publics tels que les parcs, les écoles, et le long de chaussées, un peu partout dans le pays. Mais comme ce n’était pas exactement la variété de Yama-zakura qu’on trouvait à Yoshino, ce cerisier changea de nom pour Somei Yoshino vers 1900, du nom du village où il a été créé.

Somei Yoshino, qui atteint sa maturité en environ dix ans, était la variété idéale pour le hanami populaire qui avait prit forme à Edo. Facile à propager par le greffage, tous les Somei Yoshino sont des clones et donc fleurissent en même temps, avec les mêmes fleurs rose pâle. Les gens viennent de près et de loin manger et boire en groupes, en plein air sous les branches étalées. Et avec la propagation des arbres eux-mêmes, la coutume du hanami à la mode d’Edo s’est répandue dans d’autres régions du pays. Il n’y a ainsi rien d’exagéré en disant que c’est grâce au Somei Yoshino que le hanami est devenue un loisir ouvert à tous.

D’autres variétés en chemin

Le hanami peut prendre des formes bien différentes : une fête bruyante dans un parc, la contemplation silencieuse des fleurs, ou le bonheur de découvrir des sakura pendant une randonnée en montagne. Beaucoup de variétés sauvages sont une féérie pour les yeux, allant du Ôyama-zakura (Cerasus Sargentio) des contrées froides de l’île de Hokkaidô au Kanhi-zakura (Cerasus Campanulata) des régions subtropicales d’Okinawa, ou même une découverte récente, le Kumano-zakura (Cerasus Kumanoensis) qui fleurit au sud de la péninsule de Kii.

La variété Kumano-zakura, découverte en 2018
La variété Kumano-zakura, découverte en 2018

Le Somei Yoshino est loin d’être la seule variété que l’on croise. Citons aussi le fameux Shidare-zakura (cerisier pleureur, Cerasus Itosakura « Pendula »), le Kawazu-zakura (Cerasus x Kan-zakura « Kawazu-zakura »), le taihaku (Cerasus Sato-zakura Groupe « Taihaku ») et bien d’autres encore. Connaître la provenance et l’histoire de tous les cerisiers qui poussent au Japon ne peut qu’intensifier le plaisir du hanami.

(Photo de titre : un hanami au parc d’Ueno à Tokyo. Toutes les photos sont de l’auteur.)

Tags

nature histoire culture cerisier saison

Autres articles de ce dossier