La station de recherche du mont Fuji : une mine d’or pour la science

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Kamogawa Masashi [Profil]

La station météorologique du mont Fuji, située à son sommet a été fermée en 2004 après 72 années d’observation ininterrompue des phénomènes atmosphériques. Depuis lors, la Station de recherche du mont Fuji, une institution sans but lucratif, loue tous les ans les bâtiments à des fins de recherche pendant deux mois de l’été. Son altitude élevée et l’absence de toute autre montagne aux alentours font du mont Fuji un endroit idéal pour un large éventail d’activités environnementales importantes.

Un nouvel observatoire au sommet du Fuji

Le prince Yamashina Kikumaro, qui appartenait à une ligne collatérale de la famille impériale japonaise et s’intéressait de près à la météorologie, puisa dans ses fonds personnels en 1902 pour construire un laboratoire météorologique sur le mont Tsukuba (préfecture d’Ibaraki). Le site abrite aujourd’hui la Station météorologique du Sanctuaire de Tsukuba et le Centre pour les sciences numériques de l’Université de Tsukuba.

En 1927, Satô Jun’ichi, qui dirigea pendant 20 ans la station météorologique du prince Kikumaro sur le mont Tsukuba, construisit un petit laboratoire dans une hutte sur le mont Fuji avec des fonds fournis par Suzuki Yasuji, patron d’une école de conduite à Tokyo et ancien chauffeur personnel du prince. Satô fit l’ascension du mont Fuji avec l’aide d’un gôriki (porteur en montagne) local et séjourna dans ce qu’on appelait alors la « hutte Satô » pendant près d’un mois, en janvier et février 1930, pour y effecteur des mesures météorologiques quotidiennes. Cette seconde tentative d’observation du climat du milieu de l’hiver au sommet du mont Fuji a eu lieu 35 ans après les exploits aussi intempestifs qu’héroïques des époux Nonaka.

Comme ses prédécesseurs, Satô a subi de cruelles épreuves dans le paysage hivernal du sommet du mont Fuji : chute sur une pente abrupte, accès de béribéri, sévères gelures. Mais sa passion et son dévouement lui ont valu le profond respect du public. En 1932, la hutte Satô, élevée au rang d’Observatoire provisoire du mont Fuji par l’Office central de la météorologie, a été chargée d’effectuer des mesures météorologiques tout au long de l’année. Le budget attribué à cette nouvelle mission était limité à un an, correspondant à la célébration de la seconde année polaire internationale (1932-1933), rebaptisée ensuite année géophysique internationale, mais grâce aux requêtes pressantes de jeunes météorologues ayant accepté de travailler sans rémunération et au financement généreux accordé par la Mitsui Hôonkai, une fondation philanthropique du groupe Mitsui, l’observatoire a pu continuer de fonctionner.

Après ces efforts individuels, le gouvernement japonais est intervenu à son tour en 1935, en affectant au budget ordinaire du ministère de l’Éducation des fonds destinés à l’observation météorologique. En 1936, le mot « provisoire » a été retiré du nom de l’établissement afin de l’officialiser pour de bon. Dans les années qui ont suivi, et malgré les raids aériens et les pertes en personnel subis pendant la guerre, l’observatoire a réussi à se maintenir ; en 1950, il était célèbre auprès du grand public sous le simple nom de station météorologique du mont Fuji.

Détecter les typhons et réduire le nombre victimes

Le plus haut sommet du Japon est aussi connu pour le rôle qu’il a joué en tant que mirador pour l’observation des typhons. Après le typhon Isewan (typhon Vera) de 1959, qui a fait plus de 5 000 victimes, le gouvernement a décidé d’installer au sommet du mont Fuji un système de surveillance radar pour la détection précoce des cyclones.

Les travaux ont débuté en juin 1963 et la construction a été achevée en octobre 1964. Pendant toute la durée du chantier, les ouvriers ont été en butte au mal des montagnes et à de fréquents coups de foudre. Pendant longtemps, le système de surveillance radar du mont Fuji a été la station radar météorologique la plus élevée du monde, dotée de la plus vaste portée, avec une capacité de détection des typhons allant jusqu’à 800 kilomètres de distance. La précision du système, alliée à la mise à jour continue de la technologie de prédiction, des mesures de prévention des catastrophes et de la transmission de l’information, ont contribué à produire de grandes avancées et entraîné une réduction spectaculaire du nombre des victimes des typhons.

Sauvé de la démolition

Après le lancement du premier satellite météorologique géostationnaire Himawari en 1977, les observatoires en orbite ont remplacé les radars au sol pour la surveillance des typhons. Le système de surveillance radar du mont Fuji a été fermé en 1999, et son dôme blanc si caractéristique a été démonté et enlevé en 2001.

Le dôme du radar avant sa démolition en 2001. L’édifice reconstruit est aujourd’hui exposé au Musée du dôme du radar du Mont Juji, à Fujiyoshida, préfecture de Yamanashi. (Photo d’Iwazaki Hiroshi, chef de l’équipe de la Station de recherche du mont Fuji, la SRMF)
Le dôme du radar avant sa démolition en 2001. L’édifice reconstruit est aujourd’hui exposé au Musée du dôme du radar du mont Fuji, à Fuji-Yoshida, préfecture de Yamanashi. (Photo d’Iwazaki Hiroshi, chef de l’équipe de la Station de recherche du mont Fuji, la SRMF)

La prolifération des satellites météorologiques et des radars au sol a rendu caduques les stations météorologiques requérant du personnel. En octobre 2004, la fermeture de la station météorologique du mont Fuji a mis un terme à 72 années d’observation ininterrompue effectuée par des employés. Aujourd’hui, le fonctionnement de l’Agence météorologique du Japon repose principalement sur son système automatisé de collecte de données météorologiques, l’AMeDas (abréviation du sigle anglais Automated Meteorological Data Acquisition System).

Le démantèlement de la station météorologique a été envisagé, mais un groupe de chercheurs soucieux de préserver l’héritage de l’observation scientifique en montagne a fondé en 2007 une ONG en vue de louer l’observatoire et d’y exercer un éventail d’activités de recherche. L’observatoire, désormais connu sous le nom de Station de recherche du mont Fuji (SRMF), est entretenu par l’ONG qui porte le même nom. Ce lieu prend en charge la totalité des coûts de maintenance de l’installation, y compris l’électricité. L’ouverture de la station à des fins d’éducation et de recherche est limitée à deux mois chaque été.

Les chercheurs dont la candidature à l’utilisation de la station a été retenue y mènent tous les étés depuis 2007 des projets requérant de la main-d'œuvre. En 2019, année de la treizième saison de la SMRF depuis sa location, 42 projets de recherche y étaient en cours, et plus de 5 000 personnes y avaient exercé des activités. Au nombre de ces utilisateurs figurent des équipes de recherche appartenant à des universités et à des institutions nationales, ainsi que des scientifiques amateurs ou employés dans le secteur privé.

Des chercheurs de tous âges et de toutes origines se rassemblent à la station pendant deux mois chaque été. En 2019, sa treizième année d’existence, elle avait accueilli un total de plus de 5 000 utilisateurs. (Photo de l’auteur)
Des chercheurs de tous âges et de toutes origines se rassemblent à la station pendant deux mois chaque été. En 2019, sa treizième année d’existence, elle avait accueilli un total de plus de 5 000 utilisateurs. (Photo de l’auteur)

À l’origine, la station a été créée pour mettre l’infrastructure de l’ancien observatoire à la disposition de chercheurs de divers secteurs. Elle est devenue une organisation, unique en son genre, active non seulement dans la recherche fondamentale et appliquée, mais encore dans l’éducation.

Suite > Des données précieuses, mais une lutte acharnée pour le financement

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Kamogawa MasashiArticles de l'auteur

Physicien et chercheur dans le domaine des séismes, des tsunami et de la foudre. Né en 1971 à Yokohama. Professeur associé en charge des projets au Centre mondial pour la recherche asiatique et régionale de l’Université de Shizuoka, membre du conseil d’administration et directeur administratif de la Station de recherche du mont Fuji, membre du conseil d’administration de l’Unisec.

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