L’année 1964 : point de départ du handisport au Japon et premiers Jeux paralympiques de Tokyo

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Watari Tadashi [Profil]

En 1964, Tokyo a accueilli les IIe Jeux paralympiques d’été, du 3 au 12 novembre. À l’époque, il semblait encore inconcevable que des handicapés puissent avoir un rôle actif dans la société japonaise. Mais les Jeux paralympiques ont contribué à l’apparition d’un environnement adapté à la pratique du handisport et donné la possibilité aux personnes à mobilité réduite de s’impliquer davantage dans la vie sociale.

Objectif : redonner confiance aux handicapés

Kasai Yoshisuke (1906-2001) a été désigné comme président du comité d’organisation des Jeux paralympiques de Tokyo. Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il avait exercé la fonction de vice-ministre au ministère de la Santé et des Affaires sociales (devenu depuis ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales) et défini les bases de la politique du Japon en matière de protection sociale. Après quoi, il était devenu vice-président de la Croix-Rouge japonaise. Le réseau très étendu de ses relations lui a beaucoup servi lorsqu’il s’est agi de préparer les Jeux paralympiques. Il fallait par exemple trouver des bénévoles pour assumer un grand nombre de tâches et notamment celles d’interprète. Kasai Yoshisuke est allé consulter Hashimoto Sachiko (1909-1995), directrice de la Croix-Rouge de la Jeunesse du Japon, qui parlait couramment l’anglais. Et c’est ainsi que la Croix-Rouge japonaise a formé une équipe d’interprètes bénévoles.

Si le mérite d’avoir introduit le sport en tant que forme de réhabilitation revient à Nakamura Yutaka, c’est à Kasai Yoshisuke que l’on doit d’avoir intégré les Jeux Paralympiques dans la politique de protection sociale du Japon et jeté les bases du handisport dans l’Archipel. Dans un entretien publié par le journal Asahi Shimbun, il a répondu aux critiques dont il a fait l’objet. On lui a notamment reproché d’avoir dépensé 100 millions de yens (environ 840 000 euros) pour les Jeux paralympiques au lieu de donner la priorité aux handicapés les plus atteints dans la société japonaise.

Pour Kasai Yoshisuke, le nombre des personnes gravement handicapées prises en charge par des infrastructures spécialisées sera toujours limité, quels que soient les efforts accomplis dans ce sens. Et il considère que ce qui comptait avant tout, c’était de redonner confiance en eux-mêmes à autant d’handicapés que possible et de les réinsérer dans la société par le biais des Jeux paralympiques. Quoi qu’il en soit, c’est lui plus que tout autre qui a fait progresser le handisport au Japon en intégrant les Jeux paralympiques dans une politique de réhabilitation sociale des handicapés.

L’importance du respect de la diversité

Un des acquis des Jeux paralympiques de 1964 a été la mise en place d’un système permettant aux handicapés de faire du sport. Il a été suivi de près par la fondation de l’Association du handisport japonais (JPSA), l’organisation d’un championnat national du sport pour les handicapés et la mise en place d’infrastructures d’encadrement et d’entrainement. C’est ainsi que toutes sortes de portes se sont ouvertes pour les générations futures. Le handisport a dès lors occupé une position centrale dans la politique de protection sociale du Japon. Grâce aux compétitions, le grand public a appris à mieux connaître les handicapés. Et du coup, la réinsertion de ces derniers dans la société, très en retard en comparaison d’autres pays, s’est accélérée.

Mais dans le même temps, ces progrès indéniables ont constitué un retour en arrière par rapport au mouvement pour les handicapés de l’après-guerre. En effet, celui-ci mettait avant tout l’accent sur le droit de vivre des personnes gravement atteintes. D’une certaine façon, les Jeux paralympiques ont donné une vision étriquée du handicap qui ne rend pas compte de la diversité des personnes concernées. Une vision qui était limitée à des para-athlètes suffisamment actifs et agiles pour prendre part à des compétitions sportives.

Les Jeux paralympiques de 2021 vont-ils mettre en valeur la diversité intrinsèque de la société et promouvoir le respect de la pluralité ? Ou bien faut-il craindre qu’ils attirent l’attention uniquement sur les handicapés qui font du sport ? Autant de questions qui se posent à quelques mois de leur ouverture. On peut en tout cas espérer qu’ils nous donneront l’occasion de réfléchir non seulement au problème posé par les handicapés mais aussi à la façon dont nous pourrions vivre en symbiose dans une société fondée sur le respect de la diversité.

(Photo de titre : le 8 novembre 1964, la cérémonie d’ouverture des IIe Jeux paralympiques s’est déroulée dans le stade des sports Oda Field du village paralympique de Yoyogi, situé dans l’arrondissement de Shibuya, à Tokyo. Elle a marqué le début d’une compétition de haut niveau qui a opposé les para-athlètes de 21 pays et régions du monde au cours de 144 épreuves impliquant 9 disciplines différentes. Nakamura Yutaka se tient debout, derrière le para-athlète japonais en train de prononcer le serment olympique. Photographie avec l’aimable autorisation du journal Mainichi Shimbun/Aflo.)

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Watari TadashiArticles de l'auteur

Né en 1979 à Hokkaidô. Professeur associé à la Faculté des sciences de la santé et des sports de l’Université Juntendô de Tokyo depuis 2015. Spécialiste de la sociologie du sport et du handisport. Titulaire d’un doctorat en sciences humaines de l’Université de Tsukuba. Avant d’occuper le poste qui est le sien actuellement, il est assistant à la Faculté des sciences du sport de l’Université Waseda et professeur associé à l’Université Tokuyama de Shûnan. Auteur de divers ouvrages dont « L’héritage des Jeux olympiques de 1964 (1964 nen olympic wa nani o unda ka, coauteur, Seikyûsha, 2018), et de « La situation critique du handisport » (Shôgaisha sports no rinkaiten, Shinhyôron, 2012).

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