Tokyo, une ville en perpétuelle métamorphose

Les mille et un visages de Shinjuku : histoire du quartier le plus animé de Tokyo

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Shinjuku est l’un des quartiers les plus célèbres et les plus vivants de Tokyo, et il fait partie intégrante de l’histoire de la capitale du Japon. Tout a commencé en 1885, quand une petite gare sans grande importance a été construite sur place.

Marché noir et strip-tease

La Seconde Guerre mondiale a mis fin brutalement à cette période florissante. Shinjuku a été réduit à l’état de décombres par les bombardements, comme le reste de Tokyo. Seuls la gare, Isetan et quelques autres édifices étaient encore debout. Le quartier a pourtant commencé à revivre dès le 20 août 1945. Cinq jours à peine après la capitulation du Japon, les activités de marché noir se sont concentrées à proximité de la sortie est de la gare. Avec un slogan on ne peut plus clair : « La lumière vient de Shinjuku ». Shinjuku est effectivement devenu un lieu incontournable pour les habitants de la capitale ravagée par la guerre. On y trouvait de tout, nourriture, habillement, matériel pour la vie de tous les jours, endroits pour boire, se restaurer et se divertir de toutes sortes de façons.

Le premier spectacle de strip-tease de l’histoire du Japon a eu lieu en 1947 au cinéma Teito-za, en face du grand magasin Isetan. Les femmes qui étaient sur scène avaient la poitrine dénudée et elles incarnaient des personnages de peintures célèbres occidentales tout droit « sortis de leur cadre ». Pendant l’après-guerre, le district 2-chôme de Shinjuku a par ailleurs abrité des activités liées à la prostitution. Et puis à la fin des années 1960, il est devenu le quartier gay le plus emblématique du Japon, un quartier réputé pour sa tolérance en matière de satisfaction des désirs.

L’histoire étonnante du Kabuki-chô

L’histoire du Kabuki-chô a elle aussi débuté à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce quartier a vu le jour en 1948, à l’initiative de Suzuki Kihei, président d’une association locale. Celui-ci voulait en faire une « zone d’activité éthique » « où l’on ferait du commerce en pensant aux clients ». Il envisageait aussi d’y implanter un théâtre de kabuki qui lui a donné son nom sans avoir jamais été construit. Les établissements qui s’y sont installés, notamment le théâtre Koma et le cinéma Chikyû-za de l’homme d’affaires et politicien taïwanais Lin Yi-wen, ont fini par en faire un quartier de divertissements de tout premier plan. L’inauguration en 1952 de la gare ferroviaire Seibu-Shinjuku de la ligne privée Seibu, située à proximité, a elle aussi grandement contribué au développement du Kabuki-chô.

Le Kabukichô dans les années 1950. (Avec l’aimable autorisation du Musée historique de Shinjuku)
Le Kabuki-chô dans les années 1950 (Avec l’aimable autorisation du Musée historique de Shinjuku)

En 1957, le Japon a promulgué une Loi sur la prostitution interdisant le commerce du sexe jusque-là toléré dans des zones bien spécifiques. C’est alors que de nouvelles formes illégales de cette industrie ont fait leur apparition dans le Kabuki-chô. Loin de devenir la « zone d’activité éthique » envisagée par son fondateur, il s’est transformé en un quartier réputé pour être dangereux. Le fameux guide de voyage Lonely Planet n’a pourtant pas hésité à affirmer que « dans l’ensemble, le quartier chaud le plus célèbre de Tokyo » était « relativement sûr » et surtout « intéressant à parcourir la nuit ». Il est vrai que depuis que les firmes Tôkyû Corporation et Tokyû Recreation se sont lancées dans des travaux de construction à l’emplacement du cinéma Milano-za, on peut penser que le Kabuki-chô est en train de se rapprocher de la « zone d’activité éthique » imaginée par Suzuki Kihei.

Le Kabukichô à l’heure actuelle (Photo : Pixta)
Le Kabuki-chô à l’heure actuelle (Photo : Pixta)

Le Golden-gai : un espace où le temps semble s’être arrêté

Le côté est du Kabuki-chô est bordé par le « chemin des quatre saisons » (shiki no michi), un parc-promenade aménagé à l’emplacement d’une ancienne ligne de tramway en service jusqu’en 1970. Au-delà, toujours en direction de l’est, on trouve le Golden-gai. C’est là que les autorités ont transféré le marché noir qui fleurissait du côté est de la gare de Shinjuku. Le Golden-gai a également abrité des activités de prostitution illégales jusqu’à ce que celles-ci soient totalement interdites par la Loi sur la prostitution de 1957. Il est ensuite devenu un des lieux de rendez-vous préférés de quantité d’intellectuels, écrivains, poètes, dramaturges, acteurs et autres musiciens, venus converser autour d’un verre dans l’un ses quelques 280 minuscules bars ouverts jusqu’à l’aube. (Voir nos articles « Le quartier Golden-gai de Shinjuku : un haut lieu de la prostitution devenu le paradis des buveurs » et « Comment apprivoiser les ruelles sombres du Golden-gai de Tokyo »)

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