Les grandes figures historiques du Japon

Fukuzawa Yukichi, le plus grand intellectuel japonais

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Pourquoi le visage de Fukuzawa Yukichi figure-t-il sur les billets de banque japonais à la plus haute valeur (10 000 yens) ? Tout simplement parce que ce personnage est considéré comme le plus important intellectuel du Japon, alors que rien ne l’y prédestinait. Penseur, entrepeneur, essayiste, journaliste, grand connaisseur de l’Occident, mais surtout contributeur précieux au développement de son pays, ses initiatives l’amenèrent à créer la célèbre université Keiô, pionnière d’une éducation nouvelle qui forgea les esprits japonais de demain, et ses écrits n’ont eu de cesse de pousser le Japon à acquérir une indépendance face aux puissances occidentales.

Objectif : hisser le Japon au même niveau que les puissances occidentales

À partir de la Restauration de Meiji (1868), le Japon a entamé une rapide modernisation du pays. Elle a consisté, sous l’égide d’un gouvernement unifié, à la création d’écoles publiques et privées afin de former des personnes compétentes, et au développement de l’industrie, afin de favoriser le commerce qui rapporte des profits. Ces profits ont ensuite été utilisés pour passer d’une économie basée sur l’agriculture à une économie basée sur l’industrie légère, puis sur l’industrie lourde.

Ce programme de modernisation du Japon a d’abord influencé la Thaïlande à la fin du XIXe siècle. Puis au début du centenaire suivant, les deux grands intellectuels que sont Kang Youwei et Liang Qichao s’en sont inspirés en Chine. On peut sans doute considérer que la démocratisation de Taïwan ainsi que les « dix projets majeurs », lancés dans la seconde moitié du XXe siècle par Chiang Ching-kuo à Taïwan, la « déclaration du 29 juin » 1987 de Roh Tae-woo en Corée du Sud, les Quatre Modernisations de Deng Xiaoping, ou encore la réforme Doï Moï au Vietnam, à l’initiative de Truong Chinh au Vietnam, se situent aussi dans le prolongement de celui-ci. L’influence de ces mesures de modernisation du Japon a été importante sur l’Asie, nonobstant les épisodes tragiques de son histoire.

Fukuzawa Yukichi est l’un des hommes qui imaginé cette entrée du Japon dans l’ère moderne. Comment s’est formée sa pensée ? Difficile de répondre à cette interrogation sans prendre en compte ce qu’il avait découvert à travers ses périples en Occident.

Né à Osaka en 1835, Fukuzawa Yukichi est le deuxième fils d’un guerrier de classe inférieure qui travaille dans la résidence d’Osaka du fief de Nakatsu, sur l’île de Kyûshû. Il y reçoit là-bas une éducation confucéenne. Cependant, grand curieux de l’Occident, il décide de se consacrer à des études hollandaises, à savoir l’apprentissage de la langue, des sciences et des techniques de ce pays qui entretient à l’époque les plus importantes relations commerciales avec l’Archipel, à travers notamment le comptoir de l’île de Dejima, à Nagasaki. Fukuzawa s’y rend alors en 1854, puis part l’année suivante à Osaka approfondir ses connaissances à l’école Tekijuku, dirigé par Ogata Kôan, un médecin qui pratique la médecine occidentale.

En 1858, il s’installe à Edo (Tokyo) où il devient enseignant à l’école hollandaise de son fief, qui deviendra plus tard l’Université Keiô. Mais il étudie aussi l’anglais lorsqu’il se rend compte que c’est la langue principale utilisée pour le commerce. En 1860, il part à San Francisco dans le cadre de la mission japonaise du shogunat sur la première corvette à hélice et à vapeur du Japon, le Kanrinmaru. De retour au Japon, il est engagé comme interprète officiel du gouvernement. En 1862, il visite la Grande-Bretagne, la France, les Pays-bas, l’Allemagne et la Russie, et publie en 1866, « L’état de l’Occident » (Seiyô jijô), un ouvrage présentant les structures politiques et économiques de ces pays telles qu’il a pu les observer. L’année suivante, il retourne aux États-Unis, dont il visite la capitale, Washington, et la ville de New York.

Il se fixe alors l’objectif de transmettre à son pays les « six conditions » pour faire du Japon une civilisation du même niveau que les puissances occidentales, comme il le définit dans le prologue à « L’état de l’Occident », à savoir :

  1. Respecter les libertés individuelles par des lois qui n’enchaînent pas les citoyens
  2. Garantir la liberté de religion
  3. Promouvoir le développement des sciences et des techniques
  4. Renforcer l’enseignement scolaire
  5. Permettre le développement de l’économie grâce à un système politique stable basé sur des lois justes
  6. Toujours chercher à améliorer le bien-être des citoyens

Suite > L’influence de Benjamin Franklin sur la carrière de Fukuzawa

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