Quand gourmandise rime avec plaisir

La culture du pain au Japon

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Ako Mari [Profil]

Le pain est une vrai star au Japon, entre les nombreux festivals organisés autour de ce thème et les boulangeries de renom dont les queues de clients sont souvent très impressionnantes... Mais cette culture au Japon n’est pas la même qu’en Europe ou aux États-Unis. Voyons ensemble ce qui la rend si unique.

Une multitude de pains fantaisie et de pains fourrés

Comme chacun le sait, l’aliment de base de la cuisine nippone est le riz. Les pains et autres viennoiseries ne sont qu’une alternative apparue à partir du milieu du siècle passé. Et c’est justement pour cela que leurs variétés peuvent se décliner à l’infini, n’ayant pour limite que l’imagination de son producteur. Simple comme bonjour, il suffit de garnir une pâte à pain et de la faire cuire. Ces nombreuses possibilités de développement ont donc permis un essor rapide de sa fabrication.

L’introduction du pain au Japon date du XVIe siècle, par un missionnaire portugais. Il fut plus tard prohibé lors de la persécution des chrétiens au Japon, période sombre de l’histoire bien connue dans la préfecture de Nagasaki. Aucun écrit de l’époque d’Edo ne mentionnait ainsi un Japonais mangeant du pain...

Le pain fit à nouveau son entrée dans l’Archipel au début de l’ère Meiji (1868-1912), lorsque le Japon se modernisait. Cependant, cet aliment était encore vu comme une denrée alimentaire à forte consonnance américaine et personne ne l’envisageait comme ingrédient de base de leur alimentation. Au contraire, les Japonais préféraient plutôt les consommer en tant que collation, en les garnissant de pâte de haricot rouge (anko).

Les premiers de ces pains furent commercialisés en 1874 dans le magasin Kimuraya près de la gare de Shimbashi, à Tokyo (actuellement se trouvant à Ginza). Ayant perdu son travail lorsque l’époque d’Edo prit fin, l’ancien samouraï Kimura Yasubee décida de se lancer dans la fabrication de pain, en ouvrant une boulangerie en 1869. Mais le succès ne fut pas immédiatement au rendez-vous. C’est son fils qui, en s’inspirant des gâteaux manjû si chers aux Japonais, eut l’idée de fourrer des pains avec de l’anko pour faire le premier anpan, ou pain au haricot rouge.

Le anpan ouvrit la voie à d’autres créations : pain à la confiture, pain à la crème chantilly, pain au curry…la machine était lancée. Un pain fourré et à la texture moelleuse faisait désormais partie de la vie des Japonais. Cet aliment commença à se répandre dans les ménages après la guerre, donnant naissance à de plus en plus de variétés. Les boulangeries continuent toujours à proposer davantage de choix car le pain n’étant pas une composante nécessaire de l’alimentation, il est important de se renouveler sans cesse afin que les clients ne se lassent pas.

A gauche : le anpan de Kimuraya.  A l’extremité droite : un pain fourré au chikuwa (pâte à base de poisson), un pain unique au J
À gauche : le anpan de Kimuraya.  À l’extremité droite : un pain fourré au chikuwa (pâte à base de poisson), un pain unique au Japon.

Engouement de l’Asie toute entière pour les pains nippons

Les pains fantaisie et les pains fourrés font également parler d’eux sur le continent asiatique. La croissance économique aidant, nombreux sont ceux qui viennent se former au Japon et y apprendre les techniques de fabrication. La proximité géographique explique en partie le fait qu’ils préfèrent le Japon à l’Europe, mais pas seulement. C’est également parce que les techniques nippones n’ont désormais plus rien à envier à leurs cousines européennes et sont maintenant renommées.

Tout comme au Japon, le pain n’est pas leur aliment de base. Il ne constitue donc qu’une alternative. Pour eux aussi donc, il leur faut sans cesse trouver des nouveautés qui plairont à leurs clients.

Au Japon, il existe la culture du donburi, où il s’agit tout simplement d’un plat composé d’un ingrédient de son choix déposé sur du riz. C’est peut-être ce concept qui explique la multitude de pains au Japon : le riz a juste été remplacé par du pain !

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Ako MariArticles de l'auteur

Écrivain, chercheur et spécialiste de l’histoire de la vie quotidienne. Née en 1968, dans la préfecture de Hyôgo. Diplômée de l’Université féminine de Kobe. Ses thèmes dominants sont la nourriture, les modes de vie et la condition des femmes. Parmi ses ouvrages, « Pourquoi le pain français est devenu numéro un dans le monde ? 150 ans d’histoire du pain au Japon » (Naze Nihon no Furansu pan wa sekaiichi ni natta no ka pan to nihonjin no 150-nen, NHK Shuppan shinsho, 2016), « La coriandre et l’Asie » (pakuchi to Ajia meshi, Chûôkôron-shinsha, 2018)

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