Le maître du sabre Miyamoto Musashi : l’homme qui se cache derrière le « Livre des cinq anneaux »

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Miyamoto Musashi, maître du sabre du début de l’époque d’Edo (1603-1868) a livré plus de 60 combats au cours de sa vie, sans en perdre aucun. Son ouvrage intitulé le Livre des cinq anneaux (Gorin no sho) est considéré comme l’une des plus grandes œuvres jamais écrites sur l’escrime. L’essai qui suit s’intéresse au véritable Musashi, en s’appuyant sur des faits historiques.

À la recherche d’une vérité universelle

Le Gorin no sho expose l’art de la guerre en cinq volumes, rigoureusement rangés sous des titres correspondant aux cinq éléments : Terre, Eau, Feu, Vent et Vide.

Le Livre de la Terre expose le cadre général du bushidô, la voie du guerrier.

Le mot bushi peut désigner aussi bien des guerriers pris individuellement qu’un général à la tête d’une armée de 10 000 hommes. C’est par l’entraînement à l’escrime qu’on apprend à se battre, et cela vaut aussi pour les batailles rangées. Ce texte enseigne au lecteur à s’entraîner à appliquer son savoir-faire à toutes les situations. Le bushi doit toujours porter deux sabres et s’entraîner à les manier de concert, sans jamais perdre de vue le champ de bataille. Outre le sabre, il doit aussi apprendre à se battre efficacement avec la lance, le naginata (hallebarde), l’arc et les armes à feu. Un chef militaire doit être capable d’évaluer la force de ses subalternes avec suffisamment de précision pour affecter à chaque poste ou chaque emplacement les personnes les plus appropriées. Le fondement de la maîtrise d’une voie réside dans l’entraînement, en évitant le mal dans ses actions comme dans ses pensées. Le guerrier doit élargir sa perspective à travers les arts et se familiariser avec les usages sociaux par la fréquentation de différentes professions. Mais il doit aussi se forger des opinions objectives sur diverses questions en se reposant sur son discernement. Il doit prendre en compte ce qui ne peut être vu, et être réceptif aux plus petits détails. Le guerrier doit toujours se rendre utile, tout en se consacrant à la pratique de son propre entraînement. Ces enseignements s’appliquaient à la pratique de toutes les voies.

Le Livre de l’Eau expose la théorie de l’escrime qui est au cœur du livre.

Il décrit l’esprit du guerrier, son attitude et son expression, auxquels il attribue une place fondamentale dans l’art de la guerre, et il exhorte le guerrier à intégrer l’entraînement dans sa vie quotidienne en vue d’être en mesure de plonger sans hésitation dans l’action. L’enseignement du tachi, ou sabre long, distingue cinq « attitudes » ou postures — haute, moyenne, basse, droite et gauche –, entre lesquelles le guerrier doit choisir la plus propice pour frapper son adversaire. Miyamoto encourage le lecteur à suivre la « voie du sabre long », toujours prêt à recourir aux cinq katas – les cinq formes incarnant la façon idéale de dévier l’attaque d’un adversaire et de le vaincre –, qu’elle met à sa disposition tant pour se battre que pour aiguiser ses sens. Plutôt que de se conformer à des schémas préétablis, l’entraînement doit viser à la maîtrise des postures destinées à frapper l’ennemi, et se donner pour objectif d’affiner la perception de la voie du sabre long. Le guerrier doit « s’entraîner pendant mille jours, puis pratiquer pendant dix mille » en visant « aujourd’hui à vaincre l’ego d’hier, demain à vaincre maladroitement l’adversaire, et par la suite à vaincre les adversaire avec adresse ». Le pratiquant doit s’entraîner tous les jours dans le but de perfectionner ses techniques – l’entraînement exige des décennies de répétition disciplinée.

Le Livre du Feu expose la théorie de la guerre.

Sur le champ de bataille, il importe en premier lieu de repérer la direction de la lumière, de comprendre la morphologie du terrain et d’identifier les obstacles, en vue d’utiliser ces éléments à son propre avantage. Connais l’ennemi, en t’efforçant de l’empêcher de mettre à profit ses points forts, puis attaque ses points faibles. À la lecture de ce livre, le guerrier apprend à neutraliser les techniques de son adversaire, à rester immobile en attente de sa frappe, prêt à frapper en retour, mais à ne pas le laisser porter un coup. Pour vaincre un adversaire, il faut adopter une approche qui soit le contraire de la sienne. Outre cela, un guerrier doit se battre aussi sur le terrain psychologique, en suscitant l’agacement, la perplexité, la confusion de son ennemi, puis, quand celui-ci voit que sa défaite est imminente, l’attaquer et le vaincre. Quand le guerrier se bat contre une horde, il doit se mouvoir de façon à avoir l’initiative et frapper ses ennemis dans les replis de leurs lignes. Si votre stratagème ne marche pas à la seconde tentative, modifiez votre attaque à la troisième. Pour s’assurer de la victoire, le guerrier doit frapper sans retenue, mais avec prudence, sans jamais baisser la garde.

Le Livre du Vent critique les faiblesses des autres écoles et identifie la voie correcte

Il encourage les lecteurs à toujours rechercher les principes universels. Sans se laisser entraver par aucune forme extérieure, posture ou entraînement, ils doivent adopter l’attitude la mieux adaptée à chaque adversaire, en se battant en conformité avec la voie du sabre long. Miyamoto rejette les enseignements ésotériques et prône un enseignement qui soit fluide et adapté à la compréhension et à la maîtrise de chaque pratiquant. Pour enseigner la voie juste, il prend en considération la compréhension de chacun de ses élèves, en l’aidant à se défaire des mauvaises habitudes et des idées toute faites, de façon à ce que chacun suive la voie authentique du samouraï, en se forgeant un esprit exempt du doute.

Le Livre du Vide décrit la voie de la discipline et la manière de vivre idéale pour un guerrier

Les erreurs proviennent des préjugés. D’où l’importance de la conscience du « vide » pour être toujours en mesure de corriger ses façons. Le guerrier doit constamment s’efforcer d’améliorer son savoir-faire, et aussi entraîner son corps et son esprit en vue d’atteindre un état de clarté intérieure, où aucun doute n’obscurcit l’esprit. Cet état n’est autre que le « vrai vide ».

Dans ses jeunes années, Miyamoto Musashi a non seulement gagné plus de 60 combats à mort, mais aussi cherché une voie du guerrier d’application plus universelle, dans une quête infatigable de la rationalité et une approche prudente en tous les domaines. Le Gorin no sho, l’héritage qu’il a légué à la postérité au point culminant de sa maîtrise, expose la vraie manière de vivre pour un samouraï, en s’appuyant sur un entraînement soumis à des règles précises. Aujourd’hui encore, près de 400 ans plus tard, il nous livre l’essence universelle de tous les chemins menant à la maîtrise.

(D’après un original en japonais publié le 13 juin 2019. Photo de titre : une transcription en cinq rouleaux du Gorin no sho faite par un disciple de Musashi. Il n’existe aucun manuscrit connu de la plume de l’auteur. Avec l’aimable autorisation du Musée Eisei Bunko.)

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