Exploration de l’histoire japonaise

La mission Iwakura : quand le Japon est parti à la recherche de son propre avenir

Histoire Culture

Plus de cent dirigeants, représentants gouvernementaux et étudiants japonais sont montés à bord d’un navire en 1871 pour un grand voyage diplomatique, à la recherche de plans pour moderniser le pays.

L’histoire du Japon de ces 150 dernières années peuvent être divisées en trois périodes où se superposent succès et échecs. Au cours des cinq décennies qui ont suivi la Restauration de Meiji en 1868, le pays s’est grandement modernisé, sortant vainqueur de la Guerre russo-japonaise (1904-1905) et se rapprochant du club des pays victorieux de la Première Guerre mondiale. En 1918, le Japon s’était élevé au rang de principale puissance mondiale. Au cours de la deuxième période, toutefois, une confiance excessive et une évolution vers le militarisme ont conduit le pays à une défaite douloureuse et ont bien failli mener à sa destruction en 1945. Ce n'est que plus tard, humilié par des années d'occupation et confronté à la menace d'une perte totale de souveraineté que le Japon s’est ressaisi et est entré dans une troisième phase de croissance industrielle miraculeuse. Cette dernière propulsera son économie au deuxième rang mondial.

Malgré la stagnation à long terme, le Japon conserve toujours le troisième PIB le plus élevé au monde, permettant à sa population de mener une vie confortable et paisible. Cette prospérité, le pays la doit à sa modernisation à la fin du XIXe siècle. Mais où et quand tout cela a-t-il commencé ? L’une des réponses pourrait bien se trouver dans la mission Iwakura, un voyage diplomatique à travers le monde, effectué au début de l'ère Meiji (1868-1912).

Pour une poignée de dirigeants avides de découverte, cap sur l’étranger

En juillet 1871, le nouveau gouvernement Meiji fait table rase du système traditionnel des fiefs au Japon pour mettre en place des préfectures sous autorité centralisée. Cette révolution sans effusion de sang, retirant le pouvoir des mains des dirigeants de chaque domaine, fut rendue possible grâce au prestige de l'empereur Meiji, le chef suprême de la religion shintô. Après 260 ans de shogunat Tokugawa, ce démantèlement du système féodal constitue une énorme transformation. Pourtant, à peine quatre mois plus tard, les artisans de ce changement, à savoir Iwakura Tomomi, Kido Takayoshi et Ôkubo Toshimichi, décidèrent d’embarquer pour un voyage de 18 mois à destination des États-Unis et de l’Europe pour y observer la situation et rechercher des idées pour la construction d’un futur État moderne. Soutenu par Kido et Ôkubo, Iwakura a dirigé la mission, qui porte son nom.

Iwakura taishi Ôbei haken (La mission Iwakura en Amérique et en Europe) de Yamaguchi Hôshun. Le SS America à l'arrière-plan est le paquebot qui a transporté le groupe. (Avec l'aimable autorisation de la Meiji Memorial Picture Gallery)
« La mission Iwakura en Amérique et en Europe » (Iwakura taishi Ôbei haken) de Yamaguchi Hôshun. Le SS America à l'arrière-plan est le paquebot qui a transporté le groupe. (Avec l'aimable autorisation de la Meiji Memorial Picture Gallery)

La mission comptait une centaine de personnes : une moitié composée de l’élite nippone, dont Itô Hirobumi, membre des « cinq génies de Chôshû » et futur Premier ministre, et une autre moitié avec des étudiants. L’objectif de ce voyage était de rassembler tous les enseignements apportés lors d’autres missions par des penseurs tels que Fukuzawa Yukichi ou Shibusawa Eiichi à la fin du shogunat. Peut-être que si les dirigeants du nouvel État n'avaient pas eu la force de mettre immédiatement leurs plans à exécution, ce voyage n’aurait pas eu lieu.

Le trajet de la mission Iwakura

En plus de la branche principale du gouvernement, la mission comptait des représentants de différents départements de la bureaucratie, formant une équipe d'enquête organisée avec des zones d'étude définies à l'avance. La délégation se rendit dans 120 villes et villages répartis dans 12 pays, où elle s’efforça en les observant d’en savoir plus sur tous les aspects de la civilisation occidentale, de la politique à l'administration en passant par l'armée, la diplomatie, l'économie, l'industrie, l'éducation, la religion, les transports, la communication, la culture et les loisirs. La mission rencontrera également des monarques, des Premiers ministres, des dirigeants d'entreprise et des universitaires de haut rang.

La mission a quitté le port de Yokohama le 23 décembre 1871, pour rentrer au Japon le 13 septembre 1873.
La mission a quitté le port de Yokohama le 23 décembre 1871, pour rentrer au Japon le 13 septembre 1873.

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