Le Japon terre d’accueil des cultures du monde

Le tombeau du Christ au nord du Japon et la conception japonaise de la religion

Culture Région

Okamoto Ryôsuke [Profil]

En 1935, la tombe de Jésus-Christ a été prétendument découverte dans la préfecture d’Aomori, au nord du Japon. La population locale ne croit pas à la présence de la dépouille du Messie sur son territoire, mais cela ne l’empêche pas d’organiser chaque année un Festival du Christ.

Une découverte stupéfiante

C’est par hasard que j’ai appris l’existence d’un tombeau du Christ dans le village de Shingô, dans la préfecture d’Aomori. Je roulais en direction de l’ouest sur la route 454 entre Hachinohe et le lac Towada quand un panneau de signalisation portant l’inscription « Tombe du Christ » attira mon regard alors que je traversais le village. Les pèlerinages faisant partie de mon domaine de recherches, je me devais de visiter le site.

Je quittai l’étroite voie et pris le chemin du Parc du Village du Christ, où se trouve la tombe, au sommet d’une petite colline au bord de la route. Il y avait là deux tumulus surmontés de croix. Avoir tombe de Jésus dans la campagne japonaise était déjà suffisamment insolite, mais deux tombes...?

Sur une pancarte située à proximité, on pouvait lire que Jésus-Christ est venu au Japon à l’âge de 21 ans en quête de la connaissance divine. À 33 ans, il est retourné en Judée, où il s’est efforcé de diffuser son enseignement. Sa tentative se solda par un échec et il fut condamné à la crucifixion. C’est alors, dit la pancarte, que son jeune frère Isukiri lui sauva la vie en prenant sa place sur la croix, et quant à Jésus, il retourna au Japon… via la Sibérie ! Ce comte improbable se termine par l’installation de Jésus dans le village de Herai (aujourd’hui Shingô), où il vécut jusqu’à l’âge avancé de 106 ans. L’une des tombes abriterait le Christ et l’autre une mèche de cheveux d’Isukiri.

À proximité du site funéraire, un petit musée expose des photographies de « descendants » locaux du Christ à côté d’une panoplie d’instruments agricoles et de vêtements traditionnels. On y voit aussi divers objets suggérant une connexion entre le village et la Judée, ainsi qu’un document présenté comme le testament du Christ. Écrit en Japonais, celui-ci révèle que, après avoir échappé à la crucifixion, Jésus a changé son nom pour celui de Torai Tarô Daitenkû et épousé une femme du village qui lui a donné trois filles.

Le Musée du Village du Christ dans le Parc du Village du Christ. (Avec l’aimable autorisation de l’Association touristique de la préfecture d’Aomori)
Le Musée du Village du Christ dans le Parc du Village du Christ (Avec l’aimable autorisation de l’Association touristique de la préfecture d’Aomori)

Il va sans dire que la sépulture n’est pas la tombe du Christ. On pense que cette dernière se trouve dans l’Église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, bien qu’il n‘existe aucune preuve archéologique, même à l’intérieur d’Israël, quant à sa localisation exacte. La théorie la plus convaincante, tant d’un point de vue universitaire que religieux, veut qu’il n’existe aucune tombe de ce genre, d’autant qu’il est écrit explicitement dans la Bible que Jésus est monté aux cieux trois jours après sa mort sur la croix.

Suite > Une « histoire secrète »

Tags

tourisme tradition religion christianisme

Okamoto RyôsukeArticles de l'auteur

Professeur associé à l’Université de Hokkaidô. Né à Tokyo en 1979. Titulaire d’un doctorat de littérature de l’Université de Tsukuba. Spécialisé dans la théologie et la sociologie du tourisme. Au nombre de ses ouvrages figurent « Promenade dans les sites sacrés d’Edo-Tokyo » et « Pèlerinages à l’ère profane : d’El Camino à l’animation ».

Autres articles de ce dossier