
Quand gourmandise rime avec plaisir
Le castella, un gâteau japonais venu d’Europe
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L’introduction du sucre au Japon
Lorsque le castella fit pour la première fois son apparition dans l’Archipel, le sucre était alors un produit de luxe, principalement importé de Chine. Cependant, à partir du début de l’époque d’Edo (1603-1868), la Compagnie néerlandaise des Indes orientales expédia de plus importantes quantités de sucre. Elle répondait à une augmentation de la demande et le négociait contre du cuivre et de l’argent japonais. Initialement peu nombreuses, les cargaisons de sucre ne servaient que de contrepoids à bord des navires de commerce néerlandais, mais elles finirent par représenter pas moins de 30 % des importations du pays vers le Japon. Le sucre s’immisçait petit à petit dans le quotidien des Japonais. Ainsi, en 1759, 1 375 tonnes de sucre, une quantité colossale pour l’époque, d’un montant équivalant à 2,4 milliards de yens aujourd’hui, transitèrent par le poste de commerce situé sur l’île de Dejima, dans la baie de Nagasaki. Le shogunat d’Edo augmentera plus tard lui aussi la production nationale et imposera des droits de douane élevés pour compenser sa dépendance vis-à-vis du sucre importé. Malgré tout, le sucre restait tout de même un marché lucratif pour les commerçants néerlandais.
Une grande partie du sucre importé du Japon provenait de Batavia, la capitale des Indes orientales néerlandaises, actuellement Jakarta (Indonésie). Elle était acheminée à Nagasaki via Tainan à Taïwan, une colonie hollandaise. De Nagasaki, il fut expédié jusqu'aux marchés d’Osaka. C’est dans la région du Kansai et dans la capitale, Edo, que la consommation de sucre était la plus élevée. Une quantité importante était toujours consommée à Nagasaki, notamment pour la préparation du fameux castella. Le sucre était également utilisé comme monnaie de paiement par les marchands japonais et étrangers pour payer les courtisanes des bordels du district de Maruyama, qui échangeraient la précieuse denrée contre des métaux comme de l’argent.
Le sucre a alors inspiré de nouvelles recettes de gâteaux et est devenu un ingrédient de base de la cuisine japonaise.
Des visiteurs de l'ancien poste de commerce néerlandais de Dejima assistent à une exposition sur l'histoire du sucre au Japon.
La recette traditionnelle en priorité
Pour les premiers boulangers japonais, la préparation du castella était un processus laborieux et exigeant en main-d'œuvre. Les premiers ingrédients devaient être dosés, mélangés à la main dans une pâte mousseuse et soigneusement versés dans des moules spécialement conçus pour la préparation du gâteau. Sa cuisson se faisait dans des fours improvisés, de petites structures semblables à des fours à céramique alimentés au charbon de bois en haut et en bas, tout en piquant à maintes reprises le mélange avec un pic en bambou pour empêcher la formation de poches d'air et obtenir une cuisson uniforme.
Influencés par les goûts locaux, les chefs introduisirent plus tard du sirop de glucose pour ajouter un effet collant humide et du sucre granulé pour un léger croquant permettant de donner du relief à la texture moelleuse du gâteau. Ces arrangements ont transformé tour à tour le castella, spécialité initialement venue d’Europe, en un élément à part entière de la gastronomie japonaise.
Des enseignes comme Fukusaya, pâtisserie de Nagasaki fondée en 1624, continuent à proposer du castella préparé selon une recette traditionnelle. Chaque lot est préparé par un seul boulanger qui supervise avec soin chaque étape du processus, du mélange des ingrédients à la cuisson.
Les touristes japonais affluent souvent vers les boutiques réputées proposant le fameux castella, tels que celles situées dans les grands magasins. Mais si vous venez à Nagasaki, préférez les sachets de parts individuelles. Bon marché, vous les trouverez notamment dans les épiceries et les marchés de la ville. Parfaits pour de petits en-cas, ils sont aussi savoureux que la version en boîte élégante dont ils proviennent.
Le castella peut être un cadeau coûteux, mais il est également disponible pour de simples petits en-cas. Une barquette de trois parts à 500 yens remplira agréablement les estomacs vides.
(D’après un texte original en japonais. Toutes les photos sont de l'auteur.)