Jeux paralympiques de Paris 2024 : entretien avec Taguchi Aki, chef de la délégation japonaise

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Matsumoto Sôichi [Profil]

Les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont commencé le 28 août 2024. Taguchi Aki, qui a participé à la compétition de tir para-sport à Athènes en 2004, à Pékin en 2008 et à Londres en 2012, est la chef de mission (responsable de la délégation) de l’équipe japonaise. Alors qu’elle s’apprêtait à partir à Paris, elle a déclaré qu’elle espérait que le charisme des athlètes pourrait générer des transformations sociales via la démonstration qu’ils apportent de leur potentiel illimité.

Taguchi Aki TAGUCHI Aki

Membre du Comité paralympique du Japon, membre du Conseil du Comité olympique japonais et de l’Association japonaise de tir à la carabine, et directrice du Département de soutien de l’organisation athlétique du Centre de soutien aux para-sports de la Nippon Foundation. Née à Osaka en 1971. À l’issue de ses études secondaires, elle est devenue commissaire de bord sur un navire de croisière de Yusen Cruises. À l’âge de 25 ans, elle a contracté une maladie vasculaire de la moelle épinière et s’est trouvée confinée à son fauteuil roulant. À l’invitation d’un ami, elle a commencé par le tir au « beamrifle » (carabine laser), avant de se convertir au vrai fusil. Elle a participé à trois Jeux paralympiques successifs, en commençant par ceux d’Athènes en 2004.

Les Jeux paralympiques changent le Japon

— Quel héritage les Jeux paralympiques de Tokyo ont-ils laissé ?

Le fait que nous soyons parvenus à organiser les Jeux de Tokyo pendant la pandémie de Covid-19 est une réussite en soi. Peut-être cela a-t-il été possible parce qu’il s’agissait du Japon. J’étais impliquée dans l’adjudication, en tant qu’ambassadeur du relais de la flamme et chef adjoint du village des athlètes. Les athlètes et les responsables de tous les pays ont exprimé leur gratitude pour les efforts consentis par le Japon.

J’ai le sentiment que les Jeux ont aussi contribué à faire changer les attitudes de la société japonaises envers les personnes affectées d’un handicap. Jadis, quand les gens voyaient un invalide dans la rue, ils semblaient porter sur lui un regard lointain. Aujourd’hui, pour un usager du fauteuil roulant comme moi, ce sentiment de malaise n’est plus perceptible, et les gens tont plus enclins à m’adresser la parole. Les toilettes et les plans inclinés accessibles sont devenus plus courants, et les personnes handicapées sortent davantage. Il en résulte que les gens s’habituent à nous voir. L’usage de l’expression « société inclusive » s’est en outre répandu.

Quand j’ai commencé à utiliser un fauteuil roulant, il y a plus de 25 ans, on avait rarement l’occasion de voir des personnes handicapées, et il n’était pas facile pour nous de se déplacer. Quand je sortais avec mes amis valides, je suis sûre que je leur compliquais les choses, par exemple pour trouver des toilettes. Mais il existe désormais tout un éventail d’options pour surmonter les obstacles, ce qui facilite les sorties ensemble.

Le flambeau allumé le 24 août 2021 au Stade national de Tokyo lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques de Tokyo. (Jiji)
Le flambeau allumé le 24 août 2021 au Stade national de Tokyo lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Tokyo. (Jiji)

De petits changements peuvent déplacer des montagnes

— Compte tenu des années que vous avez passées à vous impliquer dans les Jeux, quels changements prévoyez-vous à moyen et long terme ? Et y a-t-il des leçons des Jeux de Tokyo que vous souhaitez partager avec Paris ?

La transformation se produit graduellement. Lors de mes premiers Jeux paralympiques, à Athènes, les journaux présentaient les Jeux comme une affaire de société, en insistant beaucoup sur les avantages sociaux. De nos jours, un grand nombre de résultats paralympiques figurent dans les pages sportives, qui mettent l’accent sur l’aspect compétitif.

Les médailles constituent un autre exemple. Aux Jeux paralympiques de Rio 2016, les médailles contenaient de petites billes d’acier, conçues pour produire des sons différents selon les couleurs, de façon à aider les athlètes aveugles. Mais à Tokyo, les médailles étaient dotées de nombres différents de dentelures sur leur bord. Les médailles paralympiques de Paris ont des lignes gravées sur le bord : une pour l’or, deux pour l’argent et trois pour le bronze.

Aux Jeux olympiques de Rio, la vue à partir de la zone réservée aux fauteuils roulants était bloquée par une grille. Le comité d’organisation de Tokyo a reçu des demandes de modification de la hauteur de la barrière. Les responsables et les para-athlètes de Paris ont sans doute suggéré d’autres améliorations après avoir vu les Jeux de Tokyo. J’espère que ces innovations pourront être appliquées partout au Japon de façon à améliorer progressivement la société. C’est ce que j’aimerais que Tokyo partage avec Paris, et je suis impatiente de voir les résultats de leurs tâtonnements sur le terrain.

Regardez-nous resplendir !

— Qu’espérez-vous accomplir à Paris en tant que chef de délégation ?

Lors d’une cérémonie qui s’est déroulée le 16 juillet pour célébrer la formation de l’équipe japonaise, les para-athlètes ont été encouragés à montrer les résultats de leur entraînement, leur potentiel illimité, et à incarner les valeurs des Jeux paralympiques.

Les athlètes ressentent indubitablement une forte pression et beaucoup de tension. La dernière fois que j’ai pris part à une compétition, à Londres, j’étais obsédée par l’idée d’obtenir une médaille, et j’étais sous pression. Il y a des gens qui savent tourner le stress à leur avantage et d’autres qui n’en sont pas capables. Il y a aussi des gens qui préfèrent être accompagnés lorsqu’ils sont sous pression et d’autres qui se concentrent mieux dans la solitude. Je veux soulager, ne serait-ce qu’un peu, le stress ressenti par les athlètes, communiquer clairement avec tous les athlètes et membres du personnel, et créer une atmosphère dans laquelle tout le monde se sente libre de venir à moi.

À la cérémonie de création de la délégation paralympique de Paris, le 16 juillet 2024 à Tokyo. (© Nippon.com)
À la cérémonie de création de la délégation paralympique de Paris, le 16 juillet 2024 à Tokyo. (Photo : Nippon.com)

— Les fans de sport sont tous avides d’inciter les para-athlètes à accomplir des exploits à Paris.

Le moral des athlètes est aussi renforcé par le soutien qu’ils reçoivent des fans japonais. Après avoir regardé les Jeux de Rio, un ami m’a dit : « Cela m’a appris qu’il existait dans le monde toute une gamme de handicaps et de personnes handicapées. J’ai vu comment ces personnes transforment le handicap en quelque chose de positif et en font usage en compétition. » Je souhaite que davantage de gens regardent les Jeux paralympiques et fassent le même constat. Nous sommes en mesure, espérons-le, de bâtir une société où les personnes handicapées puissent faire ce qu’elles veulent, où que ce soit, et entrer en interaction avec une plus grande diversité de gens.

(Photos d’interview : © Kawamoto Seiya)

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Matsumoto SôichiArticles de l'auteur

Rédacteur en chef de Nippon.com. Né à Kawagoe, dans la préfecture de Saitama. Après son diplôme de lettres à l’université Keiô, il travaille pendant plus de vingt ans à la rédaction du Hokkaidô Shimbun, où il est amené à traiter un large éventail de sujets allant de la situation dans la péninsule coréenne, aux Jeux olympiques d’hiver, en passant par la gouvernance régionale, la question des Territoires du Nord et les transformations générées par la dépopulation.

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