Kawaishi Mikinosuke, l’homme qui a fait souffler l’esprit du judo sur la France

Sport

Le « père du judo français » est un Japonais, il est arrivé en France juste avant la Seconde Guerre mondiale. Dans l’Hexagone, la pratique du judo s’est enracinée grâce à Kawaishi Mikinosuke (1899-1969) qui est notamment l’inventeur de la nomenclature en ceintures de couleur. Il a introduit la pratique du judo en France avec sa désormais célèbre « méthode Kawaishi ». Avec les Jeux olympiques de Paris 2024 qui vont bientôt commencer, revenons sur le parcours de cet homme qui a su rapprocher le Japon et la France.

En lien avec l’esprit des Jeux olympiques de Coubertin

Les idéaux de Pierre de Coubertin (1863-1937), issu de la vieille aristocratie française et fondateur des Jeux olympiques modernes, n’étaient pas sans rapport avec l’esprit du judo.

Coubertin pensait certes que le sport était un loisir, mais il était convaincu de sa valeur éducative. Après la défaite contre la Prusse en 1870-71, alors que la France est dévastée et abattue, Coubertin se rend en Angleterre où le sport est intensivement pratiqué dans les public schools (établissements d’élites du Royaume-Uni). Impressionné, il en vient à penser que l’éducation par le sport est nécessaire à l’élan de la jeunesse française.

Au Royaume-Uni, ces écoles d’élite ont chacune leur règlement intérieur, la discipline y est stricte et le fair-play (le respect de l’adversaire) est de rigueur en sport. Le sport avait donc sa place à l’école, cette prise de conscience fut décisive pour Coubertin. La formation de la jeunesse décide des leaders de demain et permet de construire un monde de paix dans le respect de la diversité des nations. C’est ce qu’il nommera l’« olympisme » (l’esprit des Jeux olympiques).

Ainsi, la Charte olympique stipule que « Alliant le sport à la culture et à l’éducation, l’Olympisme se veut créateur d’un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et le respect des droits humains reconnus au plan international et des principes éthiques fondamentaux universels dans le cadre des attributions du Mouvement olympique ». Son but est de « mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ».

En 1909, grâce à l’intermédiaire de l’ambassadeur de France au Japon, Coubertin demande à Kanô Jigorô de participer au CIO. Kanô accepte cette mission qui fait de lui le premier asiatique à entrer au CIO. Dans le « Livret pour les athlètes des Jeux Olympiques Internationaux », Kanô déclare que sa nomination est motivée par la volonté de « réconcilier les peuples du monde et de promouvoir la paix ainsi que la civilisation, à l’instar des Jeux Olympiques de l’Antiquité qui ont forgé et déterminé l’esprit grec ».

Kanô, qui a également dirigé l’École normale supérieure de Tokyo, pensait que le sport en général et le judo en particulier avaient une valeur éducative. Dans la Grèce antique, il y avait cette coutume de la trêve olympique, durant les Jeux les guerres étaient mises entre parenthèses. Coubertin souhaitait réhabiliter cette pratique et replacer la paix au centre des attentions. Sur ce point, Coubertin et Kanô étaient du même avis.

Les Français tiennent beaucoup au judo

La Fédération française de judo et disciplines associées (FFJDA) compte aujourd’hui plus de 500 000 membres, ce qui est beaucoup plus que le Japon. Sur son site, elle détaille les huit valeurs de son « Code moral ». Il s’agit de l’amitié, du courage, de la sincérité, de l’honneur, de la modestie, du respect, du contrôle de soi et de la politesse.

Il convient de respecter ses adversaires et autrui, de ne jamais être prétentieux, de maîtriser ses émotions et d’agir avec dignité et droiture. Toutes ces valeurs pourraient être résumées dans le seul terme de fair-play. Ce code moral, venu du Japon, fait que le judo est bien plus qu’un sport ou qu’un loisir et les Français y tiennent beaucoup.

Aux derniers Jeux olympiques à Tokyo, la France a remporté la médaille d’or du judo en équipe mixte, en battant le Japon en finale. (Jiji)
Aux derniers Jeux olympiques à Tokyo, la France a remporté la médaille d’or du judo en équipe mixte, en battant le Japon en finale. (Jiji)

En 2024, alors que la guerre continue de faire rage en Ukraine et dans la Bande de Gaza, les Jeux olympiques ont lieu à Paris, la ville natale de Coubertin. Plus que jamais le monde aspire à la paix, puisse l’esprit du judo et de l’olympisme régner de nouveau dans les cœurs.

Malade, Kawaishi s’est éteint à Paris le 30 janvier 1969, il avait 69 ans. Hospitalisé à plusieurs reprises à l’automne de sa vie, il était paralysé de la main et de la jambe droites. Six ans après son décès, la Fédération française de judo lui a rendu hommage en lui décernant à titre posthume le plus haut grade, le dixième dan.

Bibliographie indicative

  • « Ceintures de couleur Biographie de Kawaishi Mikinosuke, le père du judo français » (Sekai ni kaketa nanairo no obi Furansu jûdô no chichi Kawaishi Mininosuke-den), de Yoshida Ikuko , Surugadai shuppansha
  • « Qu’est-ce que le judo français ? Formation, écoles, sport » (Furansu jûdô to ha nanika kyôiku, gakkô, sports), écrit par Hoshino Utsuru et NakajimaTetsuya, édité par Iso Naoki, Seikyûsha.
  • « Kanô Jigorô : L’homme grâce à qui les JO se sont invités au Japon » (Kanô Jigorô orinpikkuwo nihon-ni yonda kokusaijin) de Sanada Hisashi (Ushio Bunko).
  • « Du jûdô japonais au judo français » (Nihon no jûdô Furansu no JUDO) de Mizoguchi Noriko (Kobunken).

(Photo de titre : sous les yeux de Kawaishi Mikinosuke, au centre, Jean de Herdt reçoit son trophée au championnat d’Europe de judo de 1951. Wikimedia Commons)

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