Yoasobi et Gacha Pop : quand le streaming redonne un souffle nouveau à la J-Pop

Musique

Plus besoin de le présenter, Yoasobi est l’un des plus grands groupes de musique du moment au Japon. Ce duo s’impose à l’avant-garde de la nouvelle génération d’artistes sur la scène musicale japonaise et étrangère, notamment grâce aux plateformes en ligne. Retour sur la transformation de l’industrie de la J-Pop.

L’écosystème musical unique du Japon

D’autres facteurs expliquent la particularité unique de l’industrie musicale au Japon. Les ventes du streaming et du téléchargement ont dépassé celles des supports physiques tels que les CD dès 2011 aux États-Unis. Et la même chose s’est produite en 2015 dans le reste du monde. En Corée du Sud, les ventes de CD se sont effondrées bien avant, en 2003 ! La cas du Japon est différent ; même si le streaming représente maintenant plus de 80 % du marché international de la musique, au Japon, les ventes de CD restent plus importantes que celles des supports numériques.

La situation trouve son explication dans les réglementations mises en place par le gouvernement pour la stabilité des prix ainsi que des accords spéciaux qui permettent de maintenir des prix de CD élevés. De plus, les agences artistiques ont entretenu une stratégie de marché visant les personnes d’âge moyen, voire plus âgées, reposant sur des subventions spéciales afin d’inciter les fans les plus inconditionnels à acheter plusieurs exemplaires d’un CD de leur artiste préféré. D’autres facteurs encore combinés entre eux ont formé cet écosystème musical unique, à contre-courant des tendances internationales, dans un autre exemple tragicomique de ce qui s’appelle au Japon le « syndrome des Galapagos », un terme qui décrit un produit qui se développe d’une manière qui l’isole des tendances du marché du reste du monde. L’environnement est tel que les artistes ne sont guère incités à viser les marchés autres que le marché domestique.

L’apparition de Gacha Pop sur Spotify a été l’un des premiers signes que la situation était en train de changer. En attirant particulièrement l’attention sur les artistes japonais, Gacha Pop a continué de gagner de nouveaux abonnés, une évolution qui a été encouragée par le succès actuel de la distribution d’animes en ligne.

Interpréter le monde des animes

Les deux chansons « Idol » de Yoasobi et « Bling-Bang-Bang-Born » de Creepy Nuts sont deux exemples frappants du lien qui existe entre la musique et les animes. La première a été utilisée en tant que générique d’ouverture de la série Oshi no Ko et la deuxième pour la saison 2 de Mashle : Magic and Muscles. Ces deux titres ont apporté de nouvelles interprétations, élargissant l’univers de chaque anime. Par ailleurs, le fait que ces chansons aient remporté autant de succès témoigne de l’acceptation des animes entrant que forme de divertissement majeures.

Image de couverture pour la chanson « Idol » de Yoasobi (avec l’aimable autorisation de RecoChoku Co. Ltd.)
Image de couverture pour la chanson « Idol » de Yoasobi (avec l’aimable autorisation de RecoChoku Co. Ltd.)

Les paroles de la chanson « Idol » annoncent l’histoire de Oshi no Ko, anime inspiré du manga sur lequel il se base. Une distinction claire est faite entre la musique et l’histoire principale, mais le morceau apporte en même temps un contexte à l’œuvre en général.

Mais la chanson est bien plus qu’une collaboration marketing. Cette collaboration n’est pas la première entre des artistes et un anime mais aucune n’a jamais remporté un tel succès. La popularité d’un anime ne rime pas nécessairement avec celle d’une musique, et inversement. Mais une synergie, et c’est le cas ici, entre les perspectives liées, certes différentes, de l’anime et de la musique, peut susciter un sentiment d’admiration chez les fans.

Un succès continental

Bien sûr, toutes les chansons présentes sur Gacha Pop ne sont pas extraites d’animes. Fujii Kaze et Imase sont par exemple complètement étrangers à cet univers. En fait, leur ascension fulgurante a commencé avec le sampling de leurs chansons par des artistes de K-Pop qui aimaient le côté novateur de leur musique.

Le groupe japonais de hip-hop XG, exclusivement composée de filles, qui est basé en Corée du Sud a connu une situation similaire après que des influenceurs fans de J-Pop en Asie ont repris leur musique, faisant parler du groupe jusqu’en Thaïlande et en Indonésie. On comprend donc qu’il n’est pas rare que des tendances résonnent jusqu’en Europe et en Amérique du Sud, et enfin en Amérique du Nord.

Je pense que l’intérêt pour la musique japonaise, et l’effet bénéfique sur les ventes qui en découle, peut s’expliquer par l’intérêt grandissant pour la culture asiatique, suscité par le succès de la K-Pop, pendant les trois années de la crise sanitaire.

Le succès à l’étranger de la musique japonaise sur des plateformes de streaming depuis 2023 s’inscrit dans un contexte de distribution en ligne d’animes ces dernières années, au même titre que le streaming de K-Pop, genre qui a rencontré un succès retentissant à la fin des années 2010. Pour que la musique nippone se fasse une place sur la scène musicale mondiale, et surtout son marché, une production régulière et stratégique d’un large volume de contenus est nécessaire. Le moment est désormais venu pour les fans les plus inconditionnels d’apporter tout leur soutien à leurs artistes préférés pour qu’ils puissent gagner le cœur d’autres fans au-delà de l’Archipel.

(Photo de titre : icône de Gacha Pop. © Spotify. Ikuta Lilas de Yoasobi, au centre, et des membres du groupe Atarashii Gakko se produisent au 2024 au célèbre festival de musique Coachella en Californie. AFP/Jiji)

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