Exploration de l’histoire japonaise

Le Mandchoukouo, état fantoche du Japon impérial : « l’harmonie ethnique » comme étendard

Histoire International

Le Mandchoukouo, état fantoche japonais, n’aura duré que 13 ans. Puyi, le dernier empereur de la dynastie Qing y a régné de 1932 à 1945. Un historien retrace pour nous les offensives ayant présidé à la création du Mandchoukouo et met en perspective « l’harmonie ethnique » dont il se réclamait.

Développement du Mandchoukouo

Les Japonais contrôlent le Mandchoukouo par le biais d’une « gouvernance interne » (naimen shidô). De hauts-fonctionnaires sont missionnés du Japon pour diriger les affaires d’État. Des bureaucrates et des ouvriers spécialisés de la Société des chemins de fer ayant contribué à transformer la ville de Dalian en un port de commerce international, œuvrent pour que le Mandchoukouo et le système administratif du Guandong s’intègrent bien. La Société des chemins de fer, originellement propriété de l’État japonais, est transformée en une grande entreprise active dans de nombreux secteurs allant de relevés topographiques en Mandchourie ou en Mongolie intérieure, à des activités culturelles, comme la construction et la mise en service d’écoles ou de bibliothèques.

Xinjing, la capitale du Mandchoukouo (nom donné à Changchun sur cette période), est une ville moderne tout à fait conforme aux normes internationales. Les dernières technologies occidentales y sont mises à profit. Les urbanistes qui redessinent la ville, la dotent d’égouts et d’un vaste réseau de canalisations. Les habitants disposent du chauffage central et du gaz dans leur habitation. Dans ces régions septentrionales où l’hiver est si rude, il faut parer aux les problèmes dûs au froid ou au gel, les routes sont boueuses au printemps et gèlent en hiver mais le réseau routier bénéficie de l’apport des derniers progrès techniques. On amorce aussi la construction d’un des plus grands barrages d’Extrême-Orient. Même le Japon est devancé tant l’armée du Guandong parvient à centraliser les communications et à organiser l’information.

Le plan quinquennal de développement industriel qui est instauré en avril 1937 est calqué sur le celui de l’Union soviétique. Kishi Nobusuke (1896-1987) est la figure de proue de ce plan qu’il conduit à la baguette (sur le même modèle il administrera les îles intérieures à retour sur l’Archipel). C’est encore lui qui réorganise la Société des chemins de Fers de Mandchourie pour en faire une entreprise d’état diversifiée. Mais la guerre entre le Japon et la Chine qui commence en 1937 bouleverse les prévisions, l’offre ainsi que la demande, bientôt le plan doit subir des changements radicaux, il devient impossible de suivre la ligne budgétaire et de trouver des ouvriers qualifiés.

Un mélange problématique

En juillet 1941, le Premier ministre Konoe Fumimaro proclame la création de la Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. C’est vers cette époque que paraît le livre de Nicolas Baïkov — né en Ukraine, dans l’Empire russe et ayant vécu de nombreuses années en Mandchourie. Cet ouvrage parlant notamment des tigres de Mandchourie est un best-seller dans sa traduction japonaise. De nombreux autres livres d’écrivains mandchous font l’objet de traduction. Il tenait à cœur à de nombreuses personnes de promouvoir l’ « harmonie ethnique ». Le chef du service d’informations et de relations publiques de l’armée du Guandong de déclarer par exemple au début des hostilités avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, que le Mandchoukouo était un modèle pour la Sphère de coprospérité. Mais, au même moment, des politiques impérialistes sont mises en œuvre en Corée et à Taïwan : la Sphère de coprospérité montre son vrai visage .

D’un côté on bafoue les Droits de l’homme, de l’autre on promeut un creuset multiculturel, l’histoire du Mandchoukouo nous montre combien le mélange des genres a pu être problématique. Ce type de système semi-coercitif n’a malheureusement pas disparu, il subsiste de nos jours encore et l’invasion russe de l’Ukraine qui a débuté en février 2022 en est peut-être l’exemple le plus frappant. Sans oublier de dire que de telles invasions ne devraient plus jamais avoir lieu, suivons ces chercheurs originaires de pays ayant eux-mêmes souffert quand ils appellent à réévaluer l’histoire culturelle du Mandchoukouo.

(Photo de titre : la rue principale de Xinjing, capitale du Mandchoukouo en 1941. Photo de la Kingendai Photo Library/Aflo)

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