Exploration de l’histoire japonaise

Le Mandchoukouo, état fantoche du Japon impérial : « l’harmonie ethnique » comme étendard

Histoire International

Le Mandchoukouo, état fantoche japonais, n’aura duré que 13 ans. Puyi, le dernier empereur de la dynastie Qing y a régné de 1932 à 1945. Un historien retrace pour nous les offensives ayant présidé à la création du Mandchoukouo et met en perspective « l’harmonie ethnique » dont il se réclamait.

Pouvoir en expansion

L’armée du Guandong commémore la fondation du Mandchoukouo et l’intronisation de Puyi en différé car l’exercice est délicat. En effet, il faut que l’État du Mandchoukouo puisse émerger avant que n’arrive la Commission d’enquête Lytton dépêchée par la SDN. Avec l’aide du ministère japonais des Affaires étrangères, Puyi est enlevé. Il quitte la concession japonaise de Tianjin où il vivait alors et se contente d’abord du titre de chef de l’exécutif. Mais il obtient d’être nommé empereur. Le Japon et le Mandchoukouo signent en septembre 1932 un protocole par lequel le Japon reconnaît l’État, assume la responsabilité de sa défense et s’arroge le droit de nommer des Japonais au Conseil d’État. Cet accord qui prend la forme d’un traité international fait de facto du Mandchoukouo une colonie japonaise et suscite en cascade l’indignation de nombreux pays. Le Japon se voit contraint en mars 1933 de quitter la SDN. Il s’engage ensuite sur la voie de l’isolement diplomatique. En mars 1934, Puyi est nommé empereur, l’État devient l’Empire du Mandchoukouo.

Après la guerre russo-japonaise de 1904-1905, le Japon prend le contrôle du territoire occupé du Guandong dans la péninsule de Liaodong. Au début, l’armée du Guandong n’est qu’une unité militaire stationnée sur un territoire pour en assurer la protection et y défendre les bâtiments appartenant à la Société japonaise des Chemins de fer de Mandchourie. Mais la création du Mandchoukouo améliore considérablement son statut et lui ouvre la voie à d’autres actions. Vers 1935, les escarmouches se succèdent car le Mandchoukouo tente de mettre en place des gouvernements pro-japonais en Mongolie intérieure et dans le nord de la Chine. Les militaires chinois voient dans ces manœuvres des tentatives de repousser les frontières du Mandchoukouo. En juillet 1937, l’incident du pont Marco Polo est l’étincelle qui déclenche des hostilités à grande échelle entre le Japon et la Chine.

Un certain multiculturalisme

Après sa fondation en 1932, le Mandchoukouo continue de mener une politique d’« harmonie ethnique ». À l’origine, la Mandchourie était la patrie des Mandchous, peuple ayant gouverné la Chine sous la dynastie Qing. Les autres ethnies en avaient été écartées, il y avait pourtant sur son sol des nomades mongols dans les plaines occidentales ou des chasseurs Oroqen dans les régions forestières. À la fin du XVIIIe siècle, les colons Han ont commencé à y cultiver de nouvelles terres. Les musulmans Hui, des Coréens ainsi que des Russes fuyant l’Union soviétique sont venus peupler ces contrées à leur tour. Les régions où les Russes s’installent voient se développer la pratique du christianisme orthodoxe russe et des journaux en langue russe sont publiés. Les Russes d’origine polonaise ayant participé à la construction de la ville de Harbin édifient des églises catholiques et des synagogues. Pour les Polonais ayant perdu leur patrie au moment de l’Empire russe, la Mandchourie est comme une terre promise. Le Mandchoukouo accueille pêle-mêle tous ces immigrés, elle fait figure de petit paradis pour les plus riches d’entre eux.

Ce tract faisant la promotion du Mandchoukouo, (imprimé après sa fondation en 1932) glorifie l’harmonie entre cinq peuples (de droite à gauche, japonais, mongol, mandchou, coréen et chinois Han) en les montrant bras-dessus bras-dessous. (Avec l’autorisation du Nagoya City Museum, collection Kurita)
Ce tract faisant la promotion du Mandchoukouo, (imprimé après sa fondation en 1932) glorifie l’harmonie entre cinq peuples (de droite à gauche, japonais, mongol, mandchou, coréen et chinois Han) en les montrant bras-dessus bras-dessous. (Avec l’autorisation du Nagoya City Museum, collection Kurita)

Le confucianisme étant une valeur cardinale pour les Mandchous, soutiens de l’ancienne dynastie Qing, ils restaurent les temples confucianistes et transforment les cérémonies traditionnelles en célébrations annuelles. Leur volonté de mettre en place un système pour récompenser la piété filiale se heurte aux intellectuels chinois Han, plus modernistes, qui s’opposent à ce renouveau confucéen. Dans l’État du Mandchoukouo, les Han alors largement majoritaires dans toute la Chine sont considérés comme des « Mandchous ». La langue chinoise est dite « mandchou ». La plupart des forces de police et des juges sont « mandchous ». Les documents administratifs sont d’abord rédigés en mandchou, puis traduits en japonais. Les élèves japonais du primaire apprennent aux côtés des « Mandchous » et étudient le « mandchou ». Les « Mandchous » apprenant le japonais sont avantagés dans leur recherche d’emploi. La société s’apparente à un creuset multiculturel.

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