Les Japonais désignés « Trésors nationaux vivants »

Captivée par l’éclat du métal : Ôsumi Yukie, Trésor national vivant

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Ôsumi Yukie s’est plongée dans le travail du métal, un monde majoritairement dominé par les hommes, et a réussi à développer un style très particulier qui lui a valu le titre de « Trésor national vivant » en 2015.

Ôsumi Yukie ŌSUMI Yukie

Née en 1945 dans la préfecture de Shizuoka, elle est diplômée de l’Université des arts de Tokyo en 1969. Elle apprend le travail du métal avec Katsura Moriyuki, Kashima Ikkoku et Sekiya Shirô. Elle gagne le prix de l’Association Kôgei du Japon en 1987, ainsi que de nombreux autres prix. Elle reçoit la Médaille d’honneur au ruban pourpre en 2010, ainsi que l’Ordre du soleil levant, rayons d’or avec rosette, en 2017. Elle est désignée Trésor national vivant en 2015, dans la catégorie martelage du métal. Conseillère de l’Association Kôgei du Japon, et professeur émérite à l’Université Kasei de Tokyo.

« Maintenant, je dialogue avec les matériaux »

Si Ôsumi améliore ainsi sa technique, la demande pour les objets décoratifs en métal est loin d’être importante, et ce domaine demeure très masculin. Elle peine à vivre de son art.

Dans un monde où être femme au foyer était normal, elle se met à la recherche d’une autre activité pour gagner sa vie, mais ne trouve que des petits boulots tout en continuant à travailler à son art. Ses études universitaires terminées, elle commence par donner des cours particuliers d’art, puis passe de petit boulot en petit boulot pour finalement retourner à l’Université des arts de Tokyo où elle travaille huit années comme assistante. Ce n’est qu’à l’âge de 41 ans qu’elle est enfin embauchée à plein temps.

« Ma maman avait 90 ans et il fallait que je m’occupe d’elle. J’ai donc travaillé à l’Université Kasei de Tokyo jusqu’à cinq ans avant de prendre ma retraite. J’y ai créé un département d’art et de design, dont je suis devenue la responsable, et j’ai inauguré un cours de travail du métal. Même pendant que j’enseignais, j’ai continué à créer des objets et à exposer.

Ôsumi Yukie poursuit le travail de son art et se retrouve en 2015, à 69 ans, nommée « Trésor national vivant ». C’est par ailleurs la toute première fois qu’une femme reçoit cette distinction pour le travail du métal. Dans un communiqué de presse, le ministère de la Culture avait alors écrit : « La fluidité de ses lignes d’arête et la beauté des couleurs des métaux dans ces récipients fascinent, et ce style très particulier est aussi éminemment contemporain. »

Ôsumi explique qu’elle ne s’y attendait pas.

« C’était une telle surprise ! C’est arrivé comme ça… et je n’ai ressenti aucune pression du fait d’être une femme. Bon, je trouve toujours à redire sur mon travail. Par contre, depuis une dizaine d’années, j’ai l’impression de ressentir le moment où le métal ne veut plus être courbé au-delà d’un certain point, et ceci rend mon travail encore plus ludique. Maintenant, je “dialogue” avec les matériaux pour trouver la forme qui leur convient le mieux. »

Vague de printemps, un vase en argent martelé. Présenté à la 70e exposition annuelle de l’Association Kôgei du Japon (2023). (Avec l’aimable autorisation de l’Association Kôgei du Japon)
Vague de printemps, un vase en argent martelé. Présenté à la 70e exposition annuelle de l’Association Kôgei du Japon (2023). (Avec l’aimable autorisation de l’Association Kôgei du Japon)

Nous sommes tous créateurs

Devant un tel raffinement, on pourrait penser que la capacité de créer n’est pas donnée à tout le monde. Mais Ôsumi n’est pas d’accord.

« Les humains ont une créativité naturelle, tout comme les oiseaux qui bâtissent leurs nids. Je pense que les humains sont particulièrement doués pour créer de belles choses. Mais dans ce monde où on peut tout acheter, je trouve triste que les gens achètent du thé dans des bouteilles en plastique au lieu de le préparer eux-mêmes.

« Le problème, c’est que l’on a oublié que la créativité est une partie intégrale de la nature humaine. J’ai toujours créé parce que j’aime ça, mais ça me fait un immense plaisir de voir que les gens admirent ces œuvres, et les utilisent. Pour moi, c’est là que réside la force de l’artisanat traditionnel. »

(Interview et texte de Sugihara Yuka et Power News. Photo de titre : © Kawakami Teruaki. Photo de l’interview : © Yokozeki Kazuhiro)

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