Réfléchir à la guerre

Les histoires cachées de la première génération d’immigrés coréens au Japon

Histoire

Hamada Nami [Profil]

Au Japon, en évoquant le sujet de la guerre, on ne peut pas négliger l’histoire de ceux dont la vie a été chamboulée par la domination coloniale. Les Coréens (appelés zainichi, littéralement « résidents au Japon »), qui avaient quitté la péninsule coréenne pour se rendre dans diverses régions de l’archipel nippon et qui ont survécu au conflit en sont un exemple typique. Une initiative a été lancée pour graver l’histoire de la vie de cette communauté dans un quartier de la ville de Kawasaki, où nombre d’entre eux se sont regroupés.

L’affaire Hitachi

C’est également une discrimination à l’encontre de Coréens zainichi qui a attiré Miura dans cette région il y a un demi-siècle.

Dans cette affaire, Park Chun-suk, un zainichi de deuxième génération de la préfecture d’Aichi, avait réussi un examen de recrutement pour Hitachi, Ltd (aujourd’hui Hitachi Software) sous son nom d’usage, « Arai Shôji ». Mais son emploi lui a été retiré après qu’il a informé Hitachi qu’il était un zainichi. Park s’est plaint de cette décision et a intenté un procès contre la firme en 1970, qu’il a gagné en 1974.

Miura, qui participait au mouvement étudiant à l’époque, a rejoint les soutiens de Park et s’est concentré sur des activités appelant à l’élimination de la discrimination à l’encontre des Coréens zainichi, activité qu’il poursuit encore aujourd’hui.

« Nous, Japonais qui sommes impliqués dans ces faits historiques, nous voulons aussi parler des zainichi comme appartenant à notre propre expérience de vie. »

Yamada Takao, 75 ans, l’un des initiateurs du voyage d’étude et ancien employé de la ville de Kawasaki, est une autre personne dont la vie a été changée à jamais après avoir été confrontée à l’affaire de discrimination à l’emploi de Hitachi.

Yamada Takao, fonctionnaire retraité de la ville de Kawasaki. Lors d'une manifestation de rue devant la gare de Kawasaki, alors qu'il était étudiant, il a rencontré un jeune zainichi de la deuxième génération qui avait été victime de discrimination en matière d'emploi.
Yamada Takao, fonctionnaire retraité de la ville de Kawasaki. Lors d’une manifestation de rue devant la gare de Kawasaki, alors qu’il était étudiant, il a rencontré un jeune zainichi de la deuxième génération qui avait été victime de discrimination en matière d’emploi.

Pendant le mouvement étudiant, Yamada a rencontré Park, qui était sur le point de retourner dans sa ville natale après avoir perdu son rêve de trouver un emploi, et a rejoint ses soutiens. C’est notamment pour poursuivre son aide qu’il est devenu employé de la ville de Kawasaki après son diplôme universitaire, où il a été affecté par hasard à l’antenne de la partie sud de la ville, compétente pour la zone de Sakuramoto, où il était chargé de la section d’enregistrement des étrangers.

En 1974, un zainichi de la deuxième génération qui participait à une réunion de la communauté pour le « procès Hitachi » s’est levé et a crié :

« Le secteur privé n’est pas le seul à pratiquer la discrimination. Pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir de logements municipaux alors que nous payons les mêmes impôts que les Japonais ? Pourquoi nos enfants n’ont-ils pas droit aux allocations familiales ? »

Encouragés par la victoire judiciaire dans l’affaire Hitachi, les zainichi de la deuxième génération ont commencé à s’exprimer et ont accéléré le mouvement vers l’élimination de la discrimination. L’année suivante, la ville de Kawasaki a aboli la clause de nationalité pour l’accès aux logements sociaux de la ville et a mis en place un système équivalent d’allocations familiales sur le budget municipal.

Ceci a marqué, pour ainsi dire, le début des efforts vers une société multiculturelle au Japon.

« L’être humain est solide »

Arirang Rhapsody nous parle également de l’apprentissage en commun des halmeoni. Ayant appris à écrire et à peindre, les halmeoni, pour la première fois de leur vie, expriment leurs pensées et leurs sentiments par l’écriture et le dessin, avec un sourire d’enfant.

La caméra se concentre ensuite sur une phrase frappante, qui est ensuite été projetée en gros plan sur l’écran.

Phrase écrite par Mme Suh, qui a appris à écrire dans une classe du centre culturel. © Kimoon Film
Phrase écrite par Mme Suh, qui a appris à écrire dans une classe du centre culturel. © Kimoon Film

« J’en ai vu de toutes les couleurs. J’ai survécu. L’être humain est solide. »

« Je n’ai jamais rien eu de bien dans ma vie », dit alors Mme Suh en larme devant son texte, rédigé dans une écriture maladroite, comme celle d’un petit enfant qui commence à peine l’apprentissage de l’écriture, mais avec une grande force comme pour se féliciter elle-même.

Cette année, Mme Suh fête ses 98 ans. Elle vit paisiblement, le sourire aux lèvres, entourée de sympathisants locaux comme Miura.

(Photo de titre : les halmeoni montrent les résultats de leur apprentissage au centre culturel. Mme Suh est à droite. © Kimoon Film)

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Hamada NamiArticles de l'auteur

Rédactrice indépendante depuis 2023, après 30 ans au sein de l’Asahi Shimbun. Elle a écrit des articles sur un large éventail de sujets pour le département des sports d’Osaka, le bureau de Kôchi, le département des affaires sociales d’Osaka, l’édition du week-end be, AERA, le département de la culture de Tokyo, etc.

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