Exploration de l’histoire japonaise

Navires engloutis : à la recherche de la flotte d’invasion perdue de l’Empire mongol

Histoire

Des chercheurs japonais poursuivent leur exploration des fonds marins au large de l’île de Kyûshû, au sud-ouest du pays, afin de retrouver les navires de guerre de l’Empire mongol coulés lors de la tentative d’invasion du Japon au XIIIe siècle.

Des navires de guerre en route vers le Japon

Après un premier échec en 1274, le chef mongol Kubilai Khan, fondateur de la dynastie chinoise Yuan, lance une seconde vague d’invasion en 1281. Les troupes de l’armée Yuan se divisent en deux flottes : l’armée de la route orientale, partie du royaume vassal de Goryeo (actuelle Corée), et l’armée de la route méridionale, embarquée depuis les territoires fraîchement conquis de la dynastie Song du Sud.

Ces deux forces devaient se retrouver sur l’île d’Iki afin de lancer une attaque coordonnée contre Kyûshû, et viser le centre régional de Dazaifu. Mais le plan se heurte à un obstacle majeur : l’armée méridionale quitte le port un mois et demi après la flotte orientale. Si la coordination avait été meilleure, les navires de guerre auraient envahi la baie de Hakata, ce qui aurait constitué une menace majeure pour le Japon. En réalité, il semble que l’armée méridionale n’ait jamais atteint la baie de Hakata et qu’elle ait accosté plus à l’ouest, dans la baie d’Imari, où elle fut dévastée par un typhon.

Conséquences de l’invasion mongole au Japon

Plongée dans les profondeurs

Près de huit siècles plus tard, les navires coulés ont fini par être localisés.

Depuis un certain temps, des pêcheurs autour de l’embouchure de la baie d’Imari, dans une zone appelée Takashima Kôzaki, remontaient des poteries, des armes et d’autres objets semblant dater de l’invasion Yuan. Lors des travaux de reconstruction portuaire menés entre 1994 et 1995, ces trouvailles se sont multipliées, ce qui a conduit à mener des recherches plus systématiques. Une vaste fouille archéologique sous-marine est donc engagée en 2005.

Dans le sens horaire depuis le haut gauche : un sceau portant une inscription en écriture mongole, probablement celui d’un commandant d’unité, des peignes laqués et des pièces de ceinture en bronze utilisées par les soldats de l’Empire mongol pour accrocher leurs armes. (Tous les objets proviennent du Centre archéologique de la ville de Matsuura, dans la préfecture de Nagasaki. © Nippon.com)
Dans le sens horaire depuis le haut gauche : un sceau portant une inscription en écriture mongole, probablement celui d’un commandant d’unité, des peignes laqués et des pièces de ceinture en bronze utilisées par les soldats de l’Empire mongol pour accrocher leurs armes. (Tous les objets proviennent du Centre archéologique de la ville de Matsuura, dans la préfecture de Nagasaki. © Nippon.com)

Retrouver les navires était une tâche ardue. « Nous pensions qu’un grand nombre de navires reposaient au fond de l’eau », explique le professeur Ikeda Yoshifumi de l’université Kokugakuin, membre de l’équipe de recherche. « Mais peu importe où nous cherchions, rien ne ressortait. Les structures en bois, exposées à l’eau de mer, avaient été entièrement rongées par les tarets. »

Le professeur Ikeda Yoshifumi de l’université Kokugakuin. (© Nippon.com)
Le professeur Ikeda Yoshifumi de l’université Kokugakuin. (© Nippon.com)

Tout espoir n’était pas perdu. Si les courants marins avaient enseveli certains navires sous les sédiments, ils étaient peut-être encore conservés. Ikeda (qui travaillait alors à l’université des Ryûkyû) et son équipe ont passé plusieurs années à cartographier les irrégularités du relief sous-marin à l’aide de sonars. Plus de cent anomalies ont ainsi été identifiées.

Ikeda a ensuite mené des plongées pour inspecter chaque site. Avec une barre de fer, il frappait le sol marin : le son permettait de distinguer les coquillages, la céramique ou le bois.

Ikeda inspectant le fond marin lors de l’enquête. (© Conseil de l’éducation de Matsuura)
Ikeda inspectant le fond marin lors de l’enquête. (© Comité éducatif de Matsuura)

Un profond soulagement

En 2010, après cinq ans de recherches, Ikeda et son équipe trouvent enfin du bois appartenant à une épave. Les débris, dispersés sur le fond marin, sont identifiés l’année suivante comme provenant d’un navire d’environ 27 mètres de long. « Pendant six ans, nous avons douté de l’existence réelle de ces navires, confie Ikeda. Trouver cette preuve irréfutable a donc été un immense soulagement. »

Vue aérienne du premier navire coulé découvert. (© Conseil de l’éducation de Matsuura)
Vue aérienne du premier navire coulé découvert. (© Comité éducatif de Matsuura)

En 2015, un second navire est identifié, mesurant environ 20 mètres. En 2023, du bois attribué à un troisième navire a été mis au jour et est encore à l’étude. Les deux premiers navires sont attribués à l’armée méridionale, en raison de leur forme de coque en V ou arrondie et de leurs cloisons intérieures compartimentant les cabines. La différence de taille semble liée à leurs fonctions respectives. De nombreux objets en céramique issus des anciens territoires des Song du Sud ont aussi été retrouvés à proximité.

Image générée par ordinateur représentant des reconstructions hypothétiques des navires de guerre mongols. (© Comité éducatif de Matsuura)
Image générée par ordinateur représentant des reconstructions hypothétiques des navires de guerre mongols. (© Comité éducatif de Matsuura)

Selon Ikeda, les objets archéologiques se dégradent rapidement à l’air libre. « Cependant, ensevelis sous la boue au fond de la mer, ils sont comme scellés dans une capsule temporelle. » Il poursuit ses recherches afin de faire revivre l’histoire de la flotte mongole engloutie.

Suite > Découverte d’ancres mongoles

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