
Les coutumes japonaises au fil du calendrier
Le Japon au fil du calendrier : les traditions du mois d’août (« hazuki »)
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Admirer la lune d’automne à bord d’une barque
De nos jours, la lune de la mi-automne tombe au mois de septembre, mais à l’époque d’Edo on l’admirait le 15e jour du 8e mois lunaire. On parlait alors de la « quinzième nuit » (jûgo-ya). Là, sous la douce clarté de la lune, la ville bourdonnait du chant des insectes.
Dans cette estampe tirée des « Sites célèbres de la capitale de l’Est - Écouter le chant des insectes à Dôkan-yama » (Tôto Meisho Dôkan-yama mushi-kiki no zu), on voit une mère et sa fille s’amuser à attraper des insectes dans la soirée de la 15e nuit. À droite, on distingue un groupe d’hommes en train de prendre une collation et déguster du saké au clair de lune. (Collections de la bibliothèque nationale de la Diète)
Pour expliquer les origines de cette coutume, certains se basent sur le Dit du Genji où est décrit un banquet à la lune. Admirer le clair de lune serait donc une pratique qui avait déjà cours dans l’aristocratie de la période Heian (794-1185) et qui se serait diffusée à toutes les couches de la population pendant Edo, époque où est apparue la coutume de manger des boulettes de riz gluant dites tsukimi-dango. Ces boulettes étaient préparées dans chaque foyer le matin du 15. On pensait que mettre toute la maisonnée à contribution pour les préparer portait bonheur. Ainsi parents et amis venaient mettre la main à la pâte. Il devait y avoir de l’animation dans les cuisines des familles nombreuses.
Les habitants d’Edo allaient souvent admirer le ciel étoilé et le clair de lune en bateau. Le meilleur site était à Mitsumata, une sorte de banc de sable artificiel en aval du fleuve Sumida, près du pont Shin-Ôhashi. C’était un lieu de plaisir très prisé pour ses restaurants et maisons de thé (mais cette zone fut détruite en 1789 car elle risquait de causer des inondations). Les soirs de pleine lune, de nombreuses embarcations naviguaient sur la partie de la Sumida située entre les ponts d’Azuma et d’Asakusa (nommée d’ailleurs fleuve Asakusa).
Admirer le clair de lune en bateau était un loisir en vogue chez le peuple raffiné d’Edo.
À Edo, le hôjô-e se négocie !
Le jour du festival au sanctuaire de Hachiman, on pratiquait le rite bouddhique dit hôjô-e. L’idée était de relâcher des animaux captifs dans l’espoir d’obtenir une rétribution karmique. Il pourrait y avoir eu des exemples antérieurs, mais la première mention de cette pratique se trouve dans les pages des « Chroniques du Japon et de l’empereur Tenmu » (Nihon shoki Tenmu-tennô-ki, 720), on y relate qu’un édit impérial interdisait de tuer les animaux et exigeait de les relâcher vivants.
Ainsi en 720, quand le clan Hayato basé à Kyûshû s’est rebellé contre le royaume Yamato, un oracle aurait suggéré de libérer des animaux captifs afin de s’attirer les bonnes grâces des bouddhas et racheter les mânes de nombreux guerriers de Hayato ayant trouvé la mort au combat. Cette tradition aurait donc été initiée au nord de l’île de Kyûshû dans le sanctuaire Hachiman de Usa (dans l’actuelle préfecture d’Ôita). Le hôjô-e organisé par Minamoto no Yoritomo en 1187 serait à l’origine du rite pratiqué au sanctuaire Hachiman de Tsurugaoka (à Kamakura, dans la préfecture de Kanagawa). Le rite du sanctuaire Hachiman d’Edo a été fondé sur ces précédents historiques, même si quelques arrangements ont été concédés.
En effet, à Edo, des marchands de tortues apparaissent pour l’occasion sur les marchés et les habitants achetaient des animaux afin de pouvoir les relâcher.
(À gauche) Un marchand et son présentoir où sont attachées les tortues proposées à la vente. Illustration tirée de « Coutumes expliquées aux enfants » (Gosekku Osana kô-shaku). Collections de la bibliothèque nationale de la Diète. (À droite) Cette estampe tirée des « Cent vues célèbres d’Edo - Pont Mannen à Fukagawa », (Meisho Edo hyakkei Fukagawa mannen bashi) est signée Hiroshige. Ce gros plan sur une tortue pendue à un fil en attendant d’être vendue est connu dans le monde entier. Source : colbase
La tortue à relâcher, nage en l’air, un jour durant.
Ce bref poème paru dans le recueil de haïku intitulé « Yanagidaru » évoque comment les marchands exposaient aux yeux des badauds les tortues qu’ils avaient à vendre en les suspendant à un fil. Ces scènes étaient si rares et cocasses qu’elles enchantaient les enfants.
On vendait non seulement des tortues, mais aussi des moineaux (suzume), des anguilles (unagi) et des carpes (koi). De nombreux habitants d’Edo prenaient la peine d’acheter ces animaux en vue de les relâcher dans la nature — le processus peut paraître étrange, mais pour beaucoup cet acte était avant tout méritoire… alors que y décelons surtout une pratique commerciale.
Une tortue coûtait quatre mon, sachant qu’un mon équivaudrait à environ 75 de nos yens (soit 300 yens la tortue), cela représentait une somme juste un peu plus élevée qu’une obole habituelle dans un sanctuaire ou dans un temple. Le montant à dépenser étant plus élevé, les croyants devaient penser que le geste était plus fort.
Bibliographie
- « Illustrations légendées. Edo au fil du temps vu par l’ukiyoe » (Zusetsu Ukiyoe ni miru Edo no Saijiki, sous la direction de Satô Yôjin revu par Fujiwara Chieko, paru chez Kawade Shobo Shinsha)
- « Livre illustré des coutumes de la cité d’Edo en japonais moderne» (Gendai-go yaku Edofunai Ehon Fûzoku Ôrai), de Kikuchi Kanichirô (Utagawa Hiroshige IV) dans la traduction de Kobayashi Shôjirô / Kadokawa Sophia Bunko.
(Photo de titre : sur cette estampe tirée des « Sites célèbres de la capitale de l’Est : Yoshiwara le jour de hassaku », on peut voir des courtisanes vêtues de blanc pour le 1er août. Collections de la bibliothèque nationale de la Diète.)