Le manga et l'anime deviennent des marques
Pourquoi le monde entier aime-t-il « Naruto », et qui étaient les vrais ninjas ?
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La vision du monde du « héros national » ninja
Naruto est sorti en série dans le magazine Shônen Jump à partir de 1998, et le manga est immédiatement devenu un succès national. Adapté en anime en 2002, l'œuvre a été très vite largement appréciée au-delà des frontières japonaises, avec un total de 250 millions d’exemplaires en circulation dans le monde.
Quand le site web officiel a organisé un concours de popularité mondial pour les personnages en janvier 2023, l’opération a recueilli pas moins de 4,6 millions de votes de toutes les régions du monde.
Le personnage qui arrive en tête de cette enquête de popularité est Namikaze Minato, le père du personnage principal Uzumaki Naruto (qui n’arrive qu’en 6e position). Au Japon seulement, le numéro 1 est Uchiwa Itachi, le frère aîné de Sasuke, l’autre protagoniste de la série. En Amérique latine, Haruno Sakura s’est classée numéro 1, mais Minato a été largement plébiscité dans le monde entier.
Les ninjas, dont Uzumaki Naruto se revendique, jouent évidemment un grand rôle dans la série. Cependant, n’oublions pas que cette œuvre est un monde fictif original avec sa propre culture et son histoire, créé par l’auteur Kishimoto Masashi.
Dans l’univers de la série, il existe cinq grandes forces — le Feu, l’Eau, la Terre, le Vent et le Tonnerre — qui possèdent chacune leur propre village caché de ninjas et leur propre force armée. Les pays sont dirigés par une classe aristocratique appelée daimyô, à laquelle les ninjas doivent le respect. En retour, le daimyô donne son approbation finale lorsqu’il s’agit de choisir leur chef, le « hokage ». Les relations entre daimyô et ninjas sont toutefois équitables. Même les demandes émanant d’autres pays peuvent être acceptées par les ninjas à leur discrétion. D’ailleurs, la première grande mission de Naruto est de servir de garde du corps pour les ingénieurs d’un autre pays.
Bien que l’image des ninjas soit surtout dominée par une attitude stoïque à toute épreuve, qui vivent tapis dans l’obscurité ou cachés parmi la population ordinaire pour mener des activités secrètes, dans Naruto, les ninjas sont flamboyants et affichent leurs activités. À un moment dans l’histoire cependant, l’un des professeurs de Naruto, Jiraiya, dit ceci à propos des ninjas :
« Un ninja est quelqu’un qui endure avec patience. »
Le stoïcisme des ninjas de l’ancien temps fait aussi partie de l’héritage des personnages de Naruto.
Quelles sont les origines des ninjas ?
Les origines historiques des ninjas ne sont pas claires, car ils ont toujours été des personnes dont l’existence même était cachée. Selon certains, ils remonteraient au VIIe siècle dans l’Antiquité, mais ce n’est qu’au Moyen-Âge qu’ils apparaissent nommément dans l’histoire. Ils trouveraient leur origine dans les « voyous » apparus à la fin du XIIIe siècle (d’après « Qu’est-ce qu’un ninja ? », édité par le Conseil japonais des ninjas).
Les « voyous » étaient, pour ainsi dire, des samouraïs irréguliers. Les samouraïs réguliers, pour leur part, étaient les serviteurs des shoguns, nés de l’union de seigneurs colons frontaliers et d’une aristocratie militaire descendante plus ou moins lointaine d’un empereur. L’épine dorsale de leurs revenus était donc l’agriculture. En revanche, les « voyous » constituaient une nouvelle couche sociale apparue avec le développement de l’économie monétaire, et l’activité économique liée aux échanges commerciaux était leur épine dorsale.
Le mot « voyou », ou badass, a une consonance antisociale, mais bad, en anglais moderne, a aussi la nuance de cool. De même, le bad dans badass n’évoque pas uniquement un ruffian, mais inclut également des significations positives telles que « intelligent » ou « patient et fort ».
Au XIVe siècle, alors que la dynastie mongole des Yuan règne sur la Chine, et que l’Europe est à la veille de la Guerre de Cent Ans, le Japon voit la montée sur le trône de l’empereur Godaigo, qui tente de reprendre le contrôle politique des samouraïs. Les premiers à suivre cet empereur sont les « voyous ». Ils mènent une guérilla et jouent avec les forces des samouraïs réguliers.
Cependant, le shogun a fini par reprendre le pouvoir et les éléments rebelles sont devenus des forces indépendantes sur le terrain dans diverses régions. Finalement, au cours de la période des Provinces combattantes, lorsque de petits fiefs semi-indépendants s’établissent dans diverses régions du Japon, des communautés spécialisées dans ce que nous appellerions aujourd’hui des activités de renseignement et des opérations militaires irrégulières ont été créés à partir de ces forces. Ce sont les « ninjas ». Ils étaient employés par les daimyô, les « rois » de ces petits royaumes.
Un manuel du XVIIe siècle parle de la droiture des ninjas
Leurs capacités sont légendaires. Une force et une endurance surhumaines. Une maîtrise des arts martiaux et de techniques de survie qui rendent possible l’impossible. Ils savent manier les armes à feu, y compris les bombes enfouies.
Leurs tâches principales sont des opérations de renseignement par l’infiltration d’ennemis virtuels ou de pays en guerre, ou encore la manipulation d’informations par l’utilisation de messages cryptés ou leurres. Dans les temps modernes, cela s’apparenterait à l’utilisation de « fake news » pour influencer l’opinion publique.
Ils auraient également mené des activités subversives et commis des assassinats. Bien que la vérité soit entourée d’obscurité, certains seigneurs de l’histoire japonaise, tels que Takeda Shingen et Uesugi Kenshin, ont effectivement trouvé la mort à un moment très opportuns pour leurs adversaires. La légende persiste à dire que des ninjas ne sont certainement pas étrangers à ces événements.
Dans le monde de Naruto, les ninjas sont ouvertement actifs, et leurs missions couvrent même la recherche de chiens et chats perdus. Cependant, d’un autre côté, les activités illicites ou secrètes restent également dans leur apanage. On peut dire que ces aspects des ninjas sont également conformes à ceux des ninjas historiques.
Il semble toutefois que même les ninjas historiques n’avaient aucune éthique et étaient prêts à accomplir n’importe quelle tâche contre rétribution. Il existe un livre appelé Mansen Shûkai, écrit vraisemblablement à la fin du XVIIe siècle. L’ouvrage traite des techniques ninja transmises par les familles ninja de Koga et d’Iga (qui font aujourd’hui partie des préfectures de Shiga et de Mie), que l’on peut considérer comme la terre sacrée des ninjas. Dans ce « manuel », la première vertu mise en avant est la droiture. Oui, la droiture du cœur.
Un « bon esprit » indispensable
On dit que la droiture est ce qui résulte de Jin-Gi-Chû-Shin ou « Bienveillance-Justice-Loyauté-Foi ». Jin est la bienveillance, l’humanité et la compassion ; Gi est la justice et le devoir. Comme l’a dit Hatake Kakashi, le maître de Naruto : « Voir où est la justice et ne pas lui faire honneur est un manque de courage. » Chû est la loyauté et l’esprit d’obéissance à son seigneur, et shin est la foi et l’esprit de confiance. Dans Naruto, c’est justement cette vertu qui fait que la confiance en ses camarades est une qualité très appréciée.
Mais être « loyal » ne signifie pas perdre son âme et obéir aveuglément au seigneur. Il est clairement indiqué que le simple fait de se soumettre à un puissant qui vous ordonne de faire des choses scandaleuses n’est pas de la loyauté. Même Uchiwa Itachi, quand les chefs de village lui ont ordonné de porter la main sur des membres de sa famille, a pris sa propre décision après une douloureuse réflexion.
Les ninjas acquièrent une force surhumaine grâce à un entraînement rigoureux. Ainsi, s’ils n’avaient pas le « bon esprit » de bienveillance et de loyauté, nul doute qu’ils seraient noyés dans le pouvoir ou l’exerceraient de manière non pas raisonnée mais émotionnelle. Tout cela est correctement reflété dans Naruto.
La haine et la justice représentées dans Naruto
Le monde réel est complexe et il n’est pas facile d’affirmer avec certitude ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui est vrai et ce qui est faux.
Le monde de Naruto n’est pas différent. À la suite de la Grande Guerre, les relations entre les superpuissances ont connu une certaine stabilité. Cependant, certains petits pays ont été envahis au cours du processus, et les conflits entre parents liés par le sang dans les villages ne sont pas complètement résolus.
À première vue, le monde est stable, mais en coulisses, une organisation de ninja ayant quitté leur village complote. Pour contrer la crise qui s’annonce, les chefs décident de former une alliance entre les villages. Cependant, derrière la bataille se cache un plan encore plus grand impliquant l’histoire des ninjas.
Malentendus, erreurs, méfiance et intrigues. Les petits malentendus finissent par créer de grandes tragédies et une onde de haine se propage. Il y a les partisans de la ligne dure et les modérés. Les uns commettent des actes de terrorisme au nom de ce qu’ils croient être la « justice », tout en sachant qu’elle est atroce, tandis que les autres complotent par vengeance personnelle.
La haine et la méfiance mènent au conflit. Les graines des tragédies qui se perpétuent de génération en génération sont minutieusement dépeintes dans Naruto. Cependant, si les ténèbres de la méfiance se transmettent, la lumière de la confiance peuvent également être confiée aux générations futures.
Le personnage principal, Uzumaki Naruto, est un ninja du village caché de Konoha, dans le Pays du Feu. Il échoue plusieurs fois à passer l’examen de l’école des ninjas et de plus, une créature appelée « Renard à neuf queues » (kyûbi) est scellée à l’intérieur de son corps. Seuls les adultes du village sont au courant, mais le mépris dans leur regard se répercute naturellement sur Naruto, qui vit une enfance solitaire.
Personne ne regarde le jeune garçon comme il faut. C’est pourquoi il s’est fixé comme objectif futur de devenir le chef de son village, ou « Hokage », et de se faire reconnaître comme le plus grand ninja de tous les temps par les habitants de son village.
La créature qui vit en lui est un être qui a autrefois attaqué le village et pris la vie de nombreuses personnes, et le sceau qui le maintien tranquille peut être brisé à tout moment, ce qui lui vaut la méfiance de tous. Il n’est donc pas surprenant que Naruto soit également la proie d’un esprit sombre.
Mais Naruto a eu la chance d’avoir des mentors très compétents. Iruka, Hatake Kakashi et Jiraiya. Il a également été guidé par des ninjas et des grenouilles d’autres villages. La « confiance » que lui ont accordée de nombreux adultes et amis, non seulement de différentes races mais aussi de différentes espèces, l’a guidé pour devenir une personne capable de parler et de tolérer même ceux qui ont tué ses professeurs. C’est alors que le destin du monde se trouve entre les mains du jeune ninja.
Chaque être humain a une place qui lui est propre dans le monde. Même si d’autres individus nous paraissent atroces de notre point de vue, eux-mêmes possèdent leur propre point de vue, et ce n’est que par le dialogue et l’inclusion que le cycle de la haine peut être brisé.
Tout cela est évidemment plus facile à dire qu’à faire, d’où ces cycles de haine et de méfiance indémêlables dans la vie réelle. Il faudrait parfois une quantité infinie de tolérance et d’inclusion pour pardonner à certains...
Mais la vie ne s’arrête pas à une seule génération. Si nous transmettons l’espoir à la génération suivante, un avenir meilleur se dessinera un jour.
L’histoire de Naruto a mis quinze ans pour transmettre les réponses au héros du manga. Ou, si l’on préfère, il lui a fallu 700 épisodes et 15 ans pour trouver ses propres réponses. Ses réponses se sont répandues dans le monde entier et ont résonné dans le cœur des lecteurs et des spectateurs.
(Photo de titre : Naruto a été publié en série dans le magazine Weekly Shônen Jump de 1999 à 2014. Au total, 700 épisodes et 72 volumes ont été publiés. Photo de Nippon.com.)