Les coutumes japonaises au fil du calendrier

Le Japon au fil du calendrier : les traditions du mois de septembre (« nagatsuki »)

Culture Tradition

Kobayashi Akira [Profil]

Mois après mois, de janvier à décembre, de nombreuses anciennes traditions continuent d’imprégner et de rythmer la société japonaise moderne. Accompagné d’illustrations d’époque, penchons-nous en détail sur les coutumes du mois de septembre (appelé dans l’ancien calendrier nagatsuki) et leurs origines.

La « fête de l’œil pourri »

De nombreux sanctuaires organisent des festivals en septembre, ceux de Shiba Shinmei-gû et Kanda Myôjin sont les plus populaires.

Le festival du sanctuaire Shiba Shinmei-gû se distingue par sa longueur, il dure du 11 au 21 septembre. Il est donc parfois surnommé « le festival qui se traîne » (dara-dara matsuri). On l’a également affublé du nom de « fête du gingembre » car le gingembre du quartier de Yanaka, très renommé à Edo, était vendu dans l’enceinte du sanctuaire. Or, ce marchand de gingembre étant apparemment borgne, le festival a aussi pu être appelé « fête de l’œil pourri » (mekkachi matsuri ou mekkusari matsuri), une expression peu politiquement correcte qui donne bien à voir la mentalité des hommes d’Edo si avides de médisance.

Sur la pancarte à lire de droite à gauche, les deux premiers idéogrammes de « ryôkô » font référence aux deux divinités vénérées au sanctuaire d’Ise Jingû, Amaterasu (vénérée dans le sanctuaire intérieur) et Toyoke (à qui le sanctuaire extérieur est dédié). Ainsi le sanctuaire de Shiba Shinmei-gû a été surnommé « Ise-sama du Kantô ». « Livre illustré des coutumes de la cité d’Edo » (Edofunai Ehon Fûzoku Ôrai), d’Utagawa Hiroshige IV. (Collections de la bibliothèque de la Diète nationale)
Sur la pancarte à lire de droite à gauche, les deux premiers idéogrammes de « ryôkô » font référence aux deux divinités vénérées au sanctuaire d’Ise Jingû, Amaterasu (vénérée dans le sanctuaire intérieur) et Toyoke (à qui le sanctuaire extérieur est dédié). Ainsi le sanctuaire de Shiba Shinmei-gû a été surnommé « Ise-sama du Kantô ». « Livre illustré des coutumes de la cité d’Edo » (Edofunai Ehon Fûzoku Ôrai), d’Utagawa Hiroshige IV. (Collections de la bibliothèque de la Diète nationale)

La longueur du festival Kanda Myôjin

Le festival de Kanda Myôjin a lieu le 15 septembre. Il fait partie, avec celui de Sannô du sanctuaire de Hie, des deux festivals patronnés par le shogunat dits « Tenka Matsuri ». Ils étaient organisés en alternance tous les deux ans.

Dans le Recueil d’observations compilées par l’administration des temples et des sanctuaires intitulé Shisô Zasshiki, l’auteur indique que « Kanda et Sannô sont des sanctuaires exceptionnels ». Les cortèges avaient le droit de pénétrer à l’intérieur de l’enceinte du château d’Edo, parfois le shôgun les gratifiait de leur présence. Les « Annales Tokugawa » (Tokugawa Jikki) rapportent qu’en 1706, le shôgun a assisté à la procession.

Les paroissiens de 60 quartiers étaient sous la juridiction du sanctuaire Kanda Myôjin et pour le festival pas moins de 36 chars (dashi) défilaient. Le cortège devait donc être assez long. Sur le « Panorama du festival de Kanda Myôjin » (Kanda Myôjin Gosairei no Zu, 1854) conservé dans les collections de la bibliothèque de l’Université nationale de musique, on voit qu’à l’arrivée du premier char à la porte du pont Tokiwa qui marquait l’entrée dans le château d’Edo (dans l’actuel quartier tokyoïte d’Otemachi), la queue du cortège et son 36e char sont encore stationnés près du Kanda Myôjin à la butte Shohei (à Yushima, Tokyo).

Si on en croit cette estampe, le cortège s’étalant entre Otemachi et Yushima aurait fait environ 2,5 km. Mais si on s’en réfère au site du festival de Kanda, la procession actuelle fait près de 300 mètres.

Le premier char du cortège du festival Kanda Myôjin est constitué d’un tambour surmonté d’un coq, ce ôdenma-chô kanko dori est un oiseau imaginaire, il aurait par son chant matinal guidé le monarque sur la voie du la bonne gouvernance. (Collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo)
Le premier char du cortège du festival Kanda Myôjin est constitué d’un tambour surmonté d’un coq, ce ôdenma-chô kanko dori est un oiseau imaginaire, il aurait par son chant matinal guidé le monarque sur la voie du la bonne gouvernance. (Collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo)

Le jour du festival, « les quartiers de Yokomachi et Koji étaient interdits de passage et dédiés à la procession du cortège » (« Livre illustré des coutumes de la cité d’Edo »), et la circulation était strictement contrôlée. Mais les festivités étant bénévolement organisées par les habitants. Le festival était dûment encadré, sa gestion n’était pas assurée par l’administration de la ville.

Le shogunat subventionnant les Tenka Matsuri, ils ont pu être annulés à diverses reprises. En 1771, par exemple, à la suite du décès de Shinkan-in, le grand chambellan d’Ieharu, le 10e shôgun ou en 1853 à la mort de le 12e shôgun.

Références bibliographiques

  • « Illustrations légendées. Edo au fil du temps vu par l’ukiyoe » (Zusetsu Ukiyoe ni miru Edo no Saijiki, sous la direction de Satô Yôjin revu par Fujiwara Chieko, paru chez Kawade Shobo Shinsha)
  • « Livre illustré des coutumes de la cité d’Edo en japonais moderne» (Gendai-go yaku Edofunai Ehon Fûzoku Ôrai), de Kikuchi Kanichirô (Utagawa Hiroshige IV) dans la traduction de Kobayashi Shôjirô / Kadokawa Sophia Bunko.
  • « Les Matsuri des sanctuaires d’Edo. Caractéristiques et Déroulement » (Edo no jinja sairei: Sono kata to jikkô jôkyô), Kishikawa Masanori/ Revue du centre de recherche et de développement de l’université Kokugakuin, n° 4.

(Photo de titre : « Panorama du festival du sanctuaire Kanda à Tokyo » / De gauche à droite, on aperçoit les chars n° 6 [du quartier Dôri Shinkoku], n° 7 [du quartier Suda-chô 1-chôme], n° 8 [de Suda-chô 2-chôme] et n° 9 [du quartier Renjaku]. La figure du huitième char représentant Guan Yu, un général chinois du début de la période des Trois Royaumes, est un chef-d’œuvre du genre. Collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo.)

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Kobayashi AkiraArticles de l'auteur

Né en 1964 à Tokyo. Après avoir travaillé comme éditeur dans une maison d’édition, il devient indépendant en 2011. Il dirige actuellement Diranadachi, un bureau de production éditoriale, où il mène des projets de magazines de voyages ou d’histoire, des mooks, et écrit lui-même des articles.

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