Les coutumes japonaises au fil du calendrier
Le Japon au fil du calendrier : les traditions du mois de mai (« satsuki »)
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La Fête des enfants et les courageuses carpes
Autrefois appelée « Tango no sekku », la fête des enfants célébrée le 5e jour du 5e mois est fériée au Japon. Les enfants sont au cœur des célébrations : nous montrons combien nous tenons à eux et nous faisons grand cas de leur bonheur.
Le terme tango est constitué de deux idéogrammes. Le premier signifie « début » (tan ou hajime) et le second représente le signe du zodiaque du « cheval » (go). Mais comme ce dernier a pour homonyme le chiffre « cinq » (go), tango qui désignait à l’origine « le premier jour du cheval de chaque mois » a fini par être synonyme de « 5e jour » du 5e mois.
Autrefois, pour la fête des enfants, on célébrait garçons et filles sans distinction le 3 mars (Jôshi no sekku ou Hina-matsuri) et le 5 mai. Mais comme le mois de mai est la saison des iris (shôbu) et que cette fleur symbolise également les arts de la guerre et les arts martiaux, le mois de mai a fini par être réservé aux garçons et le mois de mars est resté dédié aux filles.
Pendant l’époque de Kamakura, la fête concernait les garçons nés dans des familles de samouraïs. Les demeures de guerriers étaient alors décorées de casques (kabuto) et cette pratique aurait ensuite essaimé. Pendant Edo, elle s’est répandue et les notables ont commencé à arborer des banderoles à l’effigie de carpe devant leur résidence.
La carpe est un poisson vigoureux qui peut vivre dans des eaux stagnantes ou des marais. Dans la Chine du Ve siècle, la « Chronique des Han postérieurs » raconte la légende d’une carpe réussissant à remonter une cascade dans les rapides du fleuve Jaune et parvenant à se transformer en dragon. Ce récit est à l’origine de l’expression « tôryûmon » (remonter la porte du Dragon) qui évoque l’espoir de ceux qui sont prêts à surmonter tous les obstacles pour réussir dans la vie. En arborant des banderoles à l’effigie de carpe, les familles souhaitaient à leurs enfants réussite et persévérance, espérant qu’à l’instar de cette légende ils arrivent à s’élever tout en haut de la société.
Cependant, dans l’ouvrage intitulé « Jeux des cinq fêtes, les enfants et leurs trésors » (Ko-dakara Go-Sechi Asobi) paru au XVIIIe siècle, Torii Kiyonaga ne représente pas des banderoles (nobori) figurant des carpes. Sur les étendards du dessin, on distingue plutôt les personnages de Kintarô, Momotarô et Takasago (une pièce de théâtre nô ayant pour thème, l’amour conjugal et la longévité). Dans les pages d’« Illustrations légendées, Edo au fil du temps vu par l’ukiyo-e » (Zusetsu Ukiyoe ni miru Edo no Saijiki, paru chez Kawade Shobo Shinsha), on peut lire que la coutume d’ériger des étendards a peu peu été supplantée par celle de faire flotter des banderoles « koi-nobori ».
De nos jours, comme l’habitat s’y prête peu en zone urbaine, les familles sont de moins en moins nombreuses à installer des koi-nobori. Et pourtant dans le cadre d’une politique de la ville, pour revitaliser le tissu urbain, de plus en plus de festivals sont organisés. Citons par exemple le Koi-nobori au Onsen de Tsuetate, à Aso, dans la préfecture de Kumamoto, ou celui de Tatebayashi, dans la préfecture de Gunma (festival Koinobori no Sato) ou encore celui de Kawawatashi au bord du fleuve Shimanto, dans la préfecture de Kôchi.
Il existe une autre tradition liée aux iris. Puisque cette fleur est censée « éloigner les mauvais esprits », les Japonais avaient l’habitude d’en mettre dans leur bain en guise de porte-bonheur.
Pendant Edo, quand on se rendait aux bains publics, la coutume voulait qu’on ajoute un supplément au tarif d’entrée, correspondant au prix des iris. L’écot enveloppé de papier était placé sur un petit plateau surélevé dans la guérite à l’entrée des bains (source : « Pourquoi dit-on que les habitants d’Edo sont “chaki-chaki” ? Comment être chic dans la capitale de l’Est », paru chez PHP Kenkyû-sho). Aujourd’hui encore, de nombreux bains publics proposent des bains d’iris à l’occasion du 5 mai.
Feux d’artifice et barques de plaisance
Au 28e jour du 5e mois du calendrier lunaire, les habitants d’Edo attendaient à Ryôgoku avec impatience que le fleuve Sumida s’ouvre aux plaisanciers.
En 2024, le 28e jour du 5e mois lunaire tombe le 3 juillet. La saison étant déjà chaude et humide, on se rassemble sur les rives de la Sumida à la recherche d’air frais. Ce jour marque le début d’une saison qui courait jadis jusqu’au 28e jour du 8e mois. Pour fêter le début de cette nouvelle période de l’année, la Sumida se remplissait de barques de toutes tailles et aux abords du pont Ryôgoku les ruelles du Hirokôji se couvraient d’étals et de restaurants ambulants.
Tous attendaient le feu d’artifice de Ryôgoku qui était tiré pour fêter le début de la saison le 28e jour du 5e mois. Cette grande attraction est à l’origine du festival des désormais célèbres feux d’artifice de la Sumida.
Toutes les embarcations couvertes étaient prises d’assaut. On ne connaît pas précisément les tarifs de location mais il semblerait que les grandes barques couvertes privatisées étaient réservées à prix d’or par les plus fortunés. Même les simples barques devenaient onéreuses, tant les pêcheurs de la Sumida essayaient d’en tirer un bon prix et les réservaient aux proches. Le commun des mortels n’avait donc d’autre choix que d’observer les festivités depuis la rive ou les ponts.
Au pied du pont de Ryôgoku se trouvait un endroit dit Hirokôji qui servait habituellement de zone tampon en cas d’incendies, si fréquents et si destructeurs à Edo. Ce site permettant aux habitants de trouver refuge en cas de sinistre, en temps normal, ni restaurants ni magasins n’étaient autorisés à y tenir boutique. Ce jour faisait exception.
Dans « Nouvel ukiyoe, le pont de Ryôgoku au soir tombant » (Shinpan Ukiyoe Ryôgoku-Bashi Yûgeshiki-no-zu), on voit une rangée d’étals et de restaurants ambulants au premier plan. Le grand bâtiment au centre à gauche est un théâtre de rue proposant des attractions. Tous ces édifices étaient temporaires, ils disparaissaient juste après les célébrations accompagnant le début de la saison.
Au 5e mois, les colporteurs affluaient à Edo pour vendre leur tokoro-ten (nouilles de gélatine végétale), des infusions à la feuille de nèfle ou pour proposer des bulles de savon (shabon-dama) très appréciées des enfants. Ils faisaient partie intégrante de l’été à Edo et étaient très populaires auprès des habitants qui attendaient leur venue à Hirokôji.
En 2024, les feux d’artifice de la Sumida auront lieu le 27 juillet. Nombreux sont ceux qui comme jadis attendent avec impatience ce moment phare de l’été.
On s’accorde généralement à dire que les feux d’artifice de Ryôgoku tirent leur origine de l’épidémie de 1733 et que les festivités auraient servi à commémorer les défunts, disparus à cause de la famine et des maladies, mais certains experts de la période estiment que cette explication a été élaborée pendant l’ère Meiji et qu’elle ne correspond pas à la réalité.
Bibliographie indicative
- « Illustrations légendées. Edo au fil du temps vu par l’ukiyo-e »(Zusetsu Ukiyoe ni miru Edo no Saijiki, sous la direction de Satô Yôjin revu par Fujiwara Chieko, paru chez Kawade Shobo Shinsha)
- « Pourquoi dit-on que les habitants d’Edo sont “chaki-chaki” ? Comment être chic dans la capitale de l’Est », (Naze Edokko-wo chakichaki toiunoka - Iki na Edo no Seikatsu Jijô, de Nakae Katsumi, paru chez PHP Kenkyû-sho)
- « Edo en bref, en dessins et en infographies, Donner à voir le petit peuple d’Edo » (Sarai no Edo : CG de yomigaeru edo-shomin no kurashi, Shôgakukan)
(Photo de titre : sur l’estampe intitulée « Se rafraîchir dans les trois capitales, L’été au pont de Ryôgoku » [Santo suzumi no zu, Tôto Ryôgoku Bashi Natsu keishiki], on voit flotter sur la rivière de nombreuses embarcations grandes ou petites, la foule se presse et s’agglutine sur le pont de Ryôgoku, les festivités battent leur plein. Collections de la Bibliothèque nationale de la Diète.)