Le renouveau régional au Japon

Le vinaigre de kaki Haliyo, un modèle d’économie circulaire au Japon

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Ukita Yasuyuki [Profil]

Depuis Tokyo, Itô Yuki s’est lancée dans une aventure artisanale, écologique et humaine : fabriquer du vinaigre de kaki à partir de fruits rejetés pour redynamiser une petite ville régionale. Et c’est une réussite ! Comment s’y est-elle prise ?

La création d’un modèle d’économie circulaire parfait

Vu que l’inspiration de base de l’entreprise d’Itô était l’utilisation de fruits qui seraient normalement jetés, ce n’est pas surprenant de la voir à l’œuvre pour réduire au maximum les déchets issus de la production de son vinaigre. Elle commence par proposer les graines de kaki aux torréfacteurs locaux de café pour produire un « café » sans caféine, introuvable ailleurs.

Les lies récupérées après le filtrage du moût sont riches en nutriments et sont ainsi utilisées comme aliments et engrais dans un élevage local de cailles. Elles constituent aussi l’un des ingrédients d’un curry en poche alimentaire aromatisé au vinaigre de kaki. Les brindilles et autres bouts de bois récupérés après l’élagage et la taille des arbres sont exploités pour la fabrication de planches à découper et d’abat-jour.

L’entreprise d’Itô incarne à la perfection l’idée d’une économie circulaire où rien n’est gâché.

Le « café » de graines de kaki, qui n’existe pas ailleurs. La profondeur du goût s’allie à l’amertume pour créer une boisson agréable.
Le « café » de graines de kaki, qui n’existe pas ailleurs. La profondeur du goût s’allie à l’amertume pour créer une boisson agréable.

Un curry de chez Haliyo : Du porc à la Vindaloo, aromatisé au vinaigre de kaki.
Un curry de chez Haliyo : Du porc à la Vindaloo, aromatisé au vinaigre de kaki.

Une planche à découper et des cuillers fabriqués avec des déchets de bois de kaki.
Une planche à découper et des cuillers fabriqués avec des déchets de bois de kaki.

Un abat-jour en bois de kaki, en vente au magasin d’usine de Kaizu.
Un abat-jour en bois de kaki, en vente au magasin d’usine de Kaizu.

Depuis quelques années, Itô travaille à relancer la variété yôhô de kaki. Ce kaki hybride est un croisement de kaki Fuyû et de kaki Jirô, avec une chair plus foncée et un goût sucré prononcé. La variété Yôhô a été reconnue en 1991, mais le volume de production et vente est en chute depuis plusieurs années, et ces kakis sont de plus en plus difficiles à se procurer. Itô rêve d’en faire une spécialité locale qui pourrait rivaliser avec la variété Fuyû.

Itô s’efforce à améliorer la disponibilité des kakis de la variété Yôhô.
Itô s’efforce à améliorer la disponibilité des kakis de la variété Yôhô.

Fin 2023, Itô achève la production de la huitième série de vinaigres de kaki dont elle a supervisé la fabrication et le vieillissement en personne. Elle peut maintenant utiliser un petit échantillon d’une série précédente comme pied de cuve, ce qui rend le procédé de fermentation plus stable.Elle garde aussi une partie des séries précédentes pour les faire vieillir, et attend avec impatience de voir l’effet de la maturation et finition sur le goût.

Au début, Itô Yuki était tellement stressée à l’idée de ne pas arriver à fabriquer un produit qu’elle pourrait vendre qu’elle a commencé à perdre ses cheveux. « Ça va beaucoup mieux maintenant », dit-elle en souriant.
Au début, Itô Yuki était tellement stressée à l’idée de ne pas arriver à fabriquer un produit qu’elle pourrait vendre qu’elle a commencé à perdre ses cheveux. « Ça va beaucoup mieux maintenant », dit-elle en souriant.

Quel avenir pour Itô et ses projets ?

« Je voudrais bien agrandir encore un peu mes réseaux de distribution. Ce n’est pas une question de vendre plus mais plutôt de vendre mieux, que mes produits soient disponibles aux bons endroits. Plus les gens apprennent à connaitre le vinaigre de kaki, plus ils connaîtront Kaizu. Peut-être même que des étrangers commenceront à venir à Kaizu, à la découverte de notre vinaigre de kaki. »

Si à l’origine, Itô souhaitait contribuer à l’économie locale, elle pense que ce résultat est plutôt un concours de circonstances. Elle reste modeste en expliquant : « Kaizu a toujours été connu pour ses kakis, et ma contribution à la région vient de leur utilisation ».

« À vrai dire, je plaisante à moitié, mais ce que je voudrais faire, c’est fabriquer du vinaigre de kaki en Espagne, où ils vendent des kakis au marché. C’est un pays que j’adore. »

Le vinaigre de kaki Haliyo commence à être connu à l’étranger et une commande a été reçue récemment de Singapour. Cela va être passionnant de suivre le progrès de cette aventure et de ce produit si typiquement japonais.

(Photo de titre : Itô Yuki dans son verger de kaki. Toutes les photos : © Ukita Yasuyuki, sauf mentions contraires)

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tourisme agriculture région alimentation fruit Gifu

Ukita YasuyukiArticles de l'auteur

Écrivain, journaliste spécialisé en vins, et artiste. Il enquête au Japon et à l’international pour des médias de toutes sortes. Il travaille principalement dans le monde du vin, des spiritueux, du café, de la gastronomie, des voyages, et des personnalités. Il est l’auteur de « L’attrait d’un voyage à Bordeaux » (Akogare no Bordeaux e). Il organise Wine & Trip, un événement multimédia autour du vin et des voyages. Il est aussi illustrateur. Entre autres, il crée des étiquettes de vins et travaille dans la conception d’emballages alimentaires.

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