Exploration de l’histoire japonaise

Dans la chambre à coucher du shôgun : les règles strictes de la vie sexuelle des dirigeants d’Edo

Histoire

Les ôoku, « chambres intérieures » du quartier résidentiel du château d’Edo, avaient une importance vitale pour garantir que les dirigeants Tokugawa laissent derrière eux des successeurs. Les relations sexuelles entre un shôgun et ses concubines étaient strictement encadrées et étroitement surveillées par les serviteurs.

Plongée dans la chambre à coucher du shôgun

Le nakaoku était l’appartement du shôgun à l’intérieur des ôoku, et sa chambre à coucher était appelée l’okozashiki. Cette pièce donnait sur deux couloirs centraux, le kami no osuzu rôka (couloir des cloches supérieur), et le shimo no osuzu rôka (couloir des cloches inférieur), qui reliaient le nakaoku à d’autres parties des ôoku. On trouvera ci-dessous une description générale de la résidence.

Plan des quartiers résidentiels du shôgun à l'intérieur du château d'Edo. (Avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque métropolitaine de Tokyo, Archives spéciales)
Plan des quartiers résidentiels du shôgun à l’intérieur du château d’Edo. (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque métropolitaine de Tokyo, Archives spéciales)

A. Le kami osuzu rôka

Les deux osuzu rôka sont célèbres au Japon, où ils figurent dans de nombreux drames et films d’époque décrivant les ôoku. Le couloir supérieur servait de corridor principal reliant l’appartement du shôgun au reste des ôoku. Le couloir inférieur a été préservé en tant qu’issue de secours à l’issue du Grand feu de Meireki, qui a dévasté en 1657 de vastes portions de la capitale, et par la suite il a servi de voie d’accès à la résidence de la mère du shôgun.

B. Le kami osuzu rôka tobira

C’était l’entrée qui desservait le couloir supérieur. Les portes des deux osuzu rôka étaient cadenassées. Quand le shôgun empruntait le couloir supérieur, le cadenas était déverrouillé, la porte ouverte, et une cloche sonnait pour annoncer son arrivée.

C. L’okozashiki onjôdan

L’okozashiki était la chambre centrale de la résidence du shôgun à l’intérieur des ôoku. Il contenait une pièce surélevée (onjôdan) qui faisait office de chambre à coucher. Lorsque le shôgun rencontrait une concubine, deux ensembles de literie avec des coussins étaient disposés par avance.

D. Le nijûjô no ma (tsugi no ma)

C’était une pièce de réception située face au onjôdan, dont elle était séparée par un paravent.

E. Les irikawa-en

Il s’agissait de vérandas, situées sur les côtés nord et sud du onjôdan, auxquelles on accédait par des portes coulissantes. C’est dans ces vérandas, également connues sous les noms de hiro-en (grandes vérandas) et de tatami-rôka (corridors-tatami), que les serviteurs et les domestiques attendaient.

Nouvel aperçu sur les ôoku

La compréhension des ôoku a progressé ces dernières années grâce à de nouvelles découvertes, dont plusieurs ont détrôné les hypothèses précédentes. Remarquable entre ces découvertes est celle de dessins et autres documents laissés par des charpentiers ayant participé à la construction de ces chambres intérieures.

On a longtemps présumé que, lorsque le shôgun passait la nuit avec une concubine, un domestique (ochûrô) et une aînée étaient de garde, assis dans la pièce de réception adjacente. On pensait aussi qu’un autre serviteur et un otogi-bôzu dormaient aux côtés du couple amoureux dans le onjôdan pour parer à toute éventualité de complot de la part de la maîtresse.

Mais les dessins découverts jettent un doute sur les positions de ces deux derniers personnages. Selon les données dont on dispose, le onjôdan mesurait deux ken de large, soit 3,64 mètres. Hirai Kiyoshi, un expert en architecture féodale japonaise, déclare qu’un espace aussi étroit aurait eu du mal à abriter les deux observateurs, qui auraient été empêchés de déployer leur literie par les portes coulissantes. Il remarque que la seule façon qu’ils auraient pu trouver de surveiller le couple aurait consisté à se positionner dans les vérandas parallèles, mais même ainsi ils auraient été à l’étroit, sachant que l’irikawa-en du sud mesurait 1 ken (1,8 mètres) de large et celui du nord à peine la moitié.

Des documents récemment découverts montrent que la chambre à coucher du shôgun aurait été trop étroite pour accueillir qui que ce soit dans le dispositif de couchage tel qu’on le concevait jusque-là. Les lignes en pointillé indiquent l’emplacement des portes coulissantes. (Illustration de Satô Tadashi)
Des documents récemment découverts montrent que la chambre à coucher du shôgun aurait été trop étroite pour accueillir qui que ce soit dans le dispositif de couchage tel qu’on le concevait jusque-là. Les lignes en pointillé indiquent l’emplacement des portes coulissantes. (Illustration de Satô Tadashi)

Il est possible que la domestique et l’otogi-bôzu aient dormi dans l’une ou l’autre véranda ; malgré leur séparation du onjôdan par des portes coulissantes, cela leur aurait permis d’entendre toute conversation provenant de la chambre à coucher.

Yamamoto Hirofumi, ancien professeur à l’Institut historiographique de Tokyo, de l’Université de Tokyo, a proposé une variante intéressante de l’interprétation de ce système de surveillance, en remarquant que les domestiques en faction étaient en règle générale choisies parmi les femmes qui avaient précédemment partagé le lit du shôgun, ce qui laisse supposer qu’elles étaient très motivées pour détecter toute demande illicite murmurée par une rivale.

Soumettre sa vie sexuelle à de telles contraintes est impensable pour les gens d’aujourd’hui. Mais pour les shôgun, engendrer des héritiers faisait partie de la politique, et le manque d’intimité dans la chambre à coucher était quelque chose dont il fallait s’accomoder.

(Photo de titre : scène provenant de la revue illustrée de l’ère Meiji Fûzoku Gahô décrivant le salon situé à l’intérieur de l’appartement ôoku du shôgun. Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque de l’Université Kokugakuin)

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