Les aliments fermentés, un passeport pour la santé : conversation avec l’aventurier culinaire Koizumi Takeo

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Koizumi Takeo [Profil]

L’alimentation des Japonais a beau s’occidentaliser, le miso, le soja fermenté nattô et les légumes en saumure tsukemono ont toujours la cote. Les aliments fermentés connaissent même un succès croissant, pour leurs bénéfices sur la santé. Koizumi Takeo, éminent spécialiste de la fermentation et professeur honoraire de l’Université agricole de Tokyo, revient pour nous sur les découvertes de ces dernières années.

Des saveurs qui renforcent le système immunitaire

Les aliments fermentés sont de plus en plus recherchés. Pourquoi éveillent-ils un tel intérêt ?

On peut évoquer plusieurs raisons : premièrement, les Japonais accordent une attention croissante à leur santé. Sachant que les aliments fermentés sont très sains, ils s’efforcent d’en manger. Deuxièmement, les aliments fermentés sont ce qu’il y a de plus naturel puisque la fermentation est issue de leurs propres micro-organismes, sans ajout d’aucune sorte ; ils ont donc une valeur totalement différentes des autres aliments. Troisièmement, le mystère qui entoure ces saveurs naturelles et ces parfums spéciaux leur confère un goût inoubliable. Ces aliments traditionnels, qui font partie de notre alimentation depuis toujours, sont des produits dans lesquels les consommateurs ont une totale confiance.

Les aliments fermentés ont-ils vraiment des bienfaits diététiques ? Bien sûr que oui. Préparés à partir de céréales, de lait d’origine animale, de légumes et de poissons fermentés, ils sont incroyablement riches en nutriments. Ils regorgent de vitamines, d’acides aminés essentiels ou encore de peptides aux effets positifs. Tous sont issus de l’activité des micro-organismes impliqués dans la fermentation. Les probiotiques ainsi obtenus et stockés dans les aliments fermentés peuvent aider à lutter contre l’hypertension, limiter la prolifération des cellules cancéreuses, réduire les triglycérides, dissoudre les caillots sanguins, bloquer les substances radioactives ou encore renforcer les fonctions hépatiques.

Des recherches récentes montrent par ailleurs que ces aliments ont pour effet de renforcer le système immunitaire, qui nous protége des maladies. Plus nos cellules immunitaires sont nombreuses, mieux elles sont armées pour lutter contre les virus et empêcher la prolifération des cellules cancéreuses.

La plupart des cellules immunitaires sont fabriquées dans le gros intestin. On a découvert qu’au passage des aliments fermentés, les micro-organismes qu’ils contiennent agissent sur le microbiote intestinal, transformant les cellules normales en cellules immunitaires.

Les aliments fermentés, nous venons de le voir, sont riches en substances bonnes pour la santé, bien qu’encore mystérieuses. Examinons de plus près les bénéfices qu’on peut tirer des aliments fermentés représentatifs du Japon que sont le nattô, le miso, le vinaigre de riz, les tsukemono et le narezushi.

Le nattô

Bactéries de nattô (photo avec l'aimable autorisation de l'auteur)
Bactéries de nattô (photo fournie par l’auteur)

Le nattô est un mets composé de graines de soja bouillies ensemencées avec la bactérie du nattô, qui les fait fermenter. En comparaison avec des graines de soja simplement bouillies, la fermentation multiplie par dix la teneur en vitamine B2.

  • La vitamine B2 favorise la croissance et stimule le métabolisme corporel.
  • Parmi les autres vitamines présentes dans le nattô, la vitamine B1 joue un rôle préventif contre le béribéri, les picotements et les courbatures, l’hypertrophie cardiaque, la perte d’appétit ou les maladies nerveuses.
  • La vitamine B6 prévient les affections dermatologiques et est impliquée dans la métabolisation des acides aminés et la croissance.
  • L’acide nicotinique joue un rôle important dans la prévention de la pellagre, une maladie qui atteint l'épiderme, le système digestif et l'équilibre psychologique.

Dernièrement, plusieurs bénéfices santé ont été attribués à la bactérie du nattô. Elle permet de lutter contre la prolifération des bactéries nocives dans l’intestin et contient deux enzymes importantes.

  • La nattokinase, qui dissout la fibrine, principal constituant des caillots sanguins. Cette enzyme est déjà appliquée au traitement de la dissolution des caillots sous forme orale. Il est prouvé qu’elle passe des intestins dans le sang, où elle dissout les caillots.
  • L’autre découverte est un inhibiteur de l’enzyme de conversion. Cette enzyme, en faisant baisser la pression artérielle, permet de lutter contre l’hypertension. Elle stimule également le système immunitaire.

La principale richesse nutritionnelle du nattô est liée à sa teneur en protéines. Le nattô en contient environ 17 %, soit presque autant que la viande de bœuf (18-19 %). La proportion d’acides aminés libres (quasiment tous des acides aminés essentiels) atteint des taux sans commune mesure avec ceux du soja avant fermentation. La composition nutritionnelle du nattô est ainsi très élevée. Il contient également plus de 1 % d’acide glutamique, composant de base de l’umami. Enfin, le nattô est riche en minéraux comme le calcium, le phosphore et le potassium.

(Voir par ailleurs notre article au sujet d’une étude très intéressante : Consommer du miso et du « nattô » réduit le risque de mortalité : une étude sur 90 000 personnes)

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Koizumi TakeoArticles de l'auteur

Professeur honoraire de l’université d’agriculture de Tokyo, docteur en sciences agricoles. Né en 1943 dans une famille de brasseurs de la préfecture de Fukushima. Spécialiste de la fermentation, de la brasserie et des théories culturelles alimentaires. Directeur de l’ONG Agence de la promotion de la culture de la fermentation. Professeur invité dans les universités de Kagoshima, Beppu et Fukushima entre autres, il est également actif dans divers domaines liés à la culture alimentaire, notamment en tant que président de la Commission nationale pour la promotion de l’alimentation locale ou comme conseiller en politique agricole, et s’applique à mieux faire connaître l’alimentation japonaise. Aventurier culinaire, il voyage de par le monde pour goûter aux spécialités locales les plus rares et extrêmes. Il est l’auteur de plus de 140 ouvrages, parmi lesquels « Les bactéries, sauveuses du monde » (Kin wa chikyû wo sukuu), « Tout sur les tsukemono – à la découverte des aliments fermentés du monde » (Tsukemono taizen – sekai no hakkô shokuin tanbôki) et « C’est bon quand ça sent mauvais » (Kusai wa umai). (Photographie : Nakanishi Hirohito)

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