Nos amis les micro-organismes, ou une agriculture au service de notre système immunitaire

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En s’intéressant aux micro-organismes, qui se trouvent notamment dans les produits fermentés, la médecine moderne se rapproche de plus en plus de la sagesse traditionnelle japonaise. Yoshida Toshimichi, véritable militant de l’agriculture biologique, applique les principes d’autrefois pour renforcer le système immunitaire de ceux qui en ont le plus besoin : les enfants. Et les résultats sont excellents !

Yoshida Toshimichi YOSHIDA Toshimichi

Président de la Kinchan Farm à Sasebo, dans la préfecture de Nagasaki. Né en 1959, il a obtenu sa maîtrise à l’École supérieure d'agriculture de l’Université de Kyûshû. Employé par le gouvernement de la préfecture de Nagasaki, il a d’abord été nommé agent de vulgarisation agricole avant de démissionner en 1996 pour se consacrer pleinement à l'agriculture biologique. En 1999, il a fondé l'organisation à but non lucratif Daichi to Inochi no Kai (Association de la terre et de la vie), qui œuvre pour l'amélioration de la culture maraîchère et de la santé grâce aux recyclage des déchets alimentaires. Son travail et ses idées ont même fait l’objet du film documentaire en deux parties « Itadakimasu (Nourishment for the Japanese Soul) ».

Yoshida Toshimichi croit dur comme fer au pouvoir des bactéries, et il pratique ce qu’il prêche. Agronome de formation, il a pu constater par lui-même les bienfaits pour la santé de ce qu’il appelle affectueusement les kin-chan, des « micro-organismes amis ». Ce nom est utilisé non seulement dans sa ferme mais aussi dans les crèches et les écoles élémentaires qui ont choisi d’adopter ses méthodes. Un documentaire en deux parties intitulé Itadakimasu (Nourishment for the Japanese Soul), sorti en 2016 et 2020, a également été tourné au sujet de son approche révolutionnaire dans les domaines de la nutrition de la petite enfance.

Répandre la bonne parole des micro-organismes

Spécialisé dans l’amélioration des sols, Yoshida Toshimichi a d’abord été agent de vulgarisation agricole pour le gouvernement de la préfecture de Nagasaki. Il n’a pas encore 40 ans lorsqu’il décide de se consacrer à l’agriculture biologique durable, soulignant l’importance de l’utilisation de compost de déchets alimentaires recyclés. De plus en plus convaincu des avantages de cette approche, non seulement pour l’environnement mais également pour la santé, il se fixe pour objectif d’éveiller les plus petits aux mille et un bienfaits des kin, ou micro-organismes, en se rendant notamment dans les crèches et les écoles maternelles de la région.

Yoshida Toshimichi (Photo = Tazunoki Akihiro/Nagasaki Shimbun)
Yoshida Toshimichi (Tazunoki Akihiro/Nagasaki Shimbun)

Aujourd’hui, ce sont ainsi des dizaines de crèches, dont la moitié des établissements de la ville de Kurume, dans la préfecture de Fukuoka, qui à leur tour appliquent les conseils de Yoshida Toshimichi et qui ont commencé à cultiver leurs propres légumes biologiques. Beaucoup incorporent également ces légumes au menu de leurs cantines scolaires avec des aliments fermentés et du poisson séché, éléments chers au régime traditionnel japonais.

La crèche Mamii de Sasebo, dans la préfecture de Nagasaki, a rejoint l’aventure en 2006, et désormais, tous les acteurs locaux y participent, créant un véritable cycle vertueux. L’école a commencé à cultiver ses propres légumes biologiques à l’aide de compost fermenté à base de déchets alimentaires recyclés. Les cantines scolaires utilisent les légumes cultivés pour leurs menus, ainsi que des aliments fermentés japonais traditionnels, tels que le miso et divers condiments.

Les enfants également participent activement à tout le processus : au recyclage, à la culture, à la préparation des condiments et même à la fabrication du miso. Et ça marche !  Deux ans plus tard : le nombre d’absences pour cause de maladie concernant les enfants a considérablement diminué, pour passer d’une moyenne de 5,4 jours à 0,6 jour par an.

Pour Yoshida Toshimichi, ces bons résultats sont à mettre au compte des kin-chan,les  micro-organismes amis, une leçon qu’il a lui-même apprise lorsqu’il était en charge de l’amélioration des sols pour le gouvernement de la préfecture de Nagasaki. Après des années d’expérience, il a compris qu’un sol fertilisé avec du compost fabriqué à partir de déchets alimentaires fermentés produisait des légumes robustes et résistants aux maladies. Alors, pourquoi les mêmes principes de base ne s’appliqueraient-ils pas aux êtres humains ?

De la magie du compost fermenté

Beaucoup pensent certainement qu’ « une agriculture sans pesticide est vouée à l’échec et à devenir le festin de parasites, mais pas du tout, bien au contraire » insiste Yoshida Toshimichi. Il a pu constater par lui-même que les légumes cultivés avec du compost fermenté sont très résistants aux insectes et que lorsque des vers de chou sont relâchés dans une parcelle, ils se dirigent vers les plants fanés et malades, laissant les robustes et sains en bon état. Les photos parlent d’elles-mêmes.

En haut, des choux biologiques cultivés sans pesticides à la ferme Kinchan de Yoshida Toshimichi En bas, des choux fragiles et partiellement fanés dans le même champ décimés par les chenilles (avec l’aimable autorisation de Yoshida Michifumi)
En haut, des choux biologiques cultivés sans pesticides à la ferme Kinchan de Yoshida Toshimichi. En bas, des choux fragiles et partiellement fanés dans le même champ décimés par les chenilles. (Photos avec l’aimable autorisation de Yoshida Toshimichi)

Mais pourquoi le compost fermenté donne-t-il des légumes aussi robustes et résistants aux insectes ?

« Les bactéries issues de la fermentation du compost sont bénéfiques pour le sol car ce sont elles qui décomposent la matière organique » explique Yoshida Toshimichi. Les plantes cultivées à partir de ce sol particulièrement riche en nutriments regorgent de composés phytochimiques qui ont justement pour propriété de faire barrière contre les maladies et les insectes. Dans le même temps, les bactéries bénéfiques présentes dans le compost créent un sol hostile aux micro-organismes destructeurs et pathogènes. « Mais le sol peut également contenir des bactéries putréfactives qui lui sont néfastes. Et l’utilisation répétée de produits agrochimiques peut ainsi déséquilibrer le microbiote dans le sol, rendant les plantes vulnérables aux maladies et aux insectes ravageurs. » souligne Yoshida Toshimichi.

L’intuition de Yoshida Toshimichi selon laquelle les mêmes principes peuvent s’appliquer au corps humain a été confirmée et a fait l’objet de publication de recherches.

Les scientifiques savent depuis longtemps que les bactéries qui se développent dans l’intestin humain créent un environnement hostile aux agents pathogènes (y compris les mauvais micro-organismes) qui peuvent pénétrer dans le système digestif via la nourriture ou l’eau. Mais ce qui est plus surprenant, c’est qu’ils constatent également que la flore intestinale joue un rôle essentiel dans « l’éducation » du système immunitaire, lui montrant ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Jusqu’à 70 % du système immunitaire se situe dans l’intestin. Les diverses bactéries qui y sont présentes sont essentielles pour renforcer et équilibrer les capacités du système immunitaire.

Suite > Les trois piliers d’un système immunitaire sain

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