Les athlètes japonais en route vers la victoire olympique
Itô Mima : la pongiste japonaise redoutée par la Chine
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À l’assaut de la muraille chinoise
Depuis que le tennis de table est devenu une discipline officielle aux Jeux olympiques de Séoul en 1988, la Chine a remporté 28 des 32 médailles d’or dans toutes les catégories existantes. En particulier, les joueuses chinoises jouissent jusqu’à présent d’une domination olympique sans partage : elles ont tout simplement raflé toutes les médailles d’or aussi bien en épreuves individuelles que collectives. Mais il y a aujourd’hui une pongiste qui entend bien mettre un terme à cela : la Japonaise Itô Mima.
C’est en 2014 qu’elle se fait connaître dans le monde du tennis de table bien au-delà des frontières du Japon. Elle remporte le 30 mars l’Open d’Allemagne en double à l’âge de 13 ans, devenant la plus jeune joueuse à remporter un Open. Elle décroche ensuite une nouvelle médaille d’or la semaine suivante à l’Open d’Espagne. Ces deux victoires successives retentissent dans les médias japonais et du reste du monde.
En 2016, elle participe aux JO de Rio à l’épreuve par équipes. Lors de la petite finale, l’équipe japonaise joue contre Singapour, et Itô Mima bat Feng Tianwei (alors 4e mondiale) sans concéder aucun set, permettant au Japon de remporter la médaille de bronze. À 15 ans et 300 jours, elle devient la plus jeune médaillée de l’histoire du tennis de table.
Lors de l’Open de Suède de 2018, elle élimine l’une après l’autre les trois meilleures joueuses chinoises et remporte la compétition. Elle est nominée pour le Star Award, une récompense décernée par la Fédération internationale de tennis de table (ITTF) aux joueuses et joueurs qui ont le plus brillé au cours de l’année, et reçoit le titre de MVP (Most Valuable Player) des championnats du monde de 2018. Ses résultats reçoivent beaucoup d’attention de la part de la Chine, dont certains médias n’hésitent pas à la surnommer « Daimaô » (Reine Démon).
Itô Mima maîtrise une grande variété de techniques grâce à un style de jeu agressif et une habileté prodigieuse dans le maniement de la raquette. Elle est notamment connue pour sa capacité à neutraliser les smashs de ses adversaires grâce à un revers compact, surnommé le « Mima Punch », et pour se servir des deux différentes surfaces en caoutchouc de sa raquette, lisse d’un côté et à picots de l’autre, pour asséner des techniques décisives comme la « chiquita » (aussi appelée virgule ou banane), un puissant coup de revers, et la « chiquita inversée ». Ses services sont difficiles à anticiper car elle est capable de faire varier la hauteur, la longueur, la rotation ou encore la trajectoire de la balle.
Les pongistes chinoises la considèrent clairement comme une menace à leur domination, à tel point que l’équipe féminine a mis au point diverses stratégies pour contrer son jeu, notamment en s’entraînant avec des joueuses ayant un style similaire à elle.
Mais ce n’est pas chose aisée, car Itô continue de progresser et de battre régulièrement ses adversaires chinoises, au point d’occuper la deuxième place du classement mondial depuis avril 2020, du jamais vu pour une joueuse ou un joueur nippon. Ceux qui doutaient malgré tout de son potentiel ont dû se raviser le 26 juillet 2021, lorsqu’elle remporte une médaille d’or historique contre la Chine en finale du double mixte avec son partenaire Mizutani Jun.
Née pour devenir pongiste
Nombreux sont les joueurs japonais qui ont atteint le plus haut niveau en commençant à jouer dès leur plus jeune âge et en suivant des entraînements très intensifs. Itô Mima ne fait pas exception à cette tradition en débutant à l’âge tendre de deux ans. Mais son environnement familial semble l’avoir préparé à cette carrière avant même sa naissance.
Sa mère, ancienne joueuse de tennis de table ayant participé aux championnats interlycées du Japon, explique qu’elle regardait, alors qu’elle était enceinte de sa fille, des matchs à la télévision et décrivait les actions des joueurs à Mima, qui était dans son ventre.
Son intention n’était pas de faire de sa fille une joueuse dès sa naissance, mais simplement de lui transmettre sa passion pour ce sport.
Mais cette habitude semble avoir eu un réel effet car Mima s’est mise à jouer au ping pong à seulement deux ans. Sa mère s’est chargée elle-même de l’entraîner jusqu’à ses huit ans, à un rythme intensif de trois à quatre heures en semaine et plus de six heures les week-ends et les jours fériés.
Mima se souvient de cette période, un sourire candide aux lèvres : « il m’est déjà arrivée de m’entraîner jusqu’à deux heures du matin, alors que je devais aller à la maternelle le lendemain ».
Certains ont critiqué ces entraînements draconiens, jugeant qu’ils étaient excessifs pour un enfant d’un si jeune âge. Il existe en effet de nombreux cas d’enfants qui s’éloignent du sport qu’ils pratiquaient à cause d’entraînements beaucoup trop intenses qui leur ont fait perdre toute envie d’y retourner.
Une volonté de fer
Mais à entendre Itô Mima parler de ces années en riant, son expérience semble être différente :
« J’avais du mal à me lever le lendemain d’une longue séance. Mais je n’ai jamais pensé que les entraînements étaient trop durs pour moi. Pourquoi ? Bonne question, je suis bien contente de ne pas y avoir réfléchi à l’époque ! (rires) »
Nul doute que les entraînements étaient parfois éprouvants. Mais elle n’a jamais eu envie d’arrêter ou d’abandonner. Car c’est elle qui a voulu commencer le tennis de table :
« J’en ai eu marre de jouer à la dînette, et en cherchant quelque chose de nouveau à faire, j’ai dit à mes parents que je voulais faire du ping pong. C’est vrai que je me rappelle de beaucoup choses, même si je n’avais que deux ans à l’époque. »
L’environnement familial a probablement eu son influence dans ce choix, mais le fait qu’elle ait choisi d’elle-même ce sport a été une véritable motivation pour aller de l’avant et poursuivre un entraînement qui objectivement pourrait être considéré comme excessif. Et c’est grâce à cet investissement qu’elle est aujourd’hui autant redoutée par la Chine.
Elle se souvient de ses années au collège, où elle s’est rendu compte de l’importance de trouver sa propre voie :
« Je m’efforce de prendre en compte les opinions de mon entraîneur, mais pendant les matchs, je dois réfléchir toute seule. Il faut donc que j’adopte la même démarche quand je m’entraîne, car la personne qui sait le plus ce dont j’ai besoin, c’est moi. »
Le circuit mondial du tennis de table, comme d’autres sports, a été gravement perturbé par la pandémie de Covid-19. Itô a profité au maximum de ce temps d’arrêt pour perfectionner encore plus son jeu.
Depuis début 2021, elle a remporté deux titres en simple dans deux tournois majeurs, le WTT Contender et le WTT Star Contender, mais il faut noter l’absence des joueuses chinoises qui n’ont pas pu se rendre sur place. Toujours deuxième au classement mondial, son nom se fait d’autant plus remarquer qu’elle est la seule joueuse à ne pas être chinoise parmi les sept premières de la liste.
Son objectif pour les JO, depuis l’annonce de l’élection de Tokyo comme ville hôte alors qu’elle était en première année du collège, est de remporter la médaille d’or en simple et en équipe. Nul doute que sa victoire en double mixte le 26 juillet a raffermi sa confiance pour les épreuves suivantes.
Grâce à sa volonté inébranlable et son entraînement intensif, Itô Mima est désormais devenue la plus grande adversaire des joueuses chinoises, et son regard est porté vers la plus haute marche du podium.
(Photo de titre : Itô Mima en finale des championnats du Japon de tennis de table, le 17 janvier 2021. Jiji Press)