Les athlètes japonais en route vers la victoire olympique
Uchimura Kôhei : quand « le roi de la gymnastique » s’est préparé à sa quatrième olympiade
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LE spécialiste de la barre fixe
Trois fois médaillé d’or aux Jeux Olympiques, Uchimura Kôhei, surnommé « le roi de la gymnastique », s’est mis à l’épreuve pour la quatrième fois lors des JO de Tokyo. La situation était néanmoins bien différente des trois Olympiades précédentes puisqu’il ne comptait participer ni à toutes les six disciplines, ni comme membre du concours général par équipe. C’est en tant que spécialiste de la barre fixe qu’il s’est présenté cette fois-ci.
« Ma démonstration à la barre fixe va durer moins d’une minute. Je voudrais pouvoir tout concentrer dans cette minute et la présenter comme une performance. » a déclaré Uchimura d’un ton calme, mais où perçait son esprit combatif.
Les performances de Uchimura Kôhei aux Jeux Olympiques ont toujours été éblouissantes. En 2008, durant les Jeux de Pékin auxquels il participe pour la première fois à l’âge de 19 ans, il remporte deux médailles d’argent au concours général par équipe et au concours général individuel. À partir de là, il accapare la médaille d’or au concours général individuel aux JO de Londres en 2012, puis ravit deux médailles à Rio de Janeiro en 2016, au concours général par équipe et au concours général individuel. Avec sept médailles olympiques (trois médailles d’or et quatre d’argent), c’est actuellement l’athlète japonais le plus médaillé encore actif.
Cette quatrième participation aux Jeux Olympiques a également permis au « Roi Kôhei » d’égaler un record, en étant le deuxième gymnaste japonais à participer quatre fois consécutives aux Olympiades, 54 ans après Ono Takashi, capitaine de l’équipe du Japon aux Jeux de Tokyo en 1964.
Ono Takashi avait 33 ans lorsqu’il a participé aux précédents Jeux de Tokyo. Uchimura en a 32. Tous deux figures emblématiques du monde du sport dans leur époque respective, les deux champions ont aussi pour point commun d’être spécialistes de la barre fixe.
« Participer quatre fois aux Jeux Olympiques, c’est vraiment dur, je ne trouve pas d’autre mot. Je pense moi-même que j’ai bien travaillé. Je suis peut-être acharné mais je pense que c’est un domaine où on ne peut pas arriver si on n’aime pas la gymnastique du fond du coeur. »
Uchimura nous raconte comment les membres de l’équipe des Jeux de Tokyo de 1964 se sont réunis dans la capitale nippone pour venir encourager les gymnastes durant leur stage d’entraînement au Japon en vue des Jeux de Rio en 2016 et nous a fait part de son émotion d’avoir eu ainsi l’occasion de s’entretenir avec Ono.
Après les deux médailles de Rio, un chemin semé d’embûches
À voir les résultats obtenus durant les Jeux précédents, on aurait tendance à être ébloui par les performances, mais après les deux médailles au concours général en équipe et en individuel, les embûches s’accumulent pour Uchimura.
À la fin 2016, avec son palmarès, Uchimura devient le premier gymnaste professionnel du monde. Tout semble se passer pour le mieux jusqu’à son nouveau départ en vue des Jeux de Tokyo. L’année suivante, il se blesse la cheville gauche à la réception au saut de cheval lors des Mondiaux 2017 et il est forcé d’abandonner la compétition. Le nombre de ses victoires consécutives au concours général des Championnats du monde s’arrête donc à six.
En 2018, durant le stage d’entraînement au Japon avant les Mondiaux, c’est la cheville droite qu’il se blesse, toujours au saut. S’il participe malgré tout aux Championnats avec la cheville bandée, il ne peut pas concourir au sol et au saut, où les chevilles doivent pouvoir résister aux chocs. Le voici donc obligé d’abandonner le concours général individuel. Il se concentre alors sur certaines disciplines précises, dont la barre fixe.
Mais l’année la plus douloureuse a été 2019. Il échoue au concours général individuel des Championnats du Japon en raison de douleurs aux épaules et ne représente son pays pour la première fois depuis les Jeux de Pékin en 2008. Les plus grandes douleurs se situaient aux épaules mais son état physique général était au plus bas : « J’avais mal partout, de la nuque jusqu’aux pieds. »
« Comme j’avais obtenu deux médailles aux Jeux de Rio, j’ai pensé que je pouvais continuer, mais ce n’était pas si simple en réalité. Il y avait la barrière de l’âge et aussi la pression parce que j’avais déjà été médaillé, je pense. »
Une amère décision, mais qui fut la bonne !
À l’été 2019 (soit un an avant les Jeux Olympiques à ce moment-là), sous haute pression émotionnelle, Uchimura en était arrivé à dire que les Jeux n’étaient plus qu’une illusion pour lui. Pourtant, une décision lui donnera l’occasion de sortir de cette impasse.
En février 2020, Uchimura décide de tenter de se qualifier aux JO de Tokyo sans passer le concours général individuel dans les six disciplines mais en se concentrant sur la barre fixe.
Une décision difficile pour le Roi Uchimura, particulièrement attaché à ses performances de gymnaste polyvalent, mais qui le conduira au succès. « C’est curieux, mais en m’entraînant seulement à la barre fixe, je n’ai pas mal aux épaules », déclare-t-il en retrouvant le sourire.
Bien sûr, le fait de se concentrer sur une seule spécialité ne facilite pas pour autant la qualification pour les Jeux. En fait, le combat pour entrer dans le seul cadre prévu pour les épreuves individuelles s’est avéré acharné. Mais en définitive la chance a tourné en sa faveur. Durant les Championnats du Japon par spécialité et les dernières épreuves de qualification aux Jeux Olympiques de Tokyo, Uchimura bat d’un cheveu (0,001 point !) le spécialiste du saut Yonekura Hidenobu et arrive à se qualifier ainsi.
Après sa chute aux JO, la jeune génération lui fait honneur
Trois semaines après sa qualification pour les Jeux de Tokyo, Uchimura déclarait : « Pendant ces cinq années après les Jeux de Rio, c’est la première fois que j’ai connu des échecs depuis que j’ai commencé à mener l’équipe du Japon comme chef de file en 2008. Des Jeux de Pékin à ceux de Rio, tout s’est passé comme je l’avais prévu, et j’ai été satisfait à ma manière, aussi bien à l’entraînement que par les résultats. Mais je n’ai rien pu faire après les Jeux de Rio. Maintenant, j’ai pu surmonter tout ça. »
S’il a continué à rechercher les prouesses en dépit des signes de l’âge donnés par son corps, c’est uniquement parce que les Jeux olympiques de 2020 seront organisés à Tokyo. Pour Uchimura, qui s’est couvert de gloire dans bien des endroits, les Jeux organisés dans son pays ont une signification particulière.
Lors des derniers préparatifs en vue de ses quatrièmes Jeux Olympiques, Uchimura déclarait ne pas uniquement viser la médaille.
« J’ai recherché pendant mon entraînement à parvenir à une exécution qui puisse me satisfaire, et ce serait très bien si je pouvais l’accorder à mon objectif pour les Jeux. Ce que je cherche avant tout, c’est la perfection de ma performance. Même si j’ai été profondément abattu, dans le fond, j’ai pu arriver jusqu’ici parce que j’ai toujours recherché l’exécution idéale. »
Le 24 juillet 2021, lors des qualifications, le monde entier a retenu son souffle pendant une minute devant l’allure du roi Uchimura effectuant son art à la barre fixe. Sa chute malheureuse et son élimination précoce ont été relayées par les médias du monde entier : une belle preuve de la fascination qu’exercait Uchimura Kôhei à travers ses mémorables performances.
Mais Uchimura n’a rien à craindre de sa postérité, car la génération suivante qui l’a pris pour modèle est déjà là pour lui faire honneur. Hashimoto Daiki, 19 ans, a décroché la médaille d’or en concours général individuel le 28 juillet, puis une nouvelle fois à la barre fixe le 3 août, permettant au Japon de rester au sommet du monde de la gymnastique.
(Photo de titre : Uchimura Kôhei, tout sourire suite à sa performance à la barre fixe lors de la Coupe NHK de gymnastique artistique en mai 2021. Jiji)