Les athlètes japonais en route vers la victoire olympique
Kiyuna Ryô : un champion né à Okinawa, l’île du karaté
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Quand le pays du karaté donne naissance à un incroyable athlète
Le karaté est né en tant qu’art martial à Okinawa au XIVe siècle. Lors des prochains Jeux olympiques, le karaté sera inclus pour la première fois, avec deux divisions de compétition : une pour le kata (les formes) et une pour le kumite (le combat), avec un nombre égal de matchs pour les hommes et les femmes dans chaque division. Kiyuna Ryô, 29 ans, est un maître du premier style de compétition, la démonstration en solo des mouvements d’autodéfense de karaté jugés en fonction du degré de précision, de puissance, de vitesse, de rythme et d’équilibre. Il devrait dominer la division masculine des kata.
Kiyuna a remporté trois championnats du monde de karaté biennaux consécutifs dans la division kata, en 2014, 2016 et 2018. Il est resté invaincu aux épreuves olympiques qui ont débuté en juillet 2018 et a remporté les 12 tournois internationaux auxquels il a participé. Pendant huit années consécutives, de 2012 à 2019, il a dominé le All Japan Karate Championship, établissant le record de la plus longue série de victoires de l’histoire de la compétition. Les observateurs prévoient qu’il continuera à battre des records.
Kiyuna est un champion incontesté des tournois internationaux. La division kata compte sept juges qui évaluent la démonstration de chaque compétiteur par incréments de 0,2 point sur une échelle de 10. À chaque match, Kiyuna a battu son concurrent par une large marge de plus de 1,0 point. Il semble devenir de plus en plus fort à chaque compétition. Lors de la finale internationale de janvier 2020, un juge lui a attribué un score sans précédent de 10 points.
Les exploits de Kiyuna lui ont valu un large public de fans de karaté. Il se distingue parmi les prétendants japonais aux Jeux olympiques pour son palmarès et la qualité incontestée de ses victoires. La médaille d’or est à sa portée.
Larmes de frustration
Aussi puissant qu’il semble aujourd’hui, Kiyuna n’a atteint son niveau actuel que grâce à un travail acharné. Il avait cinq ans quand un ami de maternelle l’a inspiré à essayer le karaté. En dernière année de collège, Kiyuna a rejoint la Sakumoto Karate Academy dirigée par Sakumoto Tsuguo, chef de l’école de karaté Ryûeiryû et maître qui a entraîné de nombreux champions du monde. Au lycée, Kiyuna n’a jamais dépassé le troisième match des championnats inter-lycées, mais il est finalement parvenu à se surpasser lors de sa première année d’université, quand il a remporté le championnat inter-universitaire. L’année suivante, en 2012, il a participé pour la première fois au championnat du monde de karaté à Paris en tant que membre de l’équipe nationale japonaise.
L’ascension de Kiyuna s’est heurtée à un mur lors de ce tournoi quand il s’est retrouvé face au champion du monde de l’époque, le vénézuélien Antonio Diaz. Celui-ci s’était entraîné au Japon et était connu pour ses compétences techniques. Kiyuna a perdu contre Diaz, tombant à la troisième place. Dans les tournois suivants, il n’est pas parvenu à dépasser la deuxième ou la troisième place.
Si proche, mais incapable d’atteindre le sommet, Kiyuna était frustré et impatient. Pour aggraver les choses, il a fini à la troisième place aux championnats asiatiques de karaté 2013 qui se sont déroulés aux Émirats arabes unis, alors que les observateurs étaient certains qu’il gagnerait ce tournoi.
Kiyuna est rentré au Japon abattu par sa défaite. Il a remporté le All Japan Karate Championship qui a eu lieu immédiatement après, mais son interview devant près de 100 000 spectateurs a été ternie par ses propres larmes d’amertume. Il avait le sentiment douloureux qu’il n’avait pas su rendre honneur à son pays et qu’il avait échoué dans sa mission de transmettre la splendeur de cet ancien art martial originaire de sa terre natale d’Okinawa à l’international.
Déterminé à développer la force écrasante dont il avait besoin pour devenir un maître vraiment puissant du kata, Kiyuna s’est lancé en 2014 dans un programme exténuant de musculation élargi et dans une pratique constante pour perfectionner les formes de base du karaté, les techniques de poussée tsuki et les coups de pied keri. Il a utilisé les poteaux rembourrés de paille d’Okinawa traditionnels, connus sous le nom de makiwara, pour pratiquer ses frappes et ses coups de pied afin de maîtriser les sensations physiques de ses techniques.
Le dévouement minutieux de Kiyuna lui a permis de développer ses prouesses physiques et d’affiner ses techniques à un point tel qu’il a fini par remporter son premier championnat du monde la même année, en 2014.
Un maître de la difficulté
Kiyuna déclare qu’il n’était cependant pas satisfait de sa victoire au All Japan Karate Championship 2014. « J’avais le sentiment que les gens me considéraient comme le meilleur candidat, et pourtant, je n’étais pas à la hauteur de leurs attentes. »
Son entraîneur Sakumoto le réprimandait fréquemment à l’entraînement. « Tu devrais changer tout ton style de vie », a-t-il averti Kiyuna, dont les performances n’étaient pas encore suffisamment parfaites. Il avait besoin d’aiguiser sa conscience, d’être plus attentif aux détails.
Le sentiment de fierté liée à la victoire d’un championnat est à lui seul suffisant pour faire échouer une personne mal préparée. Les kata sont des mouvements extrêmement délicats. La moindre baisse de concentration ou le moindre manque de volonté entraînera une perturbation majeure dans ces mouvements. Sakumoto, qui avait remporté trois championnats consécutifs à son apogée, le savait mieux que quiconque — d’où son attitude exigeante envers Kiyuna.
Kiyuna n’aurait peut-être jamais remporté sa propre succession de victoires sans l’encadrement strict de Sakumoto. Il a gagné par la suite sa triple couronne avec des victoires consécutives aux championnats du monde de karaté 2014, 2016 et 2018.
Kiyuna obtenait enfin sa place de champion de classe mondiale.
Faire croire que l’adversaire est en face de soi
Kiyuna s’efforce toujours de présenter des démonstrations de kata « réalistes ». Il consacre chaque jour de l’année à la pratique. Commençant avant midi et finissant tard dans l’après-midi, Kiyuna pratique ses kata sous l'œil vigilant de Sakumoto. Ses soirées sont quant-à-elles réservées à davantage de pratique en solo ou à un régime d’haltérophilie. Pas un jour ne passe sans qu’il ne fasse quelque chose pour augmenter la qualité de ses kata.
Un kata comprend une série de mouvements défensifs tsuki et keri contre un adversaire imaginaire. La démonstration doit être suffisamment réaliste pour que les juges puissent « voir » l’adversaire et reconnaître quand celui-ci est vaincu. Pour atteindre ce degré de réalisme, l’interprète doit comprendre pleinement la signification de chaque forme et l’exécuter avec puissance et conviction. Chaque poussée, chaque coup de pied, doit être suffisamment fort et précis pour pouvoir désamorcer un véritable adversaire. C’est là le réalisme que Kiyuna cherche dans ses kata.
Sur les conseils de Sakumoto, l’athlète subit actuellement un type unique de formation croisée, en recevant également un enseignement des arts traditionnels de la danse Ryûkyû et du sanshin (un instrument d’Okinawa de type banjo). L’intention est d’affiner davantage sa sensibilité en maîtrisant les mouvements fluides distinctifs de la danse d’Okinawa, le tempo subtil et concis et le regard net et ciblé. En apprenant ces éléments, Kiyuna améliore ses performances de kata à mesure que son entraînement se poursuit.
Créer l’histoire
Kiyuna déclare avoir un second objectif en plus du perfectionnement de ses kata : il souhaite « créer l’histoire ». Invité à s’expliquer, il déclare vouloir être le premier Okinawaïen à remporter une médaille d’or olympique.
Plus il apprend le karaté, plus l’amour de Kiyuna pour Okinawa grandit, selon ses propres déclarations. Il est très fier de maîtriser un des éléments historiques de la culture de cette île. En tant que participant à la première compétition olympique de karaté, Kiyuna représentera non seulement son pays, le Japon, mais aussi Okinawa, terre de sa naissance et de celle du karaté.
« Je veux transmettre la merveilleuse culture du Japon et d’Okinawa à travers ma performance », déclare-t-il.
Kiyuna cristallisera 700 ans d’histoire du karaté sur la plus grande scène du monde. Lors des prochains Jeux olympiques, il en écrira très certainement une nouvelle page.
(Photos : © Japan Karatedô Fan)