Comment la famille impériale japonaise est amputée d’une partie de ses membres après la guerre

Histoire

Saitô Katsuhisa [Profil]

Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, sous l’occupation américaine, la famille impériale japonaise a été amputée de 11 branches collatérales constituées de 51 membres. Pour nombre des personnes exclues, ce nouveau statut de citoyen ordinaire a été une rude épreuve. Récemment, on a parlé de réintégrer les branches supprimées en vue de regarnir les rangs de la famille impériale.

Un prince impérial devient Premier ministre pour 54 jours

Le 15 août 1945, l’empereur Hirohito a annoncé la reddition du Japon aux forces alliées, et le gouvernement du Premier ministre Suzuki Kantarô a démissionné, mais la fin de la Seconde Guerre mondiale n’était pas entérinée pour autant. Le mécontentement continuait de gronder au sein des forces armées, et l’empereur souhaitait désigner, pour lui succéder à la tête de l’État, quelqu’un qui serait en mesure de mettre un point final à la guerre.

La personne de son choix, le prince Naruhiko, issu de l’une des branches collatérales de la famille, s’était montré hostile à la guerre, en précisant toutefois qu’il s’était également opposé à l’engagement de la famille impériale dans la vie politique et avait tout d’abord refusé le poste de Premier ministre. C’est, semble-t-il, l’air épuisé de l’empereur Hirohito qui a convaincu Naruhiko d’accepter le poste.

Il a écrit dans son journal intime : « J’ai réalisé qu’il m’incombait au premier chef, en tant que citoyen japonais et membre de la famille impériale ayant toujours bénéficié d’un traitement favorable, de faire tout mon possible pour surmonter cette crise sans précédent. »

L’empereur Hirohito décida de faire appel aux membres de la famille impériale pour diffuser le message que la guerre était finie. Les princes qui accomplissaient leur service militaire furent chargés de faire passer le mot au sein des forces armées japonaises à l’étranger.

Une fois Premier ministre, le prince Naruhiko a appelé tous les citoyens japonais à la repentance. Toutefois, quand le quartier général du commandant en chef des puissances alliées a ordonné la destitution du ministre de l’intérieur et de hauts gradés de la police, il a donné sa démission pour protester contre ce qu’il considérait comme une ingérence dans les affaires intérieures. Il n’est resté en fonction que 54 jours.

Le recours aux purges et à l’imposition

Au mois de décembre de la même année, le QG a ordonné l’arrestation de personnes soupçonnées de crimes de guerre, dont le prince Morimasa, qui avait été maréchal dans l’armée. Morimasa fut incarcéré à la prison de Sugamo pour crimes de guerre de classe A. Certains ont jugé que cela constituait une menace à l’encontre de la famille impériale, bien qu’il ait été libéré au bout de quatre mois sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.

En janvier 1946, le QG a déclenché une purge de la fonction publique qui ciblait, entre autres, les militaristes et les partisans de la guerre. Les informations selon lesquelles trois frères de l’empereur Hirohito et le prince Naruhiko figuraient parmi les 15 membres de la famille impériale affectés par cette purge ont choqué la nation. Ils figuraient sur la liste pour la simple raison qu’ils avaient servi dans l’armée, mais en fin de compte, la purge les a épargnés.

Les finances de la famille impériale se sont elles aussi trouvées sous les feux de la rampe. Le QG a ordonné l’ouverture d’une enquête sur le montant total des avoirs détenus par chacun des membres, afin qu’ils soient soumis au taux d’imposition le plus élevé, qui avait été porté à 90 %. Selon les calculs, le montant total des avoirs de l’empereur Hirohito atteignait 3,7 milliards de yens (un chiffre qu’il faut multiplier par un coefficient supérieur à 100 pour obtenir son équivalent en valeur actuelle), et 90 % de ce montant ont été versés dans les caisses de l’État au titre de l’impôt sur le capital. La branche Fushimi-no-miya possédait quant à elle des avoirs pour un montant de 7,9 millions de yens, qui ont été imposés au taux de 85 % après déduction des dettes.

La nouvelle Constitution a été promulguée en novembre 1946, et l’empereur Hirohito a réuni les membres de la famille impériale appartenant aux branches collatérales (liées à lui par des liens éloignés) pour leur annoncer qu’il allait être contraint de les priver de leur statut impérial. L’article 88 de la Constitution disait que « Tous les biens de la famille impériale appartiendront à l’État », si bien que la famille impériale ne disposait plus des ressources financières nécessaires à l’entretien de 11 branches collatérales. (Voir notre article : La Constitution japonaise et ses particularités)

51 membres exclus de la famille impériale

La décision formelle d’exclure de la famille impériale 51 de ses membres appartenant à 11 branches collatérales, dont 26 hommes susceptibles d’accéder au trône, a été prise lors d’une réunion qui s’est tenue en octobre 1947. Le Premier ministre Katayama Tetsu a déclaré qu’il n’y avait alors aucune raison de s’inquiéter pour la succession. Après la réduction, les deux fils de l’empereur Hirohito, dont le futur empereur Akihito, ses trois frères cadets et un neveu resteraient en lice.

Parmi les 51 personnes exclues de la famille, 40 ont reçu une compensation exceptionnelle, à laquelle ceux qui avaient un dossier militaire n’ont pas eu droit. Le coût total de ces versements s’est élevé à 47,5 millions de yens.

Lors d’un repas pris quelques jours plus tard en compagnie des personnes qui quittaient la famille, l’empereur Hirohito a exprimé le souhait que les liens entre tous restent chaleureux, puisque rien n’avait changé dans leurs relations.

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Saitô KatsuhisaArticles de l'auteur

Journaliste. Né à Tokyo en 1951. Diplômé du département politique et économie de l’université de Waseda. Il intègre le quotidien Yomiuri Shimbun où il s’occupe de la rubrique justice d’une part, et, de 1986 à 1989, devient envoyé spécial auprès de l’Agence de la maison impériale. Free-lance depuis 2016.

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