La situation des LGBT au Japon

Otsuji Kanako, première députée japonaise ouvertement homosexuelle : « Chacun fait partie d’une minorité »

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Les couples LGBT « ne peuvent pas faire d’enfants, et sont donc improductifs. Est-ce vraiment pertinent de dépenser l’argent du contribuable pour eux ? » Ces propos de la députée du Parti libéral démocrate japonais Sugita Mio parus dans un magazine en août 2018 ont créé un véritable tollé. Otsuji Kanako, premier membre de l’assemblée nationale japonaise à être ouvertement homosexuelle, nous en parle sans ménager ses mots.

Otsuji Kanako OTSUJI Kanako

Membre de la Chambre basse du Parlement représentant le Parti démocrate constitutionnel du Japon (PDC). Née en 1974, titulaire d'un diplôme de commerce de l'Université Dôshisha, elle a été membre de l'assemblée préfectorale d'Osaka avant d’annoncer publiquement son homosexualité dans son livre intitulé « Coming out : un voyage pour se trouver soi-même » (Coming Out: Jibunrashisa wo mitsukeru tabi). En 2013, elle remporte un siège à la Chambre des conseillers (Chambre haute du Parlement), faisant d'elle le premier membre de la Diète ouvertement homosexuelle au Japon, même si elle a choisi de ne pas se présenter aux élections plus tard cette année-là et a quitté ses fonctions. Elle siège à la Chambre des représentants depuis 2017.

Oser élever la voix et en faire une affaire personnelle

Le mouvement de réaction suite à la publication de l’article de la Sugita Mio et à l’édition d’octobre du magazine ont eu d’importants retentissements : Shinchôsha, l’éditeur de Shinchô 45, a suspendu la publication du magazine.

« Cette fois-ci, c’est la communauté LGBT qui a été visée », explique Otsuji Kanako. « Le Shinchô 45 a peut-être disparu, mais demain ces personnes étroites d’esprit choisiront à n’en pas douter une autre cible et un autre terrain d’attaque. Et la prochaine fois, ce sera peut-être une autre minorité qui sera ciblée. Comment répondre ? Je pense qu’il nous faut sérieusement nous poser cette question. »

Le Shinchô 45, dont la publication a été suspendue. À gauche, l'article de Sugita Mio dans l'édition d'août 2018. À droite, la couverture de l'édition d'octobre, qui contenait un article défendant celui de Sugita. (© Jiji.)
Le Shinchô 45, dont la publication a été suspendue. À gauche, l’article de Sugita Mio dans l’édition d’août 2018. À droite, la couverture de l’édition d’octobre, qui contenait un article défendant celui de Sugita. (Jiji Press)

« Si nous pensons que quelque chose est injuste, nous devons le dénoncer, plutôt que d’attendre que quelqu’un d’autre agisse. Même si vous ne pouvez pas partager votre message publiquement, partagez-le au moins avec des personnes à qui vous pouvez en parler. Il est difficile pour les gens de s’identifier à un débat sur les droits invisibles de minorités invisibles, mais lorsque vous partagez votre message avec des personnes à qui vous pouvez en parler, la question débattue cesse d’être "le problème de quelqu’un d’autre". »

« Par exemple, en 2015, l’Irlande a tenu un référendum pour ou contre la légalisation ou non du mariage homosexuel. L’union de deux personnes du même sexe est devenue possible au terme de ce scrutin. Un ami irlandais m’a expliqué que le résultat du référendum était dû au fait que les électeurs avaient pris à cœur la question comme si elle les affectait personnellement. Et c’est pourquoi la visibilité est si importante. Les politiques sont sensibles à l’opinion publique. Dans la société japonaise, ceux qui ne suivent pas une voie toute tracée se retrouvent souvent dans une impasse. Cependant, si nous changeons pour des institutions sociales qui accepteront des modes de vie différents, nous pouvons rendre la société meilleure, et pour tous. » conclut Otsuji Kanako.

(Texte et reportage de Kuwahara Rika, de Power News. Photos de Nippon.com, sauf mention contraire)

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